Pr Issa N’Diaye passe à la loupe la nouvelle gouvernance du Mali : “Si IBK ne prend pas garde, son autisme politique le conduira à sa perte “

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Pr. Issa N'Diaye
Pr. Issa N’Diaye

Du 19 Novembre [1968] à ce jour, qu’ont fait nos gouvernements ? Pas grand’chose.  Nous assistons à une période faite de résolutions creuses, de vœux pieux, de détournement de légitimité. Le Mali traverse une histoire où la violence a pris le pas sur la raison.

 

 Nous, jeunes du Mali, quel est notre avenir ? Nous, femmes du Mali, quel est le nôtre ? Suivre tout simplement ? Peut-être pas ! Nous sommes fatigués d’un futur  sans lumière. Il est temps que nous prenions conscience que nous sommes seuls et qu’être assisté en permanence, c’est être colonisé.

 

 

 Ici et là, jeunes et femmes, redressons la tête et les gouvernants seront nus. Redressons la tête pour qu’ici et là, la  démocratie jeune et nouvelle, animée par le sang des martyrs… que les fascistes nous ont volée, refasse surface.

 

 Le printemps malien que nous vivons en ce moment manque cruellement d’expériences, de perspectives et surtout d’hommes et de femmes capables de l’animer. Mettons-nous dans la tête que lorsque nous disparaîtrons, nous emporterons avec nous une conviction. Il n’existe pour ainsi dire pas de problèmes insolubles, mais il y a peu d’hommes qui soient capables de trouver les solutions adéquates. Ce n’est pas que les hommes de nos jours soient sots, mais ils sont trop impliqués dans la gestion de leurs affaires quotidiennes. Ils n’ont plus le temps, ni la force, ni les idées pour regarder au-delà. Ils sont résignés… “

Ibrahima Ly : Extrait de l’Appel lancé par le Regroupement des Patriotes Maliens lors du Referendum constitutionnel de 1974.

 

Les anciens disaient que le pouvoir était un révélateur redoutable, qu’il mettait à nu celui qui l’exerçait, ses qualités, ses ressorts intimes et surtout ses défauts.

Selon une sagesse populaire, le pouvoir est comme un fusil chargé à bloc dont il faut se méfier. Il ne faut jamais en faire un jouet. Il ne faut ni s’amuser avec, ni s’y accrocher. Certes, il faut  le tenir fermement mais sans s’y agripper. En s’y agrippant trop, on en devient  le jouet. Au lieu de diriger le pouvoir, il finit par vous diriger.

 

 Divorce rapide avec le peuple

  Pour Amadou Hampâté Ba, le pouvoir est une drogue. Il agit à l’instar de l’alcool. Au premier verre, on est joyeux et on gambade dans tous les sens comme un cabri. Au second, on se prend pour un lion qui veut tout régenter. Au troisième verre, on veut être craint et semer la terreur. Mais au lieu d’être craint, on finit  par être  détesté par son peuple.

 

 

En observant le comportement actuel du Président du Mali, on a le sentiment étrange qu’il a bu les trois verres d’un trait, du fait de la rapidité avec laquelle l’enthousiasme populaire de départ a cédé la place au plus grand désarroi. Et s’il existait un baromètre fiable de l’opinion publique nationale, nul doute qu’il battrait le record d’impopularité de l’actuel président français.

 

 

Son divorce rapide avec son peuple, à un semestre de sa prise du pouvoir, semble venir avant tout du choix malencontreux et à chaque fois raté des hommes de son entourage. On avait espéré et cru qu’il avait compris, tout compris, lui qui avait assisté à tout, d’un bout à l’autre, à la dégénérescence de la démocratie malienne et à la faillite de l’Etat. Il en avait été le témoin voire l’un des acteurs privilégiés parfois. Il connait la réalité des institutions et des hommes. Il ne peut donc se prévaloir d’aucune excuse. Il sait ce qu’il fait et pourquoi il a choisi tel ou tel individu. Il connait sa garde rapprochée en dehors et au sein de son parti, garde rapprochée plus affairiste que militante, incompétente et vindicative à souhait. Elle est aujourd’hui au cœur de son système de gouvernement dont le credo s’illustre parfaitement dans cette proclamation  faite déjà en 2002, assez parlante d’elle-même selon laquelle “IBK serait son projet de société”.

 

 

Récemment, sa réplique tonitruante et somme toute superficielle aux critiques de ceux qui s’activent à vouloir paraître comme ses opposants les plus résolus, a surtout contribué à réveiller des cadavres politiques qui sont loin d’être des références en matière de bonne gestion ou de gouvernance. Ils ont  trop longuement usé le fond de leurs culottes sur les bancs du pouvoir pour constituer aux yeux des populations, une alternative crédible aux dérives actuelles.

