Sécurité des archives nationales au Mali : La “mémoire” de l’Etat se consume !

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Il n’est plus évident de retrouver les documents qui datent seulement d’une dizaine (voire moins) d’années, au niveau de l’administration publique. Celle-ci, n’effectuant que timidement son entrée dans l’informatique.

Ainsi, des documents des plus confidentiels et importants se retrouvent de nos jours encore chez les vendeuses de galettes ou dans les boutiques où ils servent d’emballages.

Conséquence de cette situation, la mémoire de l’Etat s’efface, chaque jour qui passe.

L’administration malienne est en insécurité disent certains spécialistes car, tout Etat doit sa sécurité à la conservation stricte de ses documentations. Les nombreux procès qu’il perd en sont une conséquence logique, révélatrice et douloureuse.

Il y a quelques années, un document extrêmement confidentiel des services de renseignement de l’armée s’était retrouvé entre les mains du fils d’un officier. Ledit document avait été alors publié par un organe de presse de la place provoquant la colère des autorités militaires du pays. Aux dires de certains officiers que nous avions entendus à l’époque, ledit document n’avait été imprimé qu’en deux exemplaires. L’un destiné au Ministre de  la Défense, l’autre au Chef de l’Etat. Ainsi, un ensemble de documents relatif à la gestion de nos troupes avait fait le tour des poubelles pour finalement être récupérés par un jeune policier.

La même année, une lettre confidentielle du Contrôle Général de l’Etat a été retrouvée dans la presse comme un banal document dans la poubelle. Aujourd’hui encore, une importante quantité de dossiers confidentiels relatifs à une importante société traîne dans les tiroirs de la presse.

Rares sont les services publics qui peuvent produire tous les textes de loi les concernant depuis dix ans.

En tout cas, le Ministère des Travaux Publics de l’Urbanisme et de la Construction ne pourra jamais produire la copie originale de la décision n° 075/MTPUC-CAB portant création de la commission de dépouillement des offres relatives à l’appel d’offres pour la construction du deuxième Pont sur le fleuve Niger à Bamako. En date du 13 Mai 1989 seulement !

Comme plusieurs autres documents importants, ladite décision a servi d’emballage de pain chez un boutiquier.

Le casse-tête pour les magistrats

Le procès crimes de sang avait sans doute souffert de l’absence de beaucoup de documents justifiant des faits. Le cas le plus patent avait été la disparition du fameux registre de la présidence.

L’instruction du dossier qui a duré 6 ans n’a produit que de légères preuves. L’argumentaire des avocats et les commentaires de la presse à l’époque avaient effectivement révélé que le dossier était maigre, très maigre.

Nous avons fait le tour de certaines structures judiciaires. Dans aucun, il n’y a une section d’archivages digne de ce nom. Dans celui-ci où passe le maximum le dossier, il n’y a aucun moyen de retrouver les primitifs concernant des affaires qui datent de 3 ans. Pis, des pièces de certains dossiers volent au vent compromettant la qualité du jugement rendu.

Les avocats en savent beaucoup sur les déboires causés par ce phénomène dans les procédures.

“Au Mali, nous n’avons pas une culture documentaire. Parfois, la Cour nous demande de produire des pièces originales. Imaginez que par négligence le greffe perde une telle pièce. Impossible de se rattraper et c’est nos clients qui prennent le coup” se lamente cet avocat à la Cour.

Pour beaucoup de magistrats, il n’y a aucun moyen de conserver les documents et d’être sûr de leur sécurité.

Abdramane Traoré, un justiciable témoigne qu’il a repris deux fois sa déposition auprès d’un juge d’instruction qui avait perdu la première copie.

Rares sont les citoyens qui croient réellement que les dossiers se perdent au niveau des tribunaux ? “Comment peut-on admettre qu’un document important disparaisse au niveau du tribunal ? C’est pas vrai. C’est plutôt un petit métier pour certains qui s’enrichissent à travers le vol de pièces” se lamente toujours cet avocat. En fait, cet aspect n’est pas négligeable.

Dans beaucoup de services publics, surtout les tribunaux, des agents véreux excellent dans ce genre d’affaires. Pour faire taire son adversaire, les justiciables peuvent mouiller la barbe du greffier. Un coup de vent est vite arrivé… et le papier aura disparu.

Il n’y a pas que les tribunaux qui connaissent le phénomène. Même chez les avocats, il y a rarement un bureau de documentation.

… Au niveau de l’administration d’Etat, il n’y a très peu des services d’archivage rassurant. Les documents sont plutôt gérés par les secrétaires de direction qui n’ont pas assez de moyens techniques à cet effet. Pour certains administrateurs, les directions et autres départements ne sont malheureusement pas informatisés. “Quand vous saisissez une décision à la machine mécanique, vous êtes obligés de fouiller dans les classeurs pour la retrouver. Or dans d’autres pays, il suffit d’attraper la souris pour retrouver dans l’ordinateur n’importe quel document” explique M. Konaté administrateur de son état, aujourd’hui, pour retrouver de vieux textes et lois, il faut se référer à la bibliothèque nationale (section archives nationales). Et même là, la conservation des documents pose problème.

Malick Camara

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