Vie du nomade à Tombouctou : Le déclin d’une riche culture

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Zone de prédilection par excellence pour les éleveurs nomades, la région de Tombouctou vit encore les séquelles des grandes sécheresses qui ont largement compromis l’existence des populations de la 6e région, notamment celles des nomades. Stoïquement, celles-ci conservent encore l’essentiel : leur dignité.

 

Les nomades ont toujours assuré à la région de Tombouctou sa prospérité économique par la pratique d’un élevage des plus adaptés, fournissant à la zone suffisamment du lait, de viande et des animaux de transport, justifiant en partie “le plaisir qu’il faisait de vivre à Tombouctou” et dont parlaient tant, les auteurs arabes.

Cet âge d’or des populations nomades s’est malheureusement estompé pour des raisons naturelles, historiques et économiques.

L’avancée progressive du désert a privé le monde pastoral tombouctien des 3/4 de son espace vital, le confinant ainsi dans la patrie sud de son domaine de nomadisation.

Aussi, la priorité donnée à l’agriculture dans le cadre d’une politique d’autosuffisance alimentaire a évincé de son côté l’éleveur de certains de ses terrains de parcours d’antan.

A cela, il faut ajouter le déplacement des circuits commerciaux vers le sud du pays et l’intervention des moyens de transport (auto, bateau, avion) qui ont privé le nomade des profits qu’il tirait du transport traditionnel à dos de chameaux, d’ânes et de bœufs porteurs.

Enfin, l’invasion des marchés locaux par des produits manufacturés et ont contribué à la ruine de la société nomade traditionnelle.

Le coup de grâce sera donné par la sécheresse de 1973, laquelle, par ses effets catastrophiques, a largement compromis l’existence même de ces populations. Ainsi, malgré les efforts de solidarité nationale et internationale, la reprise des activités pastorales par le nomade tombouctien, s’est avérée difficile, puisqu’en 1978, le phénomène de la sécheresse s’est encore fait durement sentir dans le Sahel malien, détruisant les structures familiales traditionnelles.

Une société masculine

L’homme assure la majeure partie, sinon la totalité des revenus en milieu nomade tombouctien. Il est le responsable de la famille dont il a la gestion exclusive des biens.

Gardant les troupeaux, s’occupant des nombreuses corvées, l’homme dans la société nomade, assure l’approvisionnement de la famille et a par conséquent, une haute autorité sur l’orientation générale des activités économiques.

C’est aussi et toujours, l’homme qui noue les alliances et autres formes de solidarité avec les autres familles.

Quant aux jeunes, ils sont repartis entre deux groupes d’âge : ceux de 10 ans et ceux compris  entre 10 et 18 ans.

Pour les premiers, ils constituent un élément privilégié dans la société nomade, surtout, lorsqu’il s’agit d’un garçon.

Celui-ci devient un agent économique très important dans ce milieu où la main d’œuvre est toujours insuffisante et participe aux diverses corvées de la famille.

Quant à la fillette, elle est généralement bien gardée à la maison où, elle est parfois gavée et minutieusement préparée au mariage et n’est même pas astreinte à fréquenter l’école.

Au fur et à mesure que l’enfant avance en âge, sa responsabilité s’accroît dans les affaires de la famille.

Ainsi, à l’âge de 18 ans, il est automatiquement consacré “homme” par le port du turban ou du litham.

Cette importance du rôle économique des adolescents explique en partie la réticence des nomades à la scolarisation des enfants.

La femme pour sa part a un statut tout particulier chez les nomades tombouctiens.

Elle jouit d’un entretien matériel important, d’un respect social certain, mais, elle est toujours considérée comme spirituellement mineure… et inférieure.

Chez les Kel Tamasheq par contre, la femme est très libre et participe dans certains cas, à de nombreuses activités économiques.

Ce qui lui confère souvent une responsabilité réelle.

Chez les Arabes cependant, la femme est moins libre et a un rôle se limitant essentiellement au foyer, quand sa situation économique au niveau de la famille la lui permet.

La femme nomade en général, c’est l’image d’une femme bien gardée, éternellement reposée, voilée et “séquestrée” selon certains observateurs qui parlent même de “femmes, objet d’art”.

 

La rébellion déstabilisatrice

Les rapports des différents groupes socio-éthnographiques ont subi en milieu nomade, une évolution qui a complètement modifié le schéma classique de la hiérarchie sociale. Cette évolution est née sous la pression de plusieurs phénomènes.

La proclamation de l’égalité entre tous les hommes et l’institution d’un pouvoir étatique, chargé de faire respecter cette égalité et l’effondrement du pouvoir économique ont profondément marqué des mutations chez les nomades tombouctiens. Un véritable nivellement naquit ainsi à la base.

Les Eklanes, les Haratines (ethnies nomades), les Blancs, les forgerons, ont aujourd’hui des rapports véritablement égalitaires.

Et, si les marabouts ont toujours maintenu une influence certaine, les guerriers eux, étaient tombés dans une véritable déchéance.

Ces guerriers ayant perdu leurs droits du plus fort, leurs animaux et leurs travailleurs étaient devenus aussi misérables et attendaient pour agir.

Le feu vert d’une longue et sanglante rébellion, les mettra en scène en 1963.

Suite à cette rébellion, les nomades tombouctiens souffriront des vols de milliers de leur bétail, mais les bonnes conditions climatiques aidant, le cheptel a été vite reconstitué.

Hélas, en 1973 une catastrophique sécheresse s’était abattue sur tout le pays, notamment sur les régions du Nord dont Tombouctou, qui ne recueillera cette année-là, ni même 1 mm de pluie.

La situation chaotique ne donna aucune chance aux nomades qui avaient perdu la quasi totalité de leurs troupeaux.

Plusieurs dizaines de centaines de nomades y avaient aussi laissé leur vie qui ne dépendait que de celle de leurs animaux et des espaces verts devenus des cimetières.

Ainsi, grâce à une solidarité nationale et internationale, les nomades rescapés étaient arrivés à reconstituer peu à peu leur cheptel, quand, de nouveau, comme une malédiction, une autre sécheresse s’abattit sur la zone sahélienne.

Cette fois-ci, avec moins de dégâts.

Timidement et avec une stoïcité extraordinaire, les nomades ont tenu le coup, même si, beaucoup, dépossédés de leur bétail, avaient choisi le chemin de l’exode.

Mais, le coup de grâce sera surtout donné aux nomades tombouctiens, après d’incessantes rébellions.

Ce n’est plus des catastrophes naturelles qui décimeront le cheptel, mais, l’insécurité et la guerre.

 

Boubacar Sankaré

 

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