 

 

 Goût immodéré de la parade

 IBK a certainement une lourde part de responsabilité. Citons d’abord son goût immodéré de la parade et des artifices, son exercice narcissique du pouvoir, sa sensibilité extrême aux flatteries de ses courtisans, son manque de vision stratégique et enfin sa lourde tendance à l’autosatisfaction. Surtout, l’absence d’équipe structurée et compétente autour de lui pour l’accompagner voire l’encadrer, ce dont il ne veut certainement pas, contribue à le fragiliser et à l’exposer à tous les dangers. Lors de ses soliloques télévisés,  il croit que les applaudissements frénétiques d’un public de courtisans, acquis d’avance à sa cause, constituent un signe d’adhésion  populaire. Il se croit l’élu de Dieu, oubliant qu’il a été surtout élu par son peuple. Il a vite oublié pourquoi il l’a été. S’il ne prend garde, son autisme politique le conduira à sa perte. N’oublions jamais que le pouvoir isole.

Mais ne mettons pas tout sur le compte de IBK. Faisons une lecture saine et approfondie de l’environnement politique et institutionnel du Mali depuis ces deux décennies pour avancer dans la compréhension de l’impasse actuelle.

 

Pourquoi en l’espace de bientôt un quart de siècle, notre génération de Maliennes et de Maliens  a-t-elle raté toutes les occasions offertes par l’histoire pour changer la donne et partant notre destin en tant que pays? Sommes-nous devenus une génération maudite? Pourquoi avons-nous perdu le sens du collectif pour devenir une bande de courtisans ? Comment expliquer notre lâcheté collective? Pourquoi continuons-nous à ramper, pour la plupart d’entre nous, à nous bousculer pour ramasser les miettes d’une caste d’apatrides qui nous gouverne depuis si longtemps? Pourquoi avons-nous trahi  notre pays et notre peuple?

 

 

 

Alpha a ouvert la boîte de Pandore

 

En 1991, la chute de la dictature de Moussa Traoré fut une première occasion ratée. La “démocratie” a fini par faire pire que la dictature, surtout au niveau de la qualité des ressources humaines. Elle a injecté sur la scène politique toutes sortes de gens, parfois de véritables voyous. Les éléments les plus sains ont fini par être, presque tous, marginalisés au profit d’une génération spontanée de politiciens sans foi ni loi. On connait la suite. Alpha Oumar Konaré avait ouvert la boite à Pandore. Le Maradona politique qu’il était, a fini par être victime de ses propres dribbles. En politique, les fautes sont toujours lourdes à porter. Et il doit le réaliser à présent. Les acteurs politiques principaux qui se disputent aujourd’hui le pouvoir, sont tous sortis de sa forge ou ont tous été transformés par ses soins. Consensus oblige, tous ont fini par échapper à son contrôle. Pourtant ils lui doivent ce qu’ils sont devenus aujourd’hui. Il a largement façonné leur destin. Certains sont devenus par opportunisme, ses pires pourfendeurs. Maintenant qu’il n’est plus au pouvoir, peut être qu’il a fini par prendre conscience des conséquences dramatiques de ses erreurs passées. Ce qui expliquerait sa disparition volontaire des écrans radars du marigot politique malien.

 

Le silence assourdissant du talentueux “professeur de démocratie” de ses homologues africains dont certains trainent encore au pouvoir, son volontaire effacement de la scène politique, ne traduit-il pas les remords d’un homme placé devant le tribunal impitoyable de sa propre conscience, mesurant pleinement l’ampleur de ses responsabilités historiques face au désastre actuel? Terrible fardeau que le sien! Se construire sa propre prison pour échapper au regard accusateur de ses propres concitoyens! Alpha Le Démocrate, rase les murs tandis que Moussa Le Dictateur parade. Quelle terrible leçon de l’histoire. Cela ne doit-il pas nous faire réfléchir?

