Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Hervé Ladsous, et la Secrétaire générale adjointe à l’appui aux missions, Mme Ameera Haq, ont livré ce matin devant le Conseil de sécurité les détails du déploiement de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), établie le 25 avril 2013 par la résolution 2100 (2013), et appelée à devenir à terme la troisième plus grande opération de maintien de la paix de l’ONU.
Le Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali, M. Tieman Hubert Coulibaly, a, pour sa part, lancé un « appel pressant » au Conseil de sécurité afin qu’il autorise le transfert des compétences, le 1er juillet, de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) à la MINUSMA.
M. Coulibaly a souligné que la signature, le 18 juin dernier, de l’Accord préliminaire à l’élection présidentielle et aux pourparlers inclusifs de paix au Mali marquait une « étape décisive vers le rétablissement de l’intégrité territoriale du pays » et créait les « conditions propices à la tenue de cette élection sur l’ensemble du territoire national ».
Cet accord, signé entre le Gouvernement de transition du Mali et des groupes armés dans les régions du nord, notamment le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad, est une « première étape importante vers la pleine restauration de l’ordre constitutionnel et de l’intégrité territoriale », a estimé le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, M. Albert Gerard Koenders.
L’Accord préliminaire, a affirmé le Chef de la MINUSMA, qui s’exprimait par visioconférence de Bamako, au Mali, « ouvre la voie à la tenue d’élections au niveau national, notamment à Kidal, et à un dialogue ultérieur avec les élus sur la gouvernance, la justice, la réforme du secteur de la sécurité et les questions de réconciliation ».
M. Koenders, qui présentait le rapport* du Secrétaire général, a axé son exposé sur l’aspect sécuritaire, le processus de médiation et de réconciliation nationale, y compris l’Accord préliminaire récemment conclu, les préparatifs des élections et la situation humanitaire et des droits de l’homme.
Dans son rapport, le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, observe que la situation au Mali s’est améliorée depuis le début de l’année 2013, et se félicite des « progrès accomplis en vue de l’application de la feuille de route du Gouvernement de transition, qui devrait conduire au rétablissement plein et entier de l’ordre constitutionnel et de l’intégrité territoriale ». « Le dialogue est la clef de la paix et de la stabilité à l’échelle nationale », écrit-il.
Le Représentant spécial, dans son exposé, a affirmé que « la plupart des grandes agglomérations au nord du pays ont été reprises ». Malgré cette amélioration, « la situation reste complexe et fragile », a-t-il dit, en faisant état, notamment, d’accrochages entre le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et différents groupes armés dans le nord.
« Plusieurs raisons seraient à l’origine de ces accrochages », a-t-il expliqué, en citant, entre autres, « le contrôle de certains axes qui seraient utilisés pour le trafic de drogues et autres marchandises ainsi que des actes de vengeance pour des exactions commises contre les populations pendant l’occupation ».
« Par ailleurs, un autre mouvement armé touareg —le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad— a été créé. Ce dernier mouvement est une coalition du Mouvement islamique de 1’Azawad et d’éléments du MNLA. »
Le Chef de la MINUSMA a indiqué que le MNLA avait maintenu le contrôle de la ville de Kidal et de ses environs et avait renforcé sa présence dans certaines localités. « Entre temps, l’armée malienne a renforcé sa présence à Gao. Le 4 juin, elle a lancé une attaque contre le MNLA, qui lui a permis de reprendre la ville d’Anefis. »
« Les risques d’actions asymétriques et de violents affrontements demeurant importants », a souligné le Représentant spécial, en notant que la protection des populations civiles et la sécurité du personnel des Nations Unies étaient l’une de ses « préoccupations principales » alors que se posent les « premiers jalons de la MINUSMA à Bamako et dans les régions du nord du pays ».
Le Représentant spécial a estimé qu’une commission d’enquête internationale devrait également être mise en place « pour enquêter sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes de génocide, les crimes de violence sexuelle, le trafic de drogues et d’autres violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire sur tout le territoire du Mali ».
Pour M. Koenders, « l’Accord est essentiel, non seulement pour la tenue des prochaines élections, mais aussi parce qu’il engage les parties à un dialogue postélectoral ». Pour qu’il soit couronné de succès, ce dialogue devra être « global et inclusif, et s’attaquer aux causes profondes des crises récurrentes au Mali ».
Des défis majeurs demeurent, comme « la nécessité de maintenir le large consensus politique sur les aspects techniques, les délais de livraison du matériel électoral, ainsi que les questions des personnes déplacées », a toutefois fait remarquer le Représentant spécial.
