Prise de fonction du président élu : Ces préalables qui font débat

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Si le président élu, en l’occurrence Ibrahim Boubacar Keïta, entrera en fonction en principe le 04 septembre prochain, avant il devra, conformément à la Constitution du 25 février 1992, se plier à un certain nombre d’exigences constitutionnelles.

Ibrahim Boubacar Kéïta
Ibrahim Boubacar Kéïta

Ainsi donc, nous avons connu l’épilogue de l’élection présidentielle de 2013 avec la proclamation, mardi, par la Cour constitutionnelle, des résultats définitifs du scrutin du 11 août. N’en déplaise à Moussa Sinko Coulibaly, ministre de l’Administration du territoire qui avait encore raté le coche, le 15 août dernier, en empiétant cette fois-ci sur ses compétences, sinon en méprisant le juge constitutionnel: «Ceci met fin au second tour de l’élection présidentielle», avait déclaré le néo Général de brigade à la fin de la cérémonie de publication des résultats provisoires cette fois-ci complets du scrutin. Ils étaient nombreux ce jour, nos compatriotes qui sont restés confus ou médusés devant la maladresse de Monsieur le ministre.

 

En effet, dans son arrêt n°2013-o6 en date du 20 août 2013, la Cour constitutionnelle a confirmé l’élection d’Ibrahim Boubacar Keïta à la présidence de la République pour avoir obtenu 77,62% des suffrages, soit une légère hausse de 0,01% par rapport aux chiffres donnés par l’Administration territoriale.

Ancien Premier ministre et ex-président de l’Assemblée nationale du Mali, IBK devient ainsi le troisième président de la troisième République après Alpha Oumar Konaré (1992-2002) et Amadou Toumani Touré (2002-2012). Pour de nombreux observateurs, le principal enjeu de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, en tout cas pour ce qui concerne la présidentielle de 2013, résidait dans le fait que c’est par référence à la date de proclamation des résultats définitifs que la date de prise de fonction du Président élu est fixée. En effet, la Constitution malienne dispose en son article 37 que «le Président élu entre en fonction quinze jours après la proclamation officielle des résultats». Sinon, beaucoup conviennent que la victoire d’IBK était presque consommée, son challenger Soumaïla Cissé ayant non seulement reconnu sa défaite le lendemain même du scrutin, mais surtout s’étant engagé à n’introduire aucune requête auprès du juge constitutionnel. Ainsi donc, dans leur délibération du 20 août dernier, les «Sages» notifient que le mandat  du président élu, en l’occurrence Ibrahim Boubacar Keïta, prendra effet pour compter du 04 septembre prochain à 00 h. Toutefois, avant d’entrer en fonction, le désormais aîné de tous les Maliens (sans être le plus âgé), se doit de se plier à un certain nombre de préalables consignés dans la Constitution du 25 février 1992, notamment dans son article 37.

Aux termes de cette disposition constitutionnelle, avant de prendre fonction, le nouveau président prête devant la Cour suprême le serment dont la teneur est la suivante : “Je jure devant Dieu et le peuple malien de préserver en toute fidélité le régime républicain, de respecter et de faire respecter la Constitution et la Loi, de remplir mes fonctions dans l’intérêt supérieur du peuple, de préserver les acquis démocratiques, de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national. Je m’engage solennellement et sur l’honneur à mettre tout en œuvre pour la réalisation de l’unité africaine”. Ce serment est censé être une sorte d’engagement moral qui lie le chef de l’Etat au peuple souverain. Malheureusement, il est perçu par beaucoup de nos concitoyens, notamment le Malien lambda, comme un non sens pour la simple raison qu’il n’a pas un «caractère véritablement sacré».

«Pourquoi ne jure-t-il pas la main sur la Bible, le saint Coran ou tout autre objet de culte selon que le Président soit musulman, chrétien ou autre ?», interrogent certains, estimant que le serment constitutionnel n’est que de la poudre aux yeux du peuple car le comportement de bien des chefs d’Etat malien tranchent avec cet engagement qu’ils font avant d’entrer en fonction, même si quelque part le mot «Dieu» apparait dans le serment. Mais le fait de jurer sur un livre saint ou sur un objet de culte et le caractère laïc de l’Etat sont-il antinomiques ? C’est justement sous cet angle que se pose vraisemblablement ce débat constitutionnel. L’autre préalable auquel Ibrahim Boubacar devrait se sacrifier, c’est la déclaration écrite de ses biens qui doit être remise à la Cour suprême dans les quarante huit heures qui suivent la cérémonie de son investiture, toujours conformément à l’article 37 de la loi fondamentale.

Voici ce qui devrait servir de garde-fou aux éventuels détournements de fonds par le président de la République si la disposition était appliquée dans toute sa plénitude et s’il y avait un système de contrôle adéquat de ces biens.

 

Si les chefs de l’Etat du Mali, depuis l’avènement de la démocratie en 1992, ont observé cette mesure après leur investiture, les Maliens se demandent si la mise à jour annuelle que cette déclaration doit faire l’objet est toujours respectée. De sorte que cette volonté de transparence exprimée à travers la constitution se heurte soit à la mauvaise foi de nos dirigeants soit à l’opacité de la procédure de mise à jour annuelle de la déclaration de biens. Sur ce dernier point, IBK se démarquera-t-il de ses prédécesseurs ?

Bakary SOGODOGO

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