Les récompenses politiques et les primes à la rébellion sont-elles plus importantes que l’efficacité gouvernementale pour un changement qualitatif durable ?
Tous les départements ministères ont connu des chamboulements. Certains ont même été vidés de leur substance en les scindant à plusieurs morceaux pour récompenser tel ou tel soutien politique ou tel membre du cercle restreint du pouvoir. Mais de tous les départements ministériels concernés par cette instabilité gouvernementale, quatre en ont fait les frais. Il s’agit des départements importants dans un pays qui sort de crise à savoir le ministère de la Défense et des anciens combattants qui a connu 3 titulaires différents, celui de la Justice et de la Communication avec 4 passants chacun et enfin, le stratégique ministère des Finances avec 3 occupants de l’hôtel des Finances. A quelle efficacité peut-on s’attendre dans un tel contexte d’instabilité gouvernementale ? Peut-on juger de la compétence d’un ministre si on ne lui a pas donné le temps de s’affirmer ? Le choix des membres du gouvernement a-t-il jamais été fondé sur des critères objectifs de compétence et d’intégrité morale ?
De l’avènement de la démocratie au Mali en 1991 à nos jours, notre pays aura connu trois régimes démocratiquement élus et deux Transitions. Mais de mémoire de malien, jamais un régime n’aura autant battu le record de l’instabilité gouvernementale plus que celui d’IBK. En seulement trois ans, il a épuisé trois Premiers ministres et en est à cinq remaniements. Le hic est non seulement le fait de toucher aux ministères dits stratégiques comme ceux de la Défense, de la Justice, des Finances et de la Communication, mais aussi et surtout le fait de faire planer la psychose et le suspens permanent de deux à quatre mois avant chaque changement de gouvernement, paralysant toujours l’Administration. La question que l’on se pose est celle de savoir pourquoi un remaniement tous les six mois et pourquoi les ministères clés pour amorcer le développement sont les plus instables ? Les récompenses politiques et les primes à la rébellion sont-elles plus importantes que l’efficacité gouvernementale pour un changement qualitatif durable ?
Quatre ministères supposés être stratégiques pour un pays qui sort d’une crise multidimensionnelle comme le Mali battent le record de changement à la tête de leurs départements à savoir :
Le ministère en charge de la Défense : Ce stratégique département, dans un pays qui a connu la plus humiliante occupation en 2012 par la coalition djihado indépendantiste, est à son 3ème ministre à savoir, Soumeylou Boubéye MAIGA, Bah N’Daou et l’actuel occupant, Tiéman Hubert Coulibaly. Chaque ministre venant avec sa vision et sa méthode de travail, il n’est pas exclu que ces différents valses soient l’une des causes de la lenteur de la réforme de la grande muette, toujours renvoyée aux calendes grecques.
Le ministère en charge de la Justice : Il est l’un des départements les plus sollicités dans le contexte d’un pays où il est question de mettre en place une Justice transitionnelle pour panser les plaies béantes issues des crimes odieux et des pratiques injustes commis durant la crise. Ce ministère est fort malheureusement l’un de plus instables à cause du changement de titulaire à chaque remaniement. Ils sont quatre à se succéder à ce département, il s’agit de Me Mohamed Aly Bathily, Mohamed Diarra, Mme Sanogo Aminata Mallé et du tout nouveau, Me Mamadou Ismaila Konaté.
Le ministère en charge des Finances : Il est le département qui gère les ressources de l’Etat. Son titulaire est forcément celui qui détient le cordon de la bourse ou en d’autres termes le nerf de la guerre, les Finances publiques. La relance économique d’un pays dépend de la capacité du ministre des finances à mobiliser et à bien gérer les ressources publiques, mais aussi et surtout à pouvoir rendre attractif l’environnement des affaires et convaincre ainsi les bailleurs de fonds de la bonne destination du pays. Comment peut-on changer le titulaire d’un tel département à chaque remaniement ministériel, qui plus est dont certains n’ont pas le profil du métier ? Ils sont également au nombre de 3 et 2 délégués auprès du ministre des finances à savoir : Mme Bouaré Fily Sissoko, Mamadou Igor Diarra et l’actuel locataire, Boubou Cissé.
Le ministère en charge de la communication et de l’économie numérique : Ne dit-on pas que la communication est pour un pays ce que sont les phares pour un véhicule roulant en pleine nuit sur une route tortueuse ? Un peuple mal ou sous informé est un peuple sans conscience. Aujourd’hui, l’une des plaies béantes de la gouvernance du démocrate IBK du Parti Malien du Travail (PMT) est le déficit de communication et de débats républicains et contradictoires pour renforcer les fondements de la Démocratie, informer les citoyens sur leurs droits et devoirs, et l’opinion internationale sur ce qui se passe au Mali. Mais malheureusement, les nouvelles du pays sont données aux maliens plus par les médias étrangers que par l’ORTM. Ils sont quatre ministres à s’être succédé à la tête de ce département, mais aucun ne semble avoir relevé le défi de la bonne communication, tant les maliens émargent aux registres des infos pauvres. Il s’agit de Jean-Marie Idrissa Sangaré, Mahamadou Camara, Choguel Kokalla Maiga et maintenant Me. Mountaga Tall.
A quand finalement le dernier remaniement du quinquennat d’IBK ? Il faut qu’il réussisse à stabiliser une équipe gouvernementale pour vaincre le sentiment de peur d’être relevé à tout instant afin de permettre à ses ministres de mieux se concentrer sur les dossiers cruciaux de leurs départements et avoir le temps de mettre en œuvre les promesses de campagnes et sa vision pour le Mali.
Youssouf Sissoko