Déclarations
M. BAN KI-MOON, Secrétaire général des Nations Unies, s’est inquiété de l’aggravation de la crise au Mali, en soulignant que ce pays est un pilier régional de la démocratie. Le Secrétaire général a constaté l’aggravation d’une situation déjà très difficile en ce qui concerne les besoins alimentaires de la population, ainsi que la montée de l’extrémisme et une augmentation des activités criminelles et des violations des droits de l’homme. Il a regretté les souffrances causées au peuple malien, ainsi que les menaces qui pèsent sur la sécurité et la paix internationales. Au vu des derniers évènements, le Conseil de sécurité va peut-être devoir aller plus loin, a-t-il dit, en rappelant que ses membres avaient déjà exprimé leur inquiétude dans la résolution 2056.
À Bamako, des progrès limités ont été enregistrés pour rétablir l’ordre constitutionnel, a relevé M. Ban. Il a noté que les forces politiques et sociales restaient divisées sur le processus de transition et l’avenir du pays. La junte militaire a gardé la main mise sur ce processus. Elle continue de contrôler les forces de sécurité et de défense et de réprimer violemment les soldats soupçonnés d’avoir soutenu la tentative de coup d’État du 30 avril.
M. Ban a rappelé que les chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avaient lancé un appel pour que le Gouvernement malien soit plus inclusif et avaient désigné un médiateur qui doit engager de toute urgence des consultations avec les principaux acteurs au Mali. Ils ont aussi décidé de déployer une force en attente de la CEDEAO au Mali et d’envoyer une mission d’évaluation technique à Bamako pour préparer ce déploiement. Le Président de la CEDEAO a d’ailleurs présenté au Conseil de sécurité les rapports pertinents.
Se félicitant du retour du Président Dioncounda Traoré à Bamako, le Secrétaire général a soutenu que cela confortait la légitimité du processus de transition. Il a félicité le Président des mesures qu’il prend en vue de former un gouvernement d’unité nationale, ainsi que de l’annonce de la création d’un comité national de transition, d’un comité national de dialogue et d’un haut conseil d’État.
Dans le nord du pays, la situation en matière de sécurité demeure volatile et imprévisible, s’est inquiété M. Ban. Le groupe Ansar Dine et le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), qui sont visiblement liés à Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), ont pris le contrôle de la région après avoir repoussé le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Ils ont également imposé la charia sur les habitants de la région. Le Nord devient ainsi un lieu sûr pour les groupes terroristes et criminels, a-t-il constaté. M. Ban a ensuite indiqué que le Médiateur de la CEDEAO et Président du Burkina Faso, M. Blaise Compaoré, a pris des mesures pour rencontrer les représentants du MNLA et d’Ansar Dine, tout en notant qu’aucun dialogue n’a pu être établi.
Avec la création de la Commission nationale de négociation, a espéré le Secrétaire général, un processus de dialogue organisé par les Maliens devrait commencer sous peu. Il a aussi rappelé les efforts déployés par son Représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest, M. Said Djinnit, qui est en contact étroit avec l’équipe de médiation. En outre, au Siège des Nations Unies, le Département des affaires politiques de l’ONU consulte les représentants permanents des pays de la CEDEAO, les pays de la région et d’autres partenaires, a-t-il assuré. Les Nations Unies sont prêtes à offrir leur expertise dans le dialogue et le processus de transition au Mali.
Se déclarant très inquiet par la situation humanitaire qui prévaut actuellement au Mali, le Secrétaire général a fait remarquer qu’à ce jour, plus de 174 000 personnes avaient été déplacées, tandis que 253 000 s’étaient réfugiées dans des pays voisins. Il a aussi souligné la gravité de la crise alimentaire et nutritionnelle qui touche 4,6 millions de personnes au Mali et plus de 18 millions d’habitants de la région du Sahel. Il s’est également dit très préoccupé par les rapports faisant état de graves violations des droits de l’homme, notamment des exécutions sommaires de civils, des viols et des actes de torture. Le Secrétaire général a aussi regretté la destruction de 9 des 16 mausolées de Tombouctou classés par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) comme sites du patrimoine culturel de l’humanité. Il a encouragé le Conseil de sécurité à envisager des sanctions financières et des interdictions de voyager à des individus et à des groupes qui sont engagés au Mali dans des activités extrémistes ou criminelles.
La crise au Mali est complexe et multidimensionnelle, a expliqué le Secrétaire général, en encourageant à la résoudre en adoptant une approche holistique et complète. Il a recommandé que le Gouvernement du Mali élabore une stratégie politique globale, afin de répondre aux difficultés politiques, économiques et sociales. Il a également engagé les Maliens à prendre les choses en main et à faire preuve de détermination, en s’appuyant sur l’aide de la CEDEAO, de l’Union africaine, de l’Union européenne, ainsi que des pays de la région et des partenaires. Les Nations Unies continueront à jouer leur rôle, a-t-il assuré avant de conclure.
