Problématique de la gestion du pouvoir au Mali : Le Président IBK a-t-il montré ses limites objectives ?

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Ibrahim Boubacar Keita

Il convient de rappeler que la gestion calamiteuse  des affaires par le régime de Amadou Toumani Toure a conduit les maliens à désespérer de l’homme qui a achevé le soulèvement populaire du peuple contre l’apache régime de  Moussa Traoré. C’était le 26 Mars 1991. Ce jour-là, les maliens ont chanté en chœur que ATT est l’homme de la situation.  Cet homme est sorti des touffes d’arbres du Camp du régiment des commandos parachutistes de Djicoroni communément appelé le Camp Para de Djicoroni. Il faut dire qu’ATT était méconnu du grand public.

L’arrestation de Moussa Traoré  fut perçue de deux façons différentes  et contradictoires.

La première perception du coup d’Etat  faisait du lieutenant-colonel ATT, un patriote,  un sauveur proche du Peuple. Cette façon de percevoir était l’œuvre de l’écrasante majorité  de la population malienne. Cela était compréhensible dans la mesure où l’homme qui a pris sur lui le courage  et la témérité de jeter  à la face du général assassin : Moussa Traoré, ça suffit !, est un patriote. Il faut saluer ce courage  qui a arrêté l’effusion de sang et de larmes de notre Peuple sacrifié sur l’autel de la Politique de l’Union Démocratique du Peuple Malien (UDPM).

La seconde perception qui n’était nullement secondaire faisait d’Amadou Toumani Touré, le sauveur de son mentor, le Général Moussa Traoré. Cette autre façon d’interpréter  était tout aussi  correcte dans la mesure où  ATT devait beaucoup à Moussa Traoré. Allez en savoir plus. Le temps  a  vite fait de prouver qu’ATT n’était pas l’homme du Peuple. Comme son prédécesseur  Alpha Oumar Konaré, ATT a contribué à la phagocytose de nos services de défense et de sécurité.

La sale décision de laisser de laisser entrer en territoire malien, les rebelles libyens avec armes  et bagages en est une preuve parlante. Il faut donc dire que la gestion incandescente  de la question du nord du Mali et la situation socio-économique  et politique  délétère dans laquelle le pays était plongé furent les causes véritables  de la chute du Général Amadou Toumani Touré.

La gestion laïciste de la question sécuritaire du septentrion malien a entrainé les massacres dont nos vaillants  soldats furent victimes à Aguel Hock. La suite ; on la connait : la partition de fait de notre territoire est pratiquement consommée.

Au plan social ; très nombreux, furent les maliens qui ne croyaient plus en la démocratie conquise de  haute lutte  au prix du sang  des larmes de nos mères, femmes et enfants. Cela se comprend aisément dans la mesure où le régime d’ATT ; en rallongeant la gestion catastrophique de Alpha Oumar Konaré a plongé notre Peuple dans une situation de désemparèrent sans précédent dans l’Histoire de notre pays : tous les repères essentiels  sont noyés dans les méandres d’une politique de pilotage à vue de nos affaires. Les aspirations  les plus profondes de notre Peuple sont foulées au pied par les « princes de la démocratie ».

Sur le plan économique, la « démocratie » a affamé notre Peuple travailleur et pour cause : le panier de la ménagère  est de plus rongé par la cherté  des articles  de commerce ; notamment les prix des denrées de première nécessités ont connu des envolées notoires sans le moindre espoir d’une diminution future, de décrue aux dépens des plus démunis. Le bilan est ineffable : en lieu et place en bonne place d’une gestion responsable des affaires, s’instaurent dans nos mœurs, le vol,  l’affairisme,  l’escroquerie, le népotisme, la corruption,  la surfacturation, bref toute  chose qui ratatine et humilie les masses laborieuses  de notre pays. Il faut tout simplement dire que le Mali est sujet à la désagrégation totale de son tissu socio-économique  et politique.

ATT  a été renversé par une junte militaire dirigée par Amadou Haya Sanogo. Ce coup d’Etat du capitaine contre le Général  avait laissé  espérer notre Peuple quant à un changement radical de sa vie sociale et économique.

Mais, le comble du ridicule c’est que les concertations tant souhaitées  et revendiquées par le cri de cœur du Peuple ont été renvoyées aux calendes grecques par une  transition autoproclamée aux dépens des intérêts majeurs des masses travailleuses du Mali.