De même, a poursuivi le Chef de la MINUSMA, les besoins humanitaires au Mali continuent d’être une source de préoccupation. Le nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire est estimé à environ 3,5 millions, 1,4 millions d’entre eux ayant besoin d’une aide alimentaire immédiate, a-t-il dit. Au moins un ménage sur cinq dans les trois régions du nord fait face à une grave pénurie alimentaire, a-t-il précisé.
Quelque 660 000 enfants de moins de 5 ans, a ajouté M. Koenders, restent exposés à un risque de malnutrition aiguë. Le Mali, nord et sud confondus, est le troisième pays dans le monde à avoir un taux de mortalité infantile très élevé, avec 176 décès pour 1 000 naissances, a-t-il dit.
La situation des droits de l’homme est aussi précaire, a fait observer M. Koenders, qui a indiqué avoir envoyé des équipes des droits de l’homme à Gao, Gossi, Tombouctou et Kidal. Des violations commises par toutes les parties y ont ainsi été constatées. Il s’agit notamment, a-t-il précisé, de disparitions, d’exécutions extrajudiciaires, de mauvais traitements, de pillages, d’arrestations illégales et de détentions arbitraires, l’impunité étant exacerbée par des tensions ethniques entre les différentes communautés.
En ce qui concerne le soutien à la préservation culturelle, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et le Gouvernement du Mali ont récemment évalué conjointement les dégâts dans le patrimoine culturel de Tombouctou, y compris la situation des anciens manuscrits.
Au total, 14 des mausolées de Tombouctou, y compris ceux qui font partie des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO, ont été totalement détruits, de même que deux autres à la Grande Mosquée Djingareyber. L’emblématique monument El Farouk, à l’entrée de la ville, a également été rasé. On estime à 4 203 le nombre de manuscrits du Centre de recherche Ahmed Baba qui ont été perdus, tandis que 300 000 autres, qui avaient été retirés par mesure préventive, principalement à Bamako, doivent rapidement être placés en lieu sûr.
« La situation au Mali a de larges répercussions régionales et internationales », a poursuivi M. Koenders, pour qui les attaques récentes au Niger sont un rappel brutal de l’ampleur des problèmes auxquels la région du Sahel est confrontée.
Pour traiter efficacement les défis de la région du Sahel, il faut du temps et des efforts concertés, a-t-il dit. « Un soutien à long terme sera nécessaire », a-t-il souligné, en notant qu’au Mali, les causes profondes des crises devraient être réglées, tels que « la mauvaise gouvernance, la corruption, les clivages au sein et entre les régions et les groupes, un sentiment d’exclusion politique par une nouvelle génération, la pauvreté et l’absence de réforme du secteur de la sécurité ».
Après l’exposé de M. Koenders, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix s’est penché sur les questions stratégiques et opérationnelles liées à la transition, tandis que la Secrétaire générale adjointe à l’appui aux missions a concentré son intervention sur la problématique d’appui à la MINUSNA.
Si le Conseil de sécurité décide, aujourd’hui, que les conditions de sécurité permettent un transfert d’autorité de la MISMA à la MINUSMA, le 1er juillet, cette dernière deviendra, à terme, « la troisième plus grande opération de maintien de la paix de l’ONU en terme de taille », a souligné ainsi M. Ladsous.
Il a ajouté qu’il y aurait, toutefois, une « période de grâce » de quatre mois pour permettre aux unités militaires et de police de renforcer les contingents et d’intégrer les capacités demandées par les Nations Unies, y compris en matière de formation et d’équipement.
La MINUSMA, a-t-il expliqué, opérera dans le cadre de « règles d’engagement robustes » et jouera, par ailleurs, un « rôle clef » dans la stabilisation du Mali et dans la protection des citoyens menacés par l’insécurité au nord du pays. En outre, l’engagement politique avec les acteurs maliens afin de promouvoir le dialogue et la réconciliation « entre et parmi les communautés », a-t-il dit, demeurera « la clef de voûte de notre engagement ».
Le Chef du Département des opérations de maintien de la paix a également précisé qu’en préparation de cette transition, la MISMA avait continué d’assumer graduellement des responsabilités opérationnelles dans plusieurs zones du nord du Mali, et ce, à la suite du début de la réduction de l’Opération Serval.
À ce jour, les forces de la MISMA atteignent un effectif de 6 148 soldats déployés dans les villes et les régions de Tombouctou, Gao, Ménaka, Tessalit, Aguelhok, Douentza et Diabali.
La composante militaire de la MINUSMA sera, quant à elle, bâtie au cours des mois à venir, a-t-il annoncé. Au 1er juillet, la MINUSMA devrait atteindre une première capacité opérationnelle initiale et, d’ici à la fin juillet, une centaine d’officiers d’état-major devraient être présents sur le terrain.
