Situation au Mali : Le rapport détaillé des experts de l’ONU

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Les membres du Groupe d’experts créé en application de la résolution 2374 (2017) du Conseil de sécurité sur le Mali ont fait l’état des lieux sur la situation au Mali.  Dans un rapport, communiqué le 15 juillet 2019 au Comité du Conseil de sécurité, ce groupe brosse la situation du Mali. Que dit le rapport ? Réponse.

Dans le rapport, ils résument que s’y étant pourtant engagées à la suite de la réélection du Président Ibrahim Boubacar Keita en août 2018, les parties signataires de l’Accord de 2015 pour la paix et la réconciliation au Mali n’en ont pas hâté la mise en œuvre. « Si deux textes d’application ont été adoptés à cet effet et si l’opération d’intégration d’anciens combattants dans l’armée a débuté, quoiqu’avec six mois de retard, la démission du Premier Ministre et de son Gouvernement, le 18 avril 2019, est venue mettre un coup d’arrêt à des réformes institutionnelles fondamentales, 63 000 combattants inscrits attendant ainsi toujours la mise en route de l’opération de désarmement, démobilisation et réintégration », indique-t-ils.

La montée des violences dans le Centre du pays, ajoutent-ils, et la multiplication des manifestations d’envergure à Bamako ont poussé à la démission le Premier Ministre Soumeylou Boubèye Maïga, à qui on s’accordait à reconnaître le mérite d’avoir donné un nouvel élan à la mise en œuvre de l’Accord.

Les membres du groupe d’expert soulignent qu’ayant décidé d’ouvrir un dialogue politique sans exclusive le but en étant de dégager des solutions consensuelles aux crises institutionnelle et sécuritaire, le nouveau gouvernement n’a cependant confié de portefeuille ministériel à aucun membre des groupes armés signataires : « L’Accord étant largement dénoncé par la population, il reste à savoir si ce dialogue suscitera l’adhésion politique nécessaire ». Perdant du terrain aux groupes terroristes armés, les principaux responsables des groupes armés que sont la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d’Alger et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la formation dissidente du Mouvement pour le salut de l’Azawad des Daoussak (MSA-D) ont tenté de mettre en place, à la fin de 2018, un mécanisme de coordination qui viendrait leur permettre de faire face à tous problèmes de sécurité, parallèlement à la mise en œuvre de l’Accord et en attendant le déploiement de l’armée reconstituée dans le Nord du pays. Selon le rapport, minée par des rivalités entre groupes, des luttes intestines et la collusion de certains éléments avec les terroristes, cette initiative a fait long feu. La collusion entre Jama ’a Nusrat ulIslam wa al-Muslimin (JNIM, QDe. 159) et certains éléments du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), appartenant à la CMA, apparaîtra au grand jour pendant le conflit qui les a opposés au MSA-D à Ménaka en 2018 et à Talataye au premier semestre de 2019. « Les rivalités internes au Mouvement arabe de l’Azawad (MAA)-Plateforme, viendront compliquer la mise en œuvre de l’Accord et contribuer à l’échec de l’initiative de coordination. Voulant mettre leur hégémonie au service de leurs intérêts personnels et de ceux de leur tribu arabe des Lehmar de Gao, Mohamed Ould Mataly (MLi.008) et Hanoun Ould Ali, chefs du MAA-Plateforme, ont évincé du Comité de suivi de l’Accord (CSA) Moulaye Ahmed Ould Moulaye, leur homologue de Tombouctou, cependant que Harouna Toureh, leur allié et porte-parole de la Plateforme rejetait la liste de combattants affectés par Ould Moulaye aux unités mixtes du Mécanisme opérationnel de coordination à Tombouctou, la plupart desquels étaient censés être intégrés dans les Forces armées maliennes », précise le groupe d’experts.

