– Des grands retours annoncés
Tous ne jubilent peut-être pas au parti présidentiel avec une guerre de leadership qui y fait rage depuis le départ d’IBK, le maitre incontesté. Mais la nomination du 1er vice-président du BPN au poste stratégique de chef du Gouvernement marque un tournant important dans la réhabilitation du politique par le chef de l’Etat. Celui qui clamait naguère n’être redevable de rien à sa propre famille politique y recourt à quelques encablures de la présidentielle 2018, dont les enjeux semblent lui en avoir imposé.
C’est dans la nuit de Samedi 8 avril que le tragique suspense s’est finalement dénoué en faveur d’Abdoulaye Idrissa Maïga. Précédemment ministre de la Défense et des Anciens Combattants, l’ancien patron du département de l’Administration Territoriale et de l’Environnement a été nommé à la faveur du décret N°0315 P-RM, en remplacement de Modibo Keïta démissionnaire en milieu de semaine déjà selon plusieurs sources concordantes, mais dont le départ a fait l’objet d’un embargo jusqu’à la fin du séjour d’une délégation tunisienne au Mali.
En acceptant de déposer finalement le septuagénaire – lequel se décrivait lui-même ces derniers temps comme un Premier ministre de laboratoire -, IBK satisfait aux cris du cœur des nombreuses voix qui s’accordaient de plus en plus sur une torpeur et une impuissance criarde du vieux chef d’orchestre devant l’accumulation des malaises. Ebullition inédite et d’une ampleur jamais égalée du front social, exacerbation des conflits intercommunautaires, absence de concertations et de coordination avec le politique, etc., sont entre autres les arguments par lesquelles les parlementaires de la majorité parlementaire ont frappé du poing sur la table à Koulouba et plaidé pour un divorce à l’amiable avec le PM sortant, à défaut de devoir le prononcer par une motion de censure des députés de la majorité présidentielle.
En réponse aux récriminations soulevées par ses interlocuteurs, le président de la République, de source bien introduite, a promis à ses interlocuteurs de leur donner suite sur la question dans les plus délais. Et c’est probablement l’épisode de trop qui a finalement emporté le PM Modibo Keïta après plus deux années de séjour à la Primature dont au moins 12 mois de résistance à diverses vagues d’alertes sur son départ. De la fronde partisane très agressive de l’ancien ministre du Développement rural, Bocari Tréta, en passant par les motions de censure successives de l’opposition et les menaces brandies par la majorité parlementaire dans le même sens , les sursis se sont constamment accumulés et transformés en grâce pour le troisième PM d’IBK. Lequel a souvent bénéficié de concours de circonstances favorables comme l’Afrique-France, entre autres événements nécessitant une stabilité institutionnel.
En jetant son dévolu sur Abdoulaye Idrissa Maïga, IBK ne porte pas seulement son choix sur le loyal collaborateur qu’il a commencé à côtoyer et à pratiquer depuis l’installation des cellules embryonnaires de l’association ADEMA au septentrion. Il se résout en même temps à confier la conduite de l’action gouvernementale au politique, qui ne saurait être mieux incarné qu’à travers un responsable de premier plan du parti présidentiel. Le remplaçant de Modibo Keïta n’est autre, en effet, que le premier vice-président du RPM, formation majoritaire dont les prétentions à la Primature ont pourtant souvent été rabrouées par les prises de distance affichées du chef de l’Etat vis-à-vis de sa famille politique. Dans un contexte marqué de guerre de leadership depuis l’élection d’IBK, le nouveau Premier ministre ferait difficilement l’unanimité au RPM, mais l’enjeu réside plutôt dans sa capacité à rassembler au-delà de son camp, à coordonner une équipe de la dernière chance de retourner au quinquennat finissant la confiance et l’espoir qui puisse justifier une aspiration à rempiler pour un second.