Mme SALAMATU HUSSAINI SULEIMAN, Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a mis en garde contre les actes de vandalisme, la criminalité et les graves violations des droits de l’homme qui se multiplient dans le nord du Mali depuis la rébellion du 17 janvier. Elle a signalé notamment la lapidation d’un couple soupçonné d’avoir commis l’adultère ainsi que l’imposition d’un couvre-feu à toutes les femmes qui se trouvent dans les zones contrôlées par les « rebelles ». En outre, les forces marginales qui s’obstinent à faire dérailler le processus de transition ont récemment augmenté la fréquence de leurs actions obstructionnistes, s’est-elle inquiétée. Cette évolution troublante et la menace que pose la double crise que connaît le Mali à la paix et à la sécurité régionales et internationales exigent des mesures urgentes et décisives, a-t-elle souligné.
Mme Suleiman a ensuite indiqué que le 7 juillet dernier, le médiateur de la CEDEAO pour la crise malienne et Président du Burkina Faso, M. Blaise Compaoré, et le Groupe de contact régional pour le Mali s’étaient réunis avec des représentants des partis politiques et de la société civile du Mali en vue de mettre en œuvre les décisions sur la transition et la rébellion politique dans le nord du Mali, prises lors du sommet de la CEDEAO, qui s’était tenu les 28 et 29 juin à Yamoussoukro. Elle a expliqué que les parties prenantes avaient été appelées à présenter, avant le 31 juillet, des propositions au Président par intérim du Mali sur la création d’un gouvernement d’unité nationale. Pour sa part, le Gouvernement de transition se doit d’établir une feuille de route pour résoudre la crise et organiser des élections libres et transparentes. La représentante a ensuite fait savoir que le Premier Ministre du Mali avait déjà présenté la feuille de route du Gouvernement pour la transition, et que depuis son retour dans le pays, le Président par intérim avait engagé la population malienne à accueillir l’assistance proposée par la CEDEAO, l’Union africaine, l’ONU et les pays voisins. Il a également promis de présenter une demande officielle dès que le gouvernement d’unité nationale aura été établi, a-t-elle fait savoir.
La Commissaire a ensuite expliqué qu’une Mission d’évaluation technique de la CEDEAO avait été déployée dans le Mali du 6 au 19 juillet et qu’une conférence de planification finale était prévue du 9 au 13 août à Bamako. Mme Suleiman a précisé que l’objectif de la CEDEAO au Mali était d’intensifier les efforts de médiation, tout en procédant à un processus de déploiement. La force de stabilisation de la CEDEAO, a-t-elle indiqué, aidera le Gouvernement du Mali à assurer la sécurité de la transition et de ses institutions, à restructurer et réorganiser les Forces de défense et de sécurité du Mali et à rétablir l’intégrité territoriale du Mali, en élargissant l’autorité de l’État dans le nord du Mali, en combattant le terrorisme et en répondant aux conséquences humanitaires de la crise.
Mme Suleiman a par ailleurs fait observer que depuis l’éviction du MNLA du nord du pays par le MUJAO et Ansar Dine, à la fin du mois de juin, on ne pouvait qualifier ce qui s’y produit d’actes de rébellion ou d’expressions d’autodétermination. Les demandes politiques ont été remplacées par le terrorisme et la criminalité, lesquels doivent être combattus par tous les moyens possibles. L’objectif des groupes terroristes et des organisations criminelles est clair, a-t-elle affirmé. Ces groupes cherchent à établir un lieu sûr à partir duquel ils peuvent coordonner le réseau terroriste continental qui comprend AQMI, MUJAO, Boko Haram et Al Chabaab. S’ils réussissent à atteindre cet objectif, aucun pays de l’Afrique ne pourra vivre en sécurité, a-t-elle averti.
M. TÉTE ANTÓNIO, Observateur permanent de l’Union africaine, a déclaré que l’Union africaine est profondément préoccupée par la situation au Mali qui constitue une des plus graves menaces à laquelle le continent est confronté en termes de paix et de sécurité car elle porte atteinte au principe de l’unité et de l’intégrité territoriale de ses États Membres, du fait de l’occupation d’une partie importante du territoire malien par des groupes armés, terroristes et criminels. Cette situation porte également atteinte au principe du rejet des changements anticonstitutionnels et de la prise de pouvoir par la force. M. António a dénoncé la banalisation du recours à la rébellion armée pour faire valoir des revendications politiques qui est une pratique portant en elle-même le danger d’une remise en cause des processus de démocratisation en cours sur le continent africain. L’observateur de l’Union africaine a ajouté que la situation au Mali est d’autant plus préoccupante qu’elle se caractérise par la présence au nord du pays, et ce, depuis plusieurs années, de groupes terroristes et criminels, et une situation humanitaire catastrophique, ainsi que de graves violations des droits de l’homme et autres actes criminels, dont la destruction des monuments historiques de Tombouctou.