M. Ladsous a escompté que la Mission pourrait atteindre sa pleine capacité opérationnelle avant le 31 décembre 2013.
Il a ensuite évoqué des « préoccupations exprimées à propos du transfert de troupes tchadiennes de la MISMA sous le drapeau des Casques bleus », en assurant les membres du Conseil de sécurité que « tous les efforts seraient entrepris pour établir un contrôle effectif sur les éléments tchadiens » afin d’éviter le recrutement de mineurs de moins de 18 ans et de leur dispenser une formation sur les questions de la protection des enfants.
Les formations joueront, d’ailleurs, « un rôle clef dans la gestion de la transition de la MISMA vers la MINUSMA », a poursuivi le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, en précisant que des équipes mobiles étaient actuellement déployées sur le terrain pour assurer la formation du personnel de la MISMA.
Les États Membres doivent mettre à la disposition de la Mission les équipements et moyens qu’ils ont promis pour lui permettre de s’acquitter rapidement de son mandat, a rappelé M. Ladsous, en insistant en particulier sur les hélicoptères, l’échange d’informations et la constitution de forces spéciales.
Le Secrétaire général adjoint a mis en garde contre une éventuelle « mauvaise gestion » du processus électoral, qui serait « de nature à aggraver l’instabilité au Mali », en faisant remarquer que les élections électorales sont prévues dans quatre semaines. Il a affirmé que, durant ce processus, la MINUSMA assurerait un soutien sécuritaire, technique et logistique, dans la limite de ses capacités puisqu’elle sera encore dans la première phase de son déploiement.
« Au moment où nous nous engageons sur ce chapitre ambitieux de l’histoire du maintien de la paix », a prévenu M. Ladsous, nous serons confrontés à des défis « nouveaux et uniques » au Mali.
Il a précisé que la Mission était déployée dans un contexte géopolitique et de menaces asymétriques qui « n’avait jamais été expérimenté auparavant ».
La MINUSMA a pour mandat d’utiliser tous les moyens nécessaires, « y compris en prenant des mesures pour prévenir et empêcher le retour des éléments armés dans les principaux centres de population », a-t-il souligné, en rappelant que cela ne décrivait pas « une imposition de la paix ou un rôle de contre-terrorisme ».
« Les Nations Unies devront se montrer robustes pour mettre en œuvre leur mandat de maintien de la paix dans cet environnement », a-t-il souligné. Par ailleurs, dans la perspective où la Mission serait exposée à des menaces graves, a expliqué M. Ladsous, le Département des opérations de maintien de la paix définirait avec les autorités françaises un arrangement technique afin que celles-ci apportent leur appui à la MINUSMA.
Le Secrétaire général adjoint a aussi attiré l’attention sur la nécessité de faire face à certains défis qui persistent dans la gestion de la transition, afin d’éviter un « « vide sécuritaire ». Il a rappelé que l’opération était déployée sur un « terrain extrêmement rude », qui se trouve dans une zone géographique « immense ». Dans ce contexte, « les efforts que nous allons déployer nous rappellent que le maintien de la paix est un partenariat global », a-t-il insisté.
Tous les partenaires, « les Maliens eux-mêmes, la communauté internationale et, plus particulièrement, les pays de la région du Sahel », doivent rejoindre cette campagne pour la paix, la justice et la réconciliation, a-t-il dit.
La Secrétaire générale adjointe à l’appui aux missions a, quant à elle, indiqué que la priorité immédiate de son Département était d’« établir la capacité opérationnelle initiale de la MINUSMA dès que possible ». Mme Haq a ainsi assuré, qu’« en dépit de contraintes formidables, nous sommes sur la bonne voie pour répondre aux besoins ».
Dans son exposé, elle a expliqué la façon dont le Département à l’appui aux missions entendait satisfaire du mieux possible les exigences opérationnelles de la MINUSMA à partir du 1er juillet.
Mme Haq a déclaré que la MINUSMA pouvait à juste titre être considérée comme « l’une des missions les plus difficiles que les Nations Unies aient jamais lancées sur le plan logistique ».
La Secrétaire générale adjointe a ainsi fait état des conditions climatiques dans le nord du Mali, où la plupart des activités de la Mission seront menées. Elle a rappelé que cette zone, couvrant 65% de la superficie du Mali et équivalente à deux fois celle de la France, était désertique ou semi-désertique. La température à Tombouctou atteint régulièrement les 48 degrés Celsius, a-t-elle précisé.*
Source :
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York |
Conseil de sécurité
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