IBK est élu par 77, 66% des suffrages estimés, non sans raisons :

  • IBK, tout le long de sa campagne, a fait vibrer les cœurs des maliens par des slogans patriotiques comme « pour l’honneur du mali » « le Mali d’abord », « Nul ne sera au-dessus de la loi ». Aussi, avait-il promis de faire de la lutte contre la corruption et la délinquance financière son gage primordial.

4 septembre 2013- 20 juillet 2016 : Voilà que le Président IBK a en charge les affaires du Mali.

Deux ans et 11 mois se sont écoulés sans que l’on ne sache où IBK veut emmener le Mali. En tout cas, le constat est déjà cuisant à mi-parcours de son mandat et pour causes :

Au Plan Politique, trois gouvernements se sont succédés aux affaires  mais sans pouvoir redonner confiance au Peuple. Bien au contraire le Peuple se voit dépossédé progressivement  de la gestion de ses propres affaires au grand bénéfice de l’impérialisme français et ses valets afro-maliens. Dans ces conditions, il est hors de question pour le Mali de voir le bout du tunnel. Edem Kodjo indiquait avec juste raison «  oui, qui à force d’avoir  regardé vers l’extérieur, de s’être organisé vers l’extérieur et pour l’extérieur,  à force d’avoir accepté  tout  de l’extérieur, concepts comme produits….., l’Afrique subit plus que tout autre, les effets pervers de la crise venue d’ailleurs. »

Au plan sécuritaire, les Maliens dans leur écrasante majorité attendaient beaucoup du Président Ibrahim Boubacar Keita. Au regard de la fermeté dont il avait fait montre pendant ses 6 ans passés à la tête de la primature, les maliens dans leur grande majorité croyaient et s’attendaient à un règlement diligent de la question du nord qui n’a que duré.  L’on rappelle avec amertume que bien de vaillants soldats ont été lâchement assassinés  à Aguel Hock sous la lourde responsabilité de Amadou Toumani Touré. Les Maliens s’attendaient à ce que le Président IBK exige que justice soit faite et que les criminels assassins de nos soldats soient traqués, arrêtés et punis avec la dernière rigueur. L’accord d’Alger qui faisait suite aux pourparlers de paix de Ouagadougou a accouché d’une partition de fait de notre territoire national. L’on voit donc pourquoi Edgard Pisani disait : « Un processus africain de développement  passe  par une distanciation au moins méthodologique  avec les habitudes, les comportements,  les structures, les technologies et les modèles venus d’ailleurs.  Pour voir et comprendre. Pas nécessairement pour rompre ».

Au plan économique, il faut dire que le Peuple malien souffre de plus en plus gravement dans sa chair et dans sa conscience des affres d’une gestion catastrophique du régime de celui qui avait fait renaitre en nos  masses travailleuses, l’espoir d’un mieux-être véritable. Le contrat le plus patent c’est que, loin de nous éloigner du diktat économique extérieur, la gestion d’IBK nous ligote chaque jour davantage au bénéfice du colonialisme français et de ses valets maliens. Pisani avait déjà averti en ces termes : «  Tant que les espoirs de développement seront fondées sur une aide extérieure considérée comme capable de provoquer l’investissement et l’équipement, toute dynamique  est interdite. »

Il faut dire qu’au lieu d’insuffler une nouvelle dynamique dans la gestion des affaires de notre pays, l’administration malienne se comporte comme simple distributrice de papiers, de salaires, de programmes sans le moindre souci de mener des réflexions critiques en vue de fonder notre indépendance réelle et notre avenir. A ce propos, lisons Patrick  Gibert, Directeur Scientifique du Centre d’Etude Supérieures du Management public ( CESMAP) : « On souligne rarement le fait que les institutions politiques excitantes rendent difficile tout changement fondamental, étant donné la multitude des points de véto que comporte notre système décentralisé d’équilibre des pouvoirs. La  responsabilité de l’administration  ne s’arrête pas à la mise en œuvre de la belle panoplie des modes d’action de la puissance publique : Prélèvement, distribution, introduction, obligation, contrôle etc. Elle inclut l’étude sans complaisance de la mise en œuvre des politiques retenues.