Le trafic de stupéfiants, l’intérêt des chefs…

Aussi, le groupe d’experts a confirmé que les intérêts des chefs de la tribu arabe des Lehmar portent principalement sur le trafic de stupéfiants, qui est pour l’essentiel entre les mains de Mohamed Ben Ahmed Mahri (MLi.007), alias « Mohamed Rouggy », partie à un réseau de trafic de résine de cannabis et de cocaïne de millions de dollars, transitant ou censé transiter par le Mali, trafic qui a occasionné des saisies en cascade au Niger, au Maroc et en Guinée-Bissau. « Des éléments de la Plateforme et de la CMA (ou se revendiquant comme tels) convoient des colis de drogue à différentes étapes de l’itinéraire de trafic en territoire malien. Les intérêts groupes armés sont d’autant plus enclins à perturber ou freiner la mise en œuvre de l’Accord et, singulièrement des réformes du secteur de la sécurité préalables au déploiement des Forces armées maliennes reconstituées dans le no rd du pays qu’ils trouvent leur intérêt dans la criminalité organisée », indiquent-ils. C’est dans le Centre du pays, poursuivent les experts, que la situation humanitaire est la plus désastreuse : «  Jamais autant de civils n’y ont été tués que pendant les attaques de la première moitié de 2019, qui ont entraîné des déplacements de population et un afflux de réfugiés au Burkina Faso, au Niger et même en Mauritanie ». Le Bureau administratif de la CMA à Kidal remet en cause la neutralité de l’action humanitaire et entrave l’acheminement de l’assistance en imposant en toute illégalité sous la menace de violences ou d’expulsion, des contraintes d’ordre réglementaire au personnel humanitaire. Ahmed Ag Albachar (MLi.004), chef de la commission humanitaire de ce Bureau, Ahmed Ag Albachar détourne également l’assistance humanitaire ». Selon eux, on assiste généralement dans la région du Sahel à la multiplication d ’attaques violentes menées par des djihadistes et des groupes criminels proches, venant dresser les populations les unes contre les autres, le Burkina Faso et le Niger étant, outre le Mali, les pays les plus éprouvés par ces attaques : « Les pays de la région s’inquiètent de plus en plus des liens qui se tissent entre terroristes partout sur le continent et de ce que les organisations djihadistes de par le monde se sont désormais donné pour ambition de déstabiliser l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, quand on sait que les mouvements non contrôlés de migrants ou de personnes en quête d’emploi, notamment dans le secteur de l’extraction minière artisanale, en pleine expansion, sont de nature à favoriser de tels liens ».

 

Violences dans le Centre du pays et démission du Gouvernement

Pour les membres du groupe d’experts, les épisodes de violence de plus en plus graves survenus au premier semestre de 2019 dans la région de Mopti risquent de faire dérailler la mise en œuvre de l’Accord. « Quelques jours après qu’une opération terroriste complexe ait été lancée contre un camp des Forces armées maliennes de Dioura, le 17 mars 2019, et sans que les deux événements soient liés, des miliciens Dogon ont tué au moins 157 civils peulhs dans le village d’Ogossagou, le 23 mars, cette attaque étant la plus meurtrière que le pays ait connu depuis 2012. Les actions menées en représailles les 9 et 17 juin contre des civils dogons des villages de Sobanou Kou, Yoro et Gangafani ont fait presque autant de victimes », affirment-ils dans le rapport.

Aussi, ils indiquent que le limogeage du chef d’état-major de l’armée et l’annonce par le Gouvernement de la dissolution de Dan Nan Ambassagou, principale milice dogon, n’empêcheront pas la population de manifester contre la mauvaise gestion de la situation dans le Centre du pays par les autorités. Le 5 avril, quelque 15 000 personnes sont descendues dans les rues de Bamako, répondant à l’appel lancé par des responsables religieux et de représentants des partis politiques d’opposition et d’organisations de la société civile. Le 17 avril, les députés de la majorité et de l’opposition ayant voté une motion de censure la veille, Soumeylou Boubèye Maïga et son Gouvernement ont rendu leur démission.

Nommé le 22 avril, le nouveau Premier Ministre Boubou Cissé posera le premier acte de son mandat en signant, le 2 mai, un accord politique de gouvernance valable pour un an avec les acteurs de la vie politique, dans l’optique de parvenir à une gouvernance plus largement représentative. Le 5 mai, le Président Keita a nommé un Gouvernement de 38 membres, dont huit femmes mais ne comptant aucun membre des groupes armés coopérant à l’application de l’Accord, malgré l’engagement qu’il avait pris de nommer des ministres issus de la CMA et de la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d’Alger…

 

Montée du mécontentement vis-à-vis de l’Accord

Pendant la période considérée, le Groupe d’experts a pu voir se multiplier les tentatives pour instrumentaliser le mécontentement de la population vis-à-vis de l’Accord. Les acteurs politiques, les prescripteurs d’opinions, les représentants de différentes communautés et les médias ont qualifié l’Accord de cadeau aux minorités du Nord du pays, qui viendrait menacer l’intégrité territoriale du Mali et affaiblir les autres communautés. Un député de la majorité du nom de Moussa Diarra a ainsi, le 21 mai 2019, publié dans un journal malien une lettre ouverte déclarant que « le Mali est livré aux caprices d’une minorité de ses hommes qui, au lieu de servir leur patrie, sapent plutôt sa cohésion et ses fondements », déclarent-ils. Avant d’ajouter : « Lors des manifestations qui ont poussé le Premier Ministre Soumeylou Boubèye Maïga à la démission, les manifestants auraient dénoncé l’Accord comme étant biaisé en faveur de certaines communautés. Le 17 juin 2019, à Sévaré, dans la région de Mopti, environ 300 personnes ont manifesté contre la MINUSMA et les forces internationales en scandant des slogans hostiles à l’Accord notamment. Dans une déclaration publique en date du 21 juin 2019, trois associations maliennes ont dépeint l’Accord comme étant l’instrument d’une partition progressive du Mali, qui donnerait le pouvoir aux séparatistes. L’Accord est de plus en plus largement mal vu, y compris au sein des institutions publiques. Un article publié en ligne le 20 février 2019 faisait état de l’hostilité des Forces armées maliennes envers la réintégration d’anciens rebelles dans les rangs de l’armée et au sein d’autres services publics. En février 2019, 18 ex-déserteurs ont quitté l’école de gendarmerie de Faladié où ils étaient installés, les autres soldats voyant en eux des traîtres, leur faisant subir des humiliations ». Aussi, Le Groupe d’experts affirme qu’il est saisi de récits venant confirmer la montée du ressentiment des forces maliennes de défense et de sécurité à l’égard de la réintégration d’éléments de mouvements armés dans l’armée nationale et la fonction publique. « Les groupes armés coopérant à la mise en œuvre de l’Accord ont alimenté par inadvertance l’exacerbation des critiques contre l’Accord, comme l’illustrent les articles parus dans les médias à la suite de l’adoption par la CMA, le 30 janvier, d’une décision régissant le séjour des étrangers, la vente de boissons alcoolisées et l’administration de la justice à Kidal (…) Plusieurs personnalités, dont le Président du Comité de suivi de l’Accord, ont jugé cette décision excessive à certains égards et contraire à l’Accord. Certains acteurs politiques ont exploité cet épisode pour attiser les peurs de la population à l’égard de l’Accord. Ali Nouhoum Diallo, ancien président de l’Assemblée nationale, a ainsi déclaré publiquement que la décision prise par la CMA était la preuve des risques tenaces qui pesaient sur l’intégrité territoriale du Mali », indique le groupe d’experts. A en croire le Groupe d’experts, il a été témoin de l’activisme d’associations de promotion des différentes identités ethniques, sur fond de tensions intercommunautaires, de violence et de faillite des services de sécurité de l’État. Un certain nombre de ces associations dont l’Alliance pour le Salut du Sahel, l’Association Gao Lama Borey et la Coalition contre la partition du Mali « Igdah Mali Tè Tila », sont hostiles à l’Accord, ces deux dernières étant les coauteurs de la déclaration conjointe du 21 juin…

 

Désarmement, démobilisation et réintégration et intégration dans l’armée

Selon le rapport du groupe d’experts, lancé le 6 novembre 2018 par l’intermédiaire du Mécanisme opérationnel de coordination, le processus accéléré de désarmement, démobilisation et réintégration et intégration dans l’armée a souffert de longs retards imputables en grande partie à la mauvaise gestion des examens médicaux à Kidal et à des désaccords internes à la Plateforme concernant les combattants inscrits dans la région de Tombouctou. « De ce fait, l’objectif d’intégration dans les Forces armées maliennes de 1 000 membres de groupes armés signataires dans les six mois suivant l’investiture du Président (le 20 août 2018) défini dans la résolution 2423 (2018) n’a pas été atteint. Il faudra attendre la semaine du 10 juin 2019 pour voir conduire les 1 250 38 combattants inscrits et déclarés médicalement aptes dans les centres de formation du Sud du pays aux fins des trois mois d’instruction préalable à leur plein intégration dans les rangs de l’armée. Faute de matériel de radiographie et de laboratoire, on n’avait pu procéder à Kidal aux examens médicaux de 400 combattants pendant la première phase d’inscription en novembre 2018. Néanmoins, le 17 janvier 2019, le général Gabriel Poudiougou, président de la commission nationale d’intégration chargée des examens médicaux, des tests d’aptitude militaire et de l’orientation des combattants, a déclaré aux médias que les résultats des examens avaient été transmis pour suite à donner au Ministère de la défense et que tous les combattants déclarés inaptes seraient renvoyés auprès de la Commission nationale de désarmement, démobilisation et réintégration afin de pouvoir bénéficier de dispositifs de réinsertion socioéconomique ». Et de poursuivre que peu de temps après, une liste de combattants de Kidal jugés inaptes, comportant les noms de 197 des 400 éléments inscrits, sera diffusé sur les médias sociaux. Le 1er février, les commandants de bataillon de la Plateforme et de la CMA publieront une lettre venant rejeter ces résultats : « La mauvaise gestion du processus à Kidal viendra entamer la confiance des mouvements armés dans l’objectivité des examens médicaux et retarder encore la démobilisation, le désarmement et la réintégration des combattants, la CMA et la Plateforme ayant exigé des contre-expertises médicales pour les combattants de la région de Kidal mais aussi pour celles de Tombouctou et Gao. Lors d’une réunion technique de haut niveau tenue le 22 février 2019, le Président de la Commission nationale de désarmement, démobilisation et réintégration a déclaré que tous les combattants jugés inaptes avaient droit à une contre-expertise médicale, les mouvements concernés pouvant charger un observateur médical et agent de liaison d’en surveiller le déroulement. Cette contre-expertise à laquelle il a été procédé entre les 10 et 20 avril 2019, n’a toutefois pas produit de résultats concluants ». Au moment de l’établissement du présent rapport, souligne-t-il, il restait encore à définir les critères d’aptitude à retenir s’agissant des 346 combattants non retenus initialement…

Au-delà de leur inscription, la Commission nationale de désarmement, démobilisation et réintégration n’a encore rien fait pour orienter tous ces combattants, attendant d’obtenir des éclaircissements concernant les postes disponibles dans les différents corps d’armée, les quotas applicables et les questions de grades et de chaîne de commandement.

 

La communauté arabe sur une poudrière !

Dans le rapport, le groupe d’experts a également évoqué que la communauté arabe du Nord du Mali est traversée de lignes de fracture d’ordre ethnique, (bérabiche, kounta et tilemsi), mais également politique et marchand et d’alliances intertribales : «La communauté bérabiche, qui vit de longue date dans les régions de Tombouctou et de Taoudenni, dominait les routes commerciales reliant ces contrées à l’Algérie, le Maroc et la Mauritanie, et les caravanes de sel des mines de Taoudenni. Par contre, installés plus récemment dans le Nord de la région de Gao, les Arabes de la vallée du Tilemsi ont eu moins de bonheur à s’ouvrir les portes de l’éducation et de la fonction publique. Se livrant à la contrebande (à l’origine de marchandises subventionnées, lahda) les Arabes du Tilemsi se sont donné les moyens et la force de s’imposer comme fractions distinctes, à l’instar des Lemhar, et de se soustraire au tribu Kounta, tribu maraboutique dont ils sont historiquement vassaux »…

La création de la région de Taoudenni était censée représenter l’apogée bérabiche dans le Nord du Mali, mais les sérieux clivages internes à cette communauté sont venus remettre en cause l’avènement. L’absence prolongée pour raisons de santé d’Hamoudi Ould Sidahmed, président des autorités régionales intérimaires, l’assassinat de Settar Ould Ahmed Hairi et l’arrestation de Mohamed Ould Houmera à Adhwayha par Barkhane le 3 septembre 2018 (l’un et l’autre membres des autorités régionales), ainsi que l’impasse totale entourant la désignation des autorités intérimaires de cercle du fait de profonds désaccords entre le Gouvernement, la CMA et la Plateforme, auront cependant été à l’évidence autant de revers, précise le rapport. « La série d’assassinats ciblés, notamment celui de trois personnalités arabes bérabiches, dont Settar et Mohammed Ould Hinnou, dit Jidou, par un commando de deux personnes sous les ordres d’Al Izza Ould Yehia, dit-on, aurait également fortement ébranlé la communauté. Les tensions qui ont récemment opposé dans Lerneb le maire Ould Sidi Mohamed (fraction Tormouz de Baba) à Ahmed Ould Sidi Ahmed (fraction Oulad Ich) alias Boda, de Likrakar, qui tient le point de contrôle lucratif du MAA-Plateforme de Lerneb, viennent encore illustrer ces clivages. La médiation tentée sur place par Houka Ag Alhousseini (MLi.005), ancien cadi d’AL-Qaida au Maghreb islamique aurait échoué, ce qui renseigne sur les limites de son influence en dehors des communautés touareg et sédentaires. Néanmoins, le principal clivage traversant la communauté arabe malienne reste la lutte pour le pouvoir évoquée plus haut aux paragraphes, qui oppose la hiérarchie bérabiche de la (MAA-Plateforme/Tombouctou) d’Ould Moulaye à la fraction Lemhar d’Ould Ali et Ould Mataly (MAA-Plateforme/Gao). Étant donné les allégations de manipulation d’Ould Ali et d’Ag Intalla par des intérêts étrangers, leur rapprochement stratégique de Harouna Toureh, que nombre d’acteurs ont pu constater lors de négociations à huis clos à Bamako, coïncide avec la campagne menée par Ould Ali pour prendre les rênes du MAA-Plateforme, ce qui a également largement contribué à la faillite du directoire », indique-t-il.

 

Trafic de stupéfiants : Saisies et arrestations au niveau régional

Dans son rapport à mi-parcours de 2019, le Groupe d’experts a indiqué qu’Hanoune Ould Ali Mahari, figure de proue du MAA-Plateforme, avait cherché à obtenir la libération de ressortissants maliens, notamment Sid’Ahmed Ben Kazou Moulati, alias Zaneylou, arrêté à Niamey dans une affaire d’expédition de 10 tonnes de résine de cannabis (haschich) entre avril et juin 2018. Au moment de la rédaction du présent rapport, le Groupe d’experts cherchait à en savoir plus au sujet de cette affaire. Selon plusieurs sources de renseignement, Hanoune Ould Ali agissait pour le compte de Mohamed Ben Ahmed Mahri (MLi.007), alias Mohamed Rouggy, auteur intellectuel de cette opération avec Ben Kazou Moulati. « Les deux hommes ont été vus ensemble à Niamey en décembre 2017. Par ailleurs, Ben Ahmed Mahri et Ben Kazou Moulati dirigent la société Tilemsi Distribution et Transport établie à Niamey, filiale d’une société éponyme de Gao, dont le nom est également abrégé en « Tildis SA ». 107. Selon des sources de renseignement, Mohamed Ould Mataly (MLi.008) détient également des parts de la société Tilemsi Distribution et Transport. Ses liens avec Tilemsi Transport ont été confirmés par un billet posté sur un blog et une réaction à un article sur le trafic de drogues au Mali. Ould Mataly a dit au Groupe d’experts avoir créé cette société mais ne plus en détenir de parts, celle-ci étant maintenant gérée par ses proches. On retiendra que Ben Ahmed Mahri est le gendre d’Ould Mataly », affirme le groupe d’experts. Et d’ajouter : « Ce dernier a également défendu certaines des 12 personnes arrêtées à Niamey, dont Ben Ahmed Moulati, arguant qu’elles n’avaient à voir avec l’affaire et qu’elles se rendaient à Gao pour d’autres raisons au moment de leur arrestation. Selon les informations communiquées par un État Membre, Mohamed Ould Mataly sert de relais politique à des trafiquants de drogues – dont Mohamed Rouggy – en les protégeant contre toute intervention des autorités étatiques, en subornant les services de sécurité et en avertissant les trafiquants de la tribu arabe des Lehmar des éventuelles opérations de lutte contre les stupéfiants ». Saisie de cocaïne en Guinée-Bissau ? Selon les informations émanant de plusieurs États Membres et de sources confidentielles, Ben Ahmed Mahri se livrait également au trafic de cocaïne à destination de la Guinée-Bissau via le Sénégal et le Mali : «  Le 9 mars, les autorités bissau-guinéennes ont saisi 789 kg de cocaïne (d’une valeur de 50 millions de dollars des États-Unis) dans le compartiment secret d’un camion chargé de poisson congelé immatriculé à Thiès (Sénégal). Cette saisie a conduit à l’arrestation de quatre personnes – deux Nigériens, un Sénégalais et un Bissau-guinéen – près de la ville de Safim. L’un des ressortissants nigériens, Mohamed Sidi Ahmed, était en possession d’un passeport nigérien et d’une carte d’identification de l’Assemblée nationale du Niger. Les autorités de ce pays ont affirmé qu’il s’agissait là de faux documents, cette personne étant de nationalité malienne. Mohamed Sidi Ahmed s’était déjà rendu en Guinée-Bissau en janvier 2019 dans l’intention d’y établir une maison de commerce. Le 4 mars, soit cinq jours avant la saisie, Ben Ahmed Mahri était arrivé à Bissau en voiture de Dakar avec son complice, Oumar Ould Mohamed, également de nationalité malienne. Ce dernier avait acheté le camion au Sénégal et passé trois mois à l’aménager avant d’être rejoint par Ben Ahmed Mahri pour les dernières étapes de l’opération. Le camion avait été conduit à Bissau quelques jours avant leur arrivée et parqué dans un dépôt en vue du chargement de la drogue. Les deux suspects ont été repérés et photographiés sur les lieux mais ont échappé à l’arrestation. Ben Ahmed Mahri a quitté la Guinée-Bissau la veille de la saisie, et Oumar Ould Mohamed le lendemain, l’un et l’autre via le Sénégal. Au moment de la rédaction du présent rapport, on ignorait toujours où ils se trouvaient. D’après plusieurs sources confidentielles ils étaient rentrés au Mali. Ben Ahmed Mahri se trouverait à Tabankort, dans la région de Gao. Mohamed Ben Ahmed Mahri utilise les revenus tirés du trafic de stupéfiants pour soutenir des groupes terroristes armés, notamment Al-Mourabitoun, entité sous le coup de sanctions (QDe.141). Il a ainsi aidé des combattants à se livrer à des hostilités en violation de l’Accord, notamment en permettant au MAA-Plateforme d’enrôler de nouvelles recrues…

Recommandations du groupe d’experts

Le Groupe d’experts recommande que le Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2374 (2017) concernant le Mali : Exhorte le Gouvernement malien et les groupes armés que sont la Plateforme et la CMA à signer sans délai une feuille de route révisée assortie d’un calendrier clair, réaliste et contraignant ; encourage la Commission technique de sécurité à créer et tenir à jour une base de données centralisée de tous cas de violations du cessez-le-feu et de sa règlementation applicable aux mouvements de véhicules et au transport d’armes collectives par tous groupes armés coopérant à l’application de l’Accord, et de signaler systématiquement toutes violations au Comité de suivi de l’Accord ; exhorte le Comité de suivi de l’Accord à continuer de dresser constat de toutes entraves à l’accès et de veiller à la sécurité du personnel humanitaire dans les zones contrôlées par les groupes armés coopérant à l’application de l’Accord et d’examiner la problématique de la pratique consistant pour ces groupes à imposer aux organisations humanitaires des prestataires de services de logistique et de transport…

Mohamed Sylla

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