M. António a ensuite fait savoir que l’Union africaine s’est activement engagée dans la recherche d’une solution rapide à la situation qui prévaut au Mali et a pris une série d’initiatives pour faciliter la coordination entre les différents acteurs concernés. Il s’est félicité de ce que la présente réunion du Conseil de sécurité se tienne à un moment où des perspectives encourageantes semblent se dessiner pour le processus de normalisation institutionnelle au Mali. Le retour au Mali du Président par intérim, M. Diocounda Traoré, fait naître l’espoir d’une stabilisation rapide de la situation à Bamako, a-t-il ajouté. Lors de sa Réunion au sommet du 14 juillet dernier, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a fait siennes les conclusions de la réunion du Groupe de contact de la CEDEAO qui s’était tenue à Ouagadougou, le 7 juillet 2012, concernant la formation d’un gouvernement d’union nationale dont la réalisation, a-t-il espéré, permettra de mettre fin à la suspension de la participation du Mali aux activités de l’Union africaine.
Par ailleurs, l’Union africaine encourage le dialogue entre les groupes disposés à négocier sur la base du respect de l’unité et de l’intégrité territoriale du Mali, ainsi que du rejet total de la rébellion armée, du terrorisme et des activités criminelles connexes, a indiqué M. António. L’Union africaine, a-t-il ajouté, est en train de compiler la liste des groupes armés, terroristes et criminels actifs au nord du Mali, aux fins de leur inscription sur la liste des groupes terroristes qu’elle a établie. Il importe aussi, a-t-il souligné, de travailler à la mise en place des dispositifs sécuritaires et militaires requis, en vue d’assurer la sécurité des institutions de la transition, de structurer et de réorganiser les Forces de défense et de sécurité du Mali, de restaurer l’autorité de l’État sur la partie nord du pays, et de lutter contre les réseaux terroristes et criminels actifs sur le terrain. La gravité de la crise au Mali et les enjeux qu’elle comporte exigent la mobilisation de la communauté internationale et une coordination étroite des efforts, afin de donner un impact maximal aux initiatives prises et d’aboutir aux résultats recherchés, a insisté M. António.
M OUMAR DAOU (Mali) a assuré que la situation au Mali avait connu une évolution significative depuis le retour du Président par intérim, M. Dioncounda Traoré, après l’agression dont il avait été victime le 21 mai 2012. Il a rappelé que M. Traoré avait pardonné à ses agresseurs. M. Daou a cependant précisé que le Gouvernement malien, « soucieux de lutter contre l’impunité », avait décidé d’ouvrir une enquête et de poursuivre les auteurs présumés. Leur procès, a-t-il rappelé, a débuté le 7 juillet. Le représentant a également indiqué que le Président par intérim venait de proposer une architecture « originale » de sortie de crise qui tient compte des préoccupations des différents acteurs nationaux à travers la création d’organes de transition. Il entend ainsi mettre en place, a-t-il précisé, un haut conseil d’État, un gouvernement d’union nationale, un conseil national de transition et une commission nationale chargée d’engager des pourparlers de paix avec les mouvements armées du nord du Mali, en relation avec le Médiateur de la CEDEAO. La sécurité du Président et des autres institutions de la République sera désormais assurée par l’armée et les services de sécurité maliens. Le Gouvernement envisage également de saisir la CEDEAO, l’Union africaine et les Nations Unies d’une requête en fonction des conclusions de la mission d’évaluation de la CEDEAO.
La situation humanitaire au Mali ne cesse de se dégrader et les financements nécessaires pour répondre aux besoins les plus urgents demeurent insuffisants, a déclaré le représentant. Il a insisté sur les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles vivent les 167 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays et les 250 000 personnes qui se sont réfugiées dans les pays voisins. Le Gouvernement du Mali, a-t-il indiqué, a organisé avec des partenaires des convois humanitaires dans les localités du nord, notamment à Tombouctou, Gao, Kidal, Douentza Hombori et Gossi. Son gouvernement, qui a engagé une large campagne de mobilisation auprès de la communauté internationale, s’est fixé pour priorités d’améliorer les conditions de vie des personnes affectées par la crise dans le nord du pays et de faire face à l’insécurité alimentaire figure parmi les priorités du Gouvernement, a-t-il assuré.
À SUIVRE…
un.org / 08/08/ 2012