 

 

Cependant il serait tout à fait excessif de rendre Alpha seul responsable des maux actuels de la démocratie malienne. De sa fabrique de génération spontanée de politiciens, sortirent tant de monstres qui n’ont ni son génie, ni surtout son talent. L’artiste politique, le Mitterrand malien céda le pouvoir à  un homme qui n’avait ni l’intelligence ni surtout le profil de l’emploi. Il fut bruyamment accompagné dans sa gestion hasardeuse du pouvoir par des “fidèles” compagnons et des disciples du “professeur de démocratie”.  Pour la plupart, ils retournèrent rapidement leur veste et sont devenus au fil du temps ses principaux ennemis. Au bout du compte, ils firent pire que Alpha. Le pouvoir ATT finit par donner libre cours  à tous les instincts, surtout les plus maffieux. On en connait aujourd’hui les conséquences terribles. Dans toute l’histoire du Mali, le pays n’est jamais tombé aussi bas. Le pouvoir n’a jamais été autant déconsidéré et gangréné par une “médiocratie” politique totalement corrompue. Les conséquences notamment sociales et psychologiques sur les ressources humaines sont d’une extrême gravité. Le matériel humain malien en est durablement affecté.

 

 

 

 Dérives et règlements de comptes sanglants

 

La chute de ATT fut la seconde occasion ratée et l’espoir de courte durée. Le désir d’accaparement effréné du pouvoir et des sources d’enrichissement personnel a pris le pas sur toute autre considération. Ceux qui ramassèrent le pouvoir par terre, un certain 22 mars 2012, sabordèrent rapidement toute espérance. Ils étaient, avant tout, le produit d’un système qui les avait largement formatés. Le réveil fut brutal devant leurs dérives et les règlements de compte sanglants. La classe politique, opportuniste à souhait, fit feu de tout bois. Les calculs et les positionnements furent à géométrie variable en fonction des circonstances. Nombreux furent ceux qui défilèrent à Kati où ils firent allégeance. Certains déçus par une longue attente, embouchèrent les vuvuzelas de l’anti putschisme.

La CEDEAO,  instrument docile de la France et des Occidentaux, imposa au pays les mêmes individus, le même système, les mêmes méthodes et on recommença, en poussant ATT seul vers la sortie. Ceux qui l’avaient aidé dans le festival des brigands que fût son règne, revinrent aux affaires avec la seconde Transition dictée de l’extérieur. Elle fut pire que la première, celle de 1991-1992. On se rua sur la dépouille de l’Etat. Ce fut le hold-up du siècle et ceci en toute impunité! On ne se préoccupa guère de l’état avancé de déliquescence du pays même si l’Etat malien fut déclaré “Etat failli” par ceux qui prétendirent voler à son secours.

 

 

 

Démocratie de façade

 

 

 

Au lieu de se pencher sur le mal et de le soigner à la racine par une refonte radicale du système “démocratique” et des institutions de l’Etat, les pays occidentaux soutenus par la CEDEAO et la classe politique malienne sortirent l’éternelle et inopérante arme des élections pour donner un semblant de légitimité à des hommes et à des institutions ayant “failli” selon un constat unanime.

 

 

Même élu à plus de 77%, quelle est la légitimité réelle d’un président et des autres institutions républicaines dans un pays où le corps électoral représente à peine 10% de la population? Que représente la classe politique dans son ensemble? Que vaut une démocratie de façade conçue pour satisfaire les besoins de parade et de gloutonnerie d’une élite largement minoritaire et totalement discréditée? Il semble que l’on s’en fiche éperdument de toutes ces questions!

 

 

L’essentiel pour l’Occident, c’est d’installer et de maintenir au pouvoir des individus et un système de gouvernance acquis à l’ordre mondial actuel et largement favorable à ses seuls intérêts.

 

 

L’élection d’IBK, une  occasion ratée de plus

 La troisième occasion ratée par notre génération est celle consécutive à l’élection de IBK. L’espoir apparut de nouveau comme un arc-en-ciel à la fin de l’orage. L’on se disait partout que cette fois-ci était la bonne. L’erreur fondamentale de IBK est essentiellement de n’avoir pas compris que le plébiscite électoral qui fut le sien au sortir des élections, n’est pas pour sa personne, encore moins pour son parti mais avant tout l’expression du rejet d’un système d’Etat et surtout d’individus qui l’incarnaient plus que lui. L’annonce de la composition de son premier gouvernement doucha tant d’espoirs, un choc tétanisant! On se frotta les yeux pour bien réaliser que ce n’était pas un rêve. Les plus optimistes continuèrent à penser que ce n’était qu’un cauchemar passager. Loin de rassurer, les actes successifs posés furent pour la plupart, des actes manqués. Effrayé par le poids du jugement de l’histoire, son Premier Ministre décampa à toute allure, lui avait compris, tout compris et il ne voulait pas partager, à juste raison,  une si lourde responsabilité. C’est ainsi que le changement attendu se transforma en mirage.