Il faut donc dire que le bout du tunnel pour notre Peuple n’est pas pour demain. Cela est d’autant exact  que le choix des hommes par IBK ne peut inspirer la moindre confiance en l’avenir. Il suffit pour s’en convaincre, de jeter un regard critique sur les ministres ayant composé les différentes équipes gouvernementales qui ont servi le Président Keita depuis son arrivée en septembre 2013. Globalement, il convient de retenir qu’au lieu de tourner le dos à ces hommes et à ces femmes qui furent la plaie et les spoliateurs de notre Peuple sous Alpha Oumar Konaré et ATT, le Président IBK s’en est mieux approché, créant ainsi le sentiment de son incapacité notoire à redonner confiance en son peuple meurtri par les longues années de gestion  démocratiste de nos affaires. Le candidat du RPM a-t-il fait la bonne lecture de la volonté de notre Peuple de voir ses affaires se gérer autrement ? Rien n’est moins sûr quand on sait que le choix des hommes totalement désavoués par ce Peuple est tout simplement contre-productif. Il n’a surtout pas mesuré à sa juste valeur le plébiscite, dont il a bénéficié de la part des maliens  lors des joutes électorales du 2ème tour de l’élection présidentielle de 2013. Il doit faire sienne cette réflexion de Labou selon laquelle « Il faut des hommes pour sauver l’avenir »

Il n’est pas besoin de préciser ici qu’il ne s’agit pas des hommes aux pantalons troués ou des femmes aux foulards  compromis.

Chaque jour que Dieu fait, notre Peuple endure les affres de la corruption, de la mauvaise gouvernance, du partage du gâteau par ceux et celles qui se nourrissent sans vergogne de l’argent des contribuables maliens. Aujourd’hui, la misère a atteint des proportions inquiétantes. Face à cette humiliation des masses travailleuses, toute petite étincelle peut mettre le feu aux poudres. Aujourd’hui tout se passe comme si IBK a montré toutes ses limites objectives dans la concrétisation de ses slogans de campagne. En tout cas, l’insécurité, la corruption, le népotisme, l’achat des consciences, la gabegie, l’injustice criarde aux dépens des damnés de notre pays, entre autres sont devenus  le lot quotidien des masses  travailleuses comme si une malédiction divine s’est abattue sur elles ! De plus en plus les pauvres deviennent plus pauvres et les riches plus riches. Comme pour dire que les pauvres ont tort d’être pauvres comme en témoigne  cette célèbre pensée de jean de la Fontaine dans ‘’ les animaux malades de la peste’’ : « selon que vous serez  puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. » Aujourd’hui plus qu’hier, il y a une rupture consommée entre le peuple Malien et ses  gouvernants. Le chaos Malien ne fait donc plus l’ombre d’aucun doute. Les Maliens, par la faute des gouvernants, ont perdu leur identité et tout espoir en l’avenir. Le désespoir est très profond de même que le malaise social.

Tibor Mendé a conseillé en ces termes : « Pour récupérer l’identité et le respect de soi, il faut changer l’orientation même de l’économie. Au lieu de regarder vers l’extérieure, elle doit s’orienter  vers l’intérieur et se préoccuper davantage de résoudre les problèmes  locaux que d’affronter ceux qui résultent du contact avec le monde industriel »

Au regard du désemparement de tout un Peuple, il reste fort à parier que dans la gestion  des affaires du Mali, le Président Malien ne peut mieux faire, sauf surprise agréable. Aujourd’hui, le pays va mal et souffre de plus  en plus gravement des effets pervers de la corruption, de la délinquance économique et financière et donc de la mauvaise gestion  des affaire. En tout cas les équipes gouvernementales qui s’affairent autour d’IBK ont pratiquement fini de décevoir le Peuple malien. Mais, comme le disait Karl Max ‘’ de la pourriture nait la vie’’. De cette situation chaotique nationale naitra assurément un Mali  nouveau débarrassé de cette racaille de politiciens véreux en mal total de crédibilité. Pour ce faire, la jeunesse malienne prend de plus en plus conscience de sa mission de fer de lance de la nation. C’est en cela que Frantz Fanon a bien : «  Chaque génération, dans une relative opacité doit découvrir sa mission et la remplir ou la trahir ».

Aux consciences Françaises et à leurs valets maliens, il faut rappeler Patrice Emery Lumumba : «  Le rêve actuel de l’Afrique, de toute l’Afrique, est de devenir un continent libre, indépendant, au même titre que tous les autres continents du monde car le créateur a voulu que tous les hommes et tous les Peuples soient libres et égaux. »

Il faut que le Mali retrouve sa dignité confisquée et son honneur perdu.

Ousmane DAO

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