Une telle gageure préfigure logiquement un gouvernement de choc pour affronter l’âpreté des combats électoralistes à venir, qui s’accommode difficilement du maintien des ministres sortants sans relief en termes de résultats et de légitimité politique. L’avènement d’un Premier ministre RPM n’est de ce fait nullement un gage pour les représentants de du parti présidentiel. On annonce au demeurant des départs de taille comme ceux des ministres de l’Urbanisme, Ousmane Koné, des Maliens de l’Extérieur, Abdrahamane Sylla, de la Fonction publique, Raky Talla, de la Promotion féminine, Oumou Bah, des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, de la Culture Rama Diallo, entre autres membres en deçà des attentes dans leur secteur, soit désavoué à leur base aux récentes communales. Il se susurre par ailleurs l’arrivée de nouvelles têtes et des grands retours. Il s’agit, selon nos sources, de l’actuel DG de l’Autorité Routière, Baba Moulaye, de la président du mouvement des femmes du RPM, Lady, ou encore de Me Baber Gano, tandis que Tiéman H Coulibaly ferait figure de grand revenant aux Affaires Etrangères. Pour le reste, certains membres sortants ont déjà l’assurance d’être maintenus. Ils l’ont prouvé en étant en mission à l’intérieur ou à l’étranger pendant que le Premier ministre avait déjà rendu sa démission.
Ces tendances attendent d’être confirmées après la passation entre les Premiers ministres entrant et sortant et les consultations, mais Abdoulaye Idrissa a d’ores et déjà annoncé les couleurs de l’orientation politique du gouvernement par une visite de courtoisie au siège de la CMP où il a assuré de sa volonté de cheminer avec les partis.
(((Encadré)
Qui est le nouveau Premier ministre ?
Né le 11 mars 1958 à Niafunké, le nouveau Premier ministre, Abdoulaye Idrissa Maïga, est un ingénieur des sciences appliquées et un analyste de projets de classe exceptionnelle. Il fit ses armes dans son domaine dès sa sortie de l’IPR de Katibougou, en 1981 et s’est révélé pendant la première décennie de son entrée en fonction comme un charismatique directeur du célèbre projet Mali Nord-Est à Gao. C’est là aussi que les premiers symptômes de l’engagement politique et associatif sont apparus chez l’homme, qui assumait courageusement sous le Général Moussa Traoré la présidence de l’Association ADEMA et la Coordination du Mouvement démocratique. C’est à ce titre au demeurant qu’il accueillait IBK en émissaire de l’ADEMA- Association, au lendemain des événements du 26 Mars 1991 et du coup d’Etat.
Contraint à la veilleuse politique suite aux batailles de positionnement consécutives à la transformation de l’ADEMA en parti, Abdoulaye Idrissa Maïga ne ressurgit véritablement sur la scène publique qu’avec la campagne présidentielle de 2013 en tant que Directeur de campagne du candidat du RPM, le parti dont il fut pendant longtemps le secrétaire-général adjoint très effacé.
Quoiqu’il ait conduit avec brio l’élection d’IBK à la magistrature suprême et assuré au RPM la conquête des trois sièges parlementaires de son bastion, en 2013, ce spécialiste chevronné du développement rural a su s’imposer un profil bas et demeurer dans l’ombre jusqu’à son entrée au gouvernement comme ministre de l’Environnement de l’Eau et du Développement Durable. Ses résultats ont prouvé qu’il était en terrain connu et lui ont valu par la suite la confiance du chef de l’Etat pour conduire les difficiles missions dévolues au département de l’Administration territoriale : déblayer le terrain pour les élections communales à travers l’élaboration des textes y afférents. Idem pour le ministère de la Défense où il a commencé à donner une autre allure à la Loi d’orientation militaire avant sa nomination à la Primature.
En tant que chef du gouvernement, c’est un tout autre défi qui attend un homme réputé pour son assiduité au travail et son intégrité à toute épreuve : mettre à profit son expérience gouvernementale et professionnelle ainsi que les enviables qualités morales et le sens de l’Etat qui le caractérisent pour affronter les obstacles inhérents au passage d’un quinquennat à l’autre.
Marié et père de 5 enfants, le Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga est polyglotte et parle le songhoï, le français, l’anglais et le bambara.