 

 

Que reste-t-il encore de l’espérance des Maliennes et des Maliens? Quels sont aujourd’hui les risques encourus? Et surtout que faire? Existe-t-il encore une chance pour notre génération de rebondir ? Face à l’immensité des défis et à la médiocrité du matériel humain actuel et surtout sur le terrain politique, est-il permis d’espérer encore? Quelle alternative faut-il chercher à construire? Et comment?

 

 

D’abord, il ne sert à rien de chercher à “couler” IBK. La Gauche malienne doit arrêter de tirer les marrons du feu pour des forces sociales encore plus rétrogrades. Il lui faut apprendre de ses échecs, suite à sa gestion chaotique des évènements consécutifs à mars 2012.

 

 

Ballotée entre les dérives libérales des uns et l’aventurisme ultragauchiste des autres, la Gauche malienne se cherche. Elle mettra du temps à se ressaisir tant qu’elle ne sera pas capable de faire son autocritique sans complaisance et dépasser le sectarisme ambiant et le culte de certains ego. Elle a du chemin à parcourir pour devenir une alternative crédible sur l’échiquier politique national.

 

 

 

L’armée dévirilisée par l’affairisme et l’incompétence

 Ensuite, il est illusoire de croire que le Mali est dans une situation pré révolutionnaire même si les conditions objectives semblent favorables. Les conditions subjectives sont loin d’être réunies. L’état de préparation politique, idéologique et organisationnel est plus qu’insuffisant. Le risque d’agitations sociales incontrôlées nous conduira certainement vers un autre coup d’Etat. Or l’histoire nous montre largement que les coups d’Etat ne sont pas une solution. Ils finissent par se retourner toujours contre les forces sociales qui les ont soutenus. Le cas malien ne saurait constituer une exception.

 

 

Par ailleurs, la crise actuelle a jeté une lumière crue sur l’état réel de notre armée. Tout comme dans les autres compartiments de la société, l’affairisme y a fait des dégâts importants au détriment de l’esprit civique et patriotique. L’incompétence érigée en système de gouvernement a fait le reste. La militarisation progressive de l’appareil d’Etat où des militaires continuent d’occuper des fonctions civiles alors qu’il y a fort à faire dans l’armée, en est une illustration. Que faire de nombreux officiers sans commandement dans l’armée? Jusqu’ici, non seulement on a continué à en produire et au rabais, mais encore en guise de restructuration, on leur jette un os moelleux à ronger pour freiner leur tentation de prise du pouvoir. Le résultat est tout autant désastreux.

 

 

Et ne nous faisons pas d’illusions, le sursaut national ne viendra pas de la classe politique. Tout comme IBK, elle est incapable de sortir du système actuel dont elle est le fruit amer. Réformer le système actuel est un suicide pour elle.

 

 

Au-delà des problèmes que pose notre armée, une lecture simpliste fait croire à beaucoup de personnes que la crise malienne se limite au nord Mali. On en fait tantôt une guerre de religion, tantôt un conflit ethnique. Au delà de ses enjeux géopolitiques et géostratégiques, convoitises françaises et d’autres Etats pour les richesses minières locales, au delà des motifs réels des interventions militaires des puissances extérieures à l’Afrique, il y a autre chose.

 

 

Economie souterrainemaffieuse

 Ce ne sont pas seulement les groupes armés rebelles qui ont intérêt à semer la pagaille dans le nord du Mali. Le conflit a des racines économiques puissantes. Il s’y est développé une économie souterraine maffieuse basée sur toutes sortes de trafics, d’armes et surtout  de drogue. Derrière les discours religieux et indépendantistes se déroule une bataille féroce pour le contrôle des réseaux et des routes de trafic. Bien des gens en tirent des bénéfices tant au sein des appareils de l’Etat que de la classe politique aussi bien au Mali que dans certains pays voisins. L’argent de la drogue est devenu un enjeu économique et financier global plus que le djihadisme  ou la rébellion armée qui n’en sont que le vernis. On fait malheureusement semblant de l’ignorer. Il alimente en partie le système financier international et on le sait. L’argent de la drogue déstabilisera nos pays tant que nous n’en extirperons pas les racines qui sont au cœur même de nos institutions. L’éclairage fourni par la publication du dernier ouvrage du correspondant de RFI à Bamako en dresse un tableau inquiétant. Il fait froid dans le dos. La rébellion armée dans le nord du Mali nourrit trop de gens  et pas seulement les groupes rebelles touaregs. Des réseaux implantés au cœur des Etats, des appareils sécuritaires, de la classe politique, des  milieux d’affaires et autres, s’en nourrissent quotidiennement. Dans ces conditions, le conflit risque de perdurer. Il n’y a pas non plus de solution durable dans le cadre du système malien actuel. Il faut résolument  en sortir.

 

Les dérives actuelles de IBK dans sa gestion factuelle du pouvoir ont aussi une explication. Elles sont liées au système politique et institutionnel  malien actuel. On décrit la Constitution malienne comme une photocopie de celle de la France. Ce qui est vrai. On oublie souvent que la constitution française est elle-même le produit d’un coup d’Etat, celui du Général De Gaulle en 1958. Par essence, elle est loin d’être démocratique. Les Français en savent quelque chose. Mais c’est en Afrique francophone qu’elle a connu les pires travestissements.

 

Des Premiers ministres nommés par-dessus la tête des partis

 

De Alpha Oumar Konaré à IBK, les présidents élus ont toujours nommé des Premiers Ministres par dessus la tête des partis politiques et du parlement. IBK est d’ailleurs la seule exception sous Alpha. C’est aussi après sa nomination qu’il a pris le contrôle du parti majoritaire à l’époque pour mettre fin à la guérilla politique que livrait au Président la direction de l’ADEMA. En fin stratège, Alpha a brisé toute résistance avec les suites  que l’on sait.

Sous ATT, ce fut pire. Il n’était pas lui-même candidat d’un parti politique. Il s’est largement joué des partis représentés au parlement. Tous ont joué le jeu. Il y a fort à douter de la capacité de la classe politique actuelle à faire réellement le procès qu’on veut lui intenter. Il est sûr que cela se terminera en queue de poisson, comme toutes les mesures annoncées.

BK ne fait donc que continuer la tradition fondamentalement basée sur la prééminence d’un individu sur toutes les institutions de la république. On en connait les conséquences dramatiques en Afrique et singulièrement au Mali. A entendre les discours du nouveau Premier Ministre malien, il y a lieu de s’en inquiéter,  quand il insiste à plusieurs reprises sur la “loyauté au Président” et non au pays ou à l’Etat. Il en ressort que le Président est à lui seul l’Etat et le pays. A titre d’illustration, dans la réplique à la publication du journal français, Le Monde, le communiqué officiel a affirmé sans ambages qu’il s’agissait d’une attaque contre le Mali. La réaction épidermique a d’ailleurs été de porter plainte contre ledit journal, une plainte qui a été, semble-t-il, retirée par la suite en catimini.

 

Créer une nouvelle dynamique institutionnelle

  Dans ces conditions, à quoi sert un Premier Ministre? A quoi servent les Ministres? A quoi sert le Parlement? A quoi servent les autres institutions de la république?

D’expérience, la réponse est largement connue. Le Premier Ministre, les Ministres n’ont pas la réalité du pouvoir, tout comme les directeurs nationaux ou généraux des appareils administratifs de l’Etat. Ne parlons pas du Parlement et des autres institutions. Est-ce cela la démocratie?

Il ne faut pas s’attendre à un chamboulement dans les révisions annoncées dans la Déclaration de politique générale du Premier Ministre par rapport à la Constitution et autres textes fondamentaux. C’est le système même qui a montré ses limites avec l’effondrement de l’Etat malien. Il faut en tirer toutes les conséquences et faire passer le souffle purificateur du changement dans les institutions maliennes.

 

Cela ne peut être du ressort exclusif des institutions de la république. Elles ne sauraient se remettre en cause. Dans les faits, on sait qu’elles ne sont nullement représentatives du peuple malien, tout comme la classe politique.

 

C’est pourquoi, pour sortir de l’impasse actuelle, nous sommes condamnés à créer une nouvelle dynamique à travers des Assises Nationales Populaires, à l’instar de ce qui a été fait au Sénégal par la société civile, même si la dynamique  n’a pas été menée jusqu’au bout. Cela a tout de même permis de congédier Wade et d’éviter au pays une guerre civile. Nous pouvons en tirer des leçons.

Sortons du schéma classique des conférences nationales souveraines, des Etats généraux, des concertations nationales et autres scenarii où l’Etat et la classe politique en cooptent les participants. Autre aspect innovant, les Assises nationales pour être vraiment populaires doivent impliquer les populations depuis la base jusque dans les villages les plus reculés.

A chaque étape, il reviendra aux populations de désigner elles-mêmes leurs propres représent

ants. C’est seulement ainsi que l’on s’assurera de la représentativité des institutions qui en sortiront et surtout de leur légitimité

 

 

Il faut en réduire drastiquement le nombre. Nous avons déjà fait des propositions en ce sens dans des articles précédents.

A titre d’exemples: suppression de la Primature, élections du Président par le Parlement, impossibilité de sa dissolution par ce dernier, principe du scrutin uninominal par circonