1ème session de l’assemblée générale des Nations Unies : allocution de S.E.M. Ibrahim Boubacar Keita, président de la république, chef de l’état (New York, 23 septembre 2016.

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Monsieur le Président,

Je voudrais à l’entame de mon propos vous adresser les chaleureuses félicitations de la délégation du Mali pour votre élection à la présidence de la 71e session de l’Assemblée générale des Nations Unies et pour la manière remarquable avec laquelle vous dirigez nos travaux.

Soyez assuré, Monsieur le Président, de notre coopération totale pour un plein succès de nos travaux.

Je voudrais, également, reconnaitre et saluer l’excellent travail abattu par votre prédécesseur, M. Lykketoff  Mogens du Royaume de Danemark à la tête de la 70e session de notre Assemblée générale.

Comment ne pas rendre un hommage appuyé à notre Secrétaire général, Monsieur Ban Ki-moon, au moment où il s’apprête à passer le relais, après dix années entièrement dédiées à la cause de l’humanité.

L’histoire retiendra, Monsieur le Secrétaire général, au-delà des efforts que vous avez déployés pour la résolution de nombreux conflits à travers le monde, votre implication personnelle au succès des Sommets consacrés respectivement à l’Accord de Paris sur le climat et à l’action humanitaire.

De façon plus particulière, je tiens, ici et maintenant, à réitérer à mon ami Ban Ki- moon la gratitude du peuple malien pour les efforts louables déployés en faveur de la paix et de la stabilité dans mon pays et dans la région du Sahel.

Monsieur le Président,

La paix et la sécurité sont les conditions sine qua non du progrès et du développement que nous ambitionnons pour les Peuples des Nations Unies que nous avons l’honneur de représenter ici.

Dans le cas du Mali, il y a un an, devant cette auguste Assemblée, je vous présentais l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger signé entre le Gouvernement et les mouvements armés des régions du nord du pays.

Aujourd’hui, 15 mois après, je puis, du haut de cette tribune, vous assurer que les hostilités ont effectivement cessé entre le Gouvernement et les mouvements signataires.

A ce jour, il est établi que des progrès significatifs ont été enregistrés dans la mise en œuvre de l’Accord de paix. Ces efforts qui illustrent de façon éloquente la volonté du Gouvernement du Mali d’honorer ses engagements ont permis des avancées tangibles dans tous les domaines.

Régulièrement, à l’occasion de la présentation du Rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali, le Gouvernement a tenu informé le Conseil de sécurité sur ces avancées dans l’exécution du plan d’action de mise en œuvre de l’Accord.

Parmi les initiatives et actions entreprises par le Gouvernement, je voudrais particulièrement mettre l’accent sur celles relatives aux réformes politiques et institutionnelles ainsi qu’aux questions de défense et de sécurité.

C’est qu’en effet, ces questions et réformes paraissent fondamentales et conditionnent tout le reste du processus. Aussi, est-il important de mentionner, en matière de réformes politiques et institutionnelles:

– la nomination et l’installation des Gouverneurs des nouvelles Régions de Taoudénit et Ménaka : pour ces deux régions, des conventions de maîtrise d’ouvrage déléguée ont été signées à hauteur respectivement un million 700 000 dollars et un million 360 000 dollars pour la construction et l’équipement de leur administration générale ;

– la promulgation de la Loi instituant les Autorités intérimaires suite à la modification du Code des Collectivités territoriales ;

– l’adoption du Décret portant modalités de mise en place des Autorités intérimaires.

 

Sur ce point, je voudrais rappeler que le calendrier de mise en place des Autorités intérimaires, élaboré par le Gouvernement en coopération avec les Mouvements signataires de l’Accord, avait fixé leur installation du 15 juillet au 25 août 2016.

 

Malheureusement à cause de l’insécurité ambiante et des affrontements entre certains groupes armés dans la région de Kidal, le processus n’a pu être mené dans le délai prévu.

 

A ce propos, je voudrais dire, avec force, que l’application effective de la résolution 2295 du Conseil de sécurité permettra le recouvrement progressif de la souveraineté de l’Etat sur l’ensemble du territoire national, gage de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali.

Monsieur le Président,

Sur les questions de sécurité et de défense, le Gouvernement du Mali a mis en place le cadre institutionnel en matière de Réforme du secteur de la Sécurité ainsi qu’en matière de processus de Désarmement, de Démobilisation, de Réinsertion et d’Intégration.

A ce titre, il a, entre autres, décidé de :

– la prise en charge des Combattants des Mouvements signataires, en attendant le démarrage effectif du processus de DDR;

– la dotation du Mécanisme opérationnel de Coordination en véhicules pour la constitution des premières unités des patrouilles mixtes.

 

Je signale qu’en plus de ces mesures qui visent le retour définitif de la paix et de la restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national, le Gouvernement du Mali a poursuivi ses actions de développement sur le terrain, là où les conditions de sécurité le permettent, à travers la mise en œuvre des projets et programmes sectoriels.

 

A ce niveau, il convient de souligner que la mise en œuvre effective de l’Accord de paix, requiert la mobilisation de ressources extérieures en appoint aux efforts nationaux. A cet égard, je salue les partenaires qui ont honoré leurs engagements financiers en faveur du Mali et je voudrais à nouveau réitérer l’appel du Gouvernement du Mali aux partenaires techniques et financiers afin qu’ils libèrent les ressources promises, lors de la Conférence internationale pour la relance économique et le développement du Mali, tenue à Paris le 22 octobre 2015.

Monsieur le Président,

En dépit des efforts déployés par les parties signataires de l’Accord, le processus de paix reste confronté à de sérieuses entraves liées aux activités des groupes terroristes dans les régions du nord qui multiplient indistinctement les attaques asymétriques contre les paisibles populations civiles, les forces de défense et de sécurité maliennes, les contingents de la MINUSMA et la force française barkhane.

C’est le lieu de réitérer ma reconnaissance au Conseil de sécurité pour l’adoption de la résolution 2295 (2016) renouvelant le mandat de la MINUSMA et l’autorisant, entre autres, à adopter une posture plus proactive et robuste, pour réussir son mandat de stabilisation au Mali.

J’en appelle au renforcement des capacités opérationnelles des contingents déployés pour assurer la sûreté et la sécurité du personnel de la MINUSMA et traduire dans les faits et sur le terrain les innovations qu’apporte la résolution 2295 (2016).

 

Je voudrais aussi insister sur la nécessité d’accélérer le processus de cantonnement et du DDR aux fins d’isoler les groupes armés non signataires de l’Accord de paix, affiliés aux réseaux terroristes dont les actions entravent les efforts en cours.

Le Gouvernement du Mali, pour sa part, assumera pleinement sa part de responsabilité dans le cadre du nouveau mandat et travaille déjà avec la MINSUMA, en vue de parvenir très rapidement à une vision commune de sa mise en œuvre à travers l’élaboration d’indicateurs mesurables (benchmarks).

Je voudrais à cet égard me réjouir de l’identité parfaite de vue qui s’est dégagée, ce matin, à l’occasion de la Réunion de Haut niveau sur le Mali, entre tous les acteurs sur l’urgence d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord de paix et surtout l’impérieuse nécessité de corriger les lacunes qui subsistent en termes des capacités opérationnelles de la MINUSMA.

Je ne saurais clore ce chapitre sans renouveler ici les sincères remerciements et la profonde gratitude du peuple et du Gouvernement du Mali, à l’endroit de l’Organisation des Nations Unies, ainsi qu’à ses Etats membres pour leur appui multiforme et constant au processus de paix au Mali depuis janvier 2012.

 

Je m’incline, au nom de la nation malienne reconnaissante, devant la mémoire de toutes les victimes, civiles comme militaires, maliennes comme étrangères, tombées sur le champ d’honneur au Mali, pour la défense de la dignité humaine, de la liberté et de la démocratie.

 

Monsieur le Président,

 

Il est difficile d’envisager l’éradication de la pauvreté et de tenir notre promesse « de ne laisser personne pour compte » dans le contexte où les conflits armés deviennent une « nouvelle normalité ».

La multiplication d’attentats perpétrés à travers le monde rappelle à suffisance qu’aucun pays n’est à l’abri du terrorisme et aucune cause ne saurait justifier la violence délibérée contre les populations civiles innocentes.

 

Le Mali qui a connu et continue malheureusement de subir les affres du terrorisme, partage et encourage la coopération entre les Etats membres des Nations Unies, afin de mutualiser leurs efforts pour neutraliser l’hydre du terrorisme et ses avatars que sont Daesh, AQMI, Boko-Haram, Al Shebab, Ansar-Dine, le MUJAO, Al Mourabitoune, notamment au Moyen Orient et en Afrique.

 

Monsieur le Président,

 

La délégation du Mali se réjouit du choix du thème de la présente session intitulé: “les objectifs de développement durable : une nouvelle impulsion pour transformer notre monde”.

 

Première Assemblée depuis l’adoption de l’Agenda 2030 par les Chefs d’Etat et de Gouvernement, cette session nous permettra, assurément, de faire le point d’un an de mise en œuvre en procédant à une analyse approfondie des difficultés enregistrées et ce, dans l’optique de trouver les meilleurs voies et moyens pour assurer l’atteinte des 17 objectifs du Développement Durable.

En effet, les ODD qui s’appuient sur le succès des OMD, nous recommandent d’aller plus loin et plus vite si nous voulons mettre fin à toutes les formes de pauvreté et changer considérablement la vie des populations de manière inclusive à l’horizon 2030.

Au Mali, nous sommes convaincus de la nécessité d’adopter des stratégies qui renforcent la croissance économique et qui répondent aux besoins vitaux des populations. Il s’agit entre autres de la lutte contre les changements climatiques, la protection de l’environnement, l’éducation, la santé, la protection sociale, la création d’emplois pour les jeunes, l’autonomisation des femmes ainsi que l’implication de ces deux couches sociales dans la gestion des questions essentielles concernant le développement socio-économique du pays.

C’est dans ce cadre que nous avons adopté une loi sur les quotas garantissant 30% de postes nominatifs et électifs aux femmes.

A l’adoption de cette loi, qui contribuera, sans nul doute, à améliorer la participation des femmes dans les institutions nationales, s’ajoutent d’autres actions non moins importantes notamment l’élaboration du Cadre Stratégique pour la Relance Economique et le Développement Durable, qui porte sur la période 2016-2018. Ce cadre constituera à moyen terme, l’unique référence pour la conception, la mise en œuvre et le suivi des différentes politiques et stratégies de développement au niveau sectoriel.

 

Monsieur le Président,

 

Les changements climatiques constituent l’un des défis majeurs qui affecte la survie et le développement de l’humanité.

Pays sahélien par excellence, mon pays, le Mali, subit de plein fouet les effets des changements climatiques.

C’est pourquoi, la délégation du Mali voudrait saluer la forte mobilisation de la communauté internationale pour l’adoption et la signature de l’Accord de Paris sur le climat, qui marquent un tournant décisif dans la préservation de l’environnement.

A cet égard, je suis particulièrement heureux d’annoncer que le Mali a déposé, ce matin même, ses instruments de ratification de l’Accord de Paris dont la mise en œuvre permettra, j’en suis convaincu, de sauvegarder notre environnement.

Monsieur le Président,

Aujourd’hui plus que jamais, il est grand temps que la logique des armes et des affrontements meurtriers cède le pas à l’impératif de dialogue, en vue de l’instauration d’une paix durable à travers le monde.

 

En Afrique, si des progrès remarquables ont été accomplis dans la promotion de la paix et de la sécurité, notamment au Libéria, en Sierra Léone, en Guinée Bissau et en Côte d’Ivoire, il n’en demeure pas moins que la situation en Libye et au Sud Soudan, continue d’être une préoccupation majeure.

 

Au Moyen Orient, nous suivons avec une vive inquiétude l’évolution de la situation en Syrie, en Turquie et en Irak et réaffirmons notre ferme condamnation du terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations.

Sur la question palestinienne qui est au centre des préoccupations des Nations Unies depuis plus de 70 ans, le Mali réitère son appel à la solution à deux États, Israël et Palestine, vivant côte à côte en paix et en sécurité.

Je saisis cette occasion pour réitérer la solidarité et le soutien total du peuple et du Gouvernement du Mali au Peuple palestinien frère, dans sa lutte légitime pour l’exercice de son droit inaliénable à la souveraineté.

Monsieur le Président,

Je voudrais, pour conclure, rappeler qu’il est de la responsabilité première des dirigeants de ce monde que nous sommes de donner l’impulsion nécessaire pour transformer la planète et garantir aux générations futures un développement durable et inclusif qui les préserverait du fléau de la guerre et de la misère.

De millions d’hommes, de femmes et d’enfants nous attendent impatiemment, scrutant l’horizon avec espoir. Nous n’avons pas le droit de les décevoir.

A cette fin, le Mali, pour sa part, est déterminé à jouer sa partition, toute sa partition.

Vive l’Organisation des Nations Unies au service d’un monde de paix et de justice.

Je vous remercie de votre aimable attention.

 

 

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3 COMMENTAIRES

  1. Si les maliens pouvaient croire à leur Chef d’Etat et comprendre qu’IBK est le Président pour leur pays tant par sa franchise que son patriotisme affiché à tout donné à son pays.

  2. Bonjour,
    Excellent discours du Président du Mali à la 71 e session de l’assemblée générale des nations unies qui s’est tenue, le 23 septembre 2016, à New York.

    Il a montré que des avancées significatives ont déjà été faites qui préparent la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali tout en souhaitant que cette mise en œuvre soit accélérée pour avoir des retombées pour la population.

    Félicitations qu’il propose l’organisation de la conférence d’entente nationale, prévue dans l’accord, pour la paix et la réconciliation au Mali, pour le dernier trimestre de 2016.

    J’ai proposé, dans mon appel aux acteurs pour la mise en œuvre diligente et rapide de l’accord de paix, qu’une telle conférence soit organisée au détriment des concertations nationales compte-tenu de la complexité de ces dernières.

    Heureux de constater que l’ONU va dans le même sens que mon appel pour une mise en œuvre rapide, de l’accord pour la paix et pour la réconciliation au Mali, par les groupes armés et par toutes les parties.

    En effet, le Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki-Moon, les a appelés, le 23 septembre 2016, comme ceci :

    « J’appelle les groupes armés à cesser de provoquer des confrontations et toutes les parties à laisser de côté leurs intérêts à court terme et à mettre en œuvre l’accord de paix », a-t-il déclaré lors d’une réunion ministérielle sur cet accord, organisée en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New York.

    Les Ministres des affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault, et algérien, Ramtane Lamamra, participaient à cette réunion.

    Il s’est également dit « très inquiet des nouvelles sources d’instabilité au Mali, de l’impact du terrorisme sur la vie civile et des nombreux cas de violation des droits de l’homme ». Toutes les parties, a-t-il insisté, doivent « se conformer à leurs obligations en matière de droits de l’homme, y compris lors d’opérations anti-terroristes » car « les violations font le jeu des terroristes ».

    M. Ban a appelé à faire en sorte que les dialogues devant permettre de dessiner les futures institutions du Mali soient « sans exclusives ». « Tous les segments de la société devraient y participer, y compris les femmes, les jeunes, les groupes d’opposition, ainsi que les dirigeants religieux et communautaires », a-t-il précisé.

    Il a espéré que la prochaine Conférence d’entente nationale « reflète cet esprit d’inclusivité ».

    Il a souligné que le Mali a besoin du « soutien sans faille et cohérent » de ses partenaires internationaux.

    Quelques jours avant cette réunion, j’ai lancé un appel à TOUS les acteurs, y compris l’ONU et la MINUSMA, pour une mise en œuvre diligente et un engagement franc, honnête et sans complaisance pour une mise en œuvre rapide de cet accord pour la paix et pour la réconciliation au Mali.

    Cet appel concluait comme ceci :

    Engageons-nous (tous les acteurs), honnêtement, franchement et sans complaisance, acceptons le partage de responsabilités (en particulier à Kidal) et mettons, TOUS/TOUTES, rapidement, en œuvre, indépendamment des bords politiques, l’accord de Bamako pour la paix et la réconciliation au Mali, pour l’intérêt général et pour le bonheur de TOUS/TOUTES.

    Bien cordialement
    Dr ANASSER AG RHISSA
    Expert TIC, Gouvernance et Sécurité
    TEL 00223 95 58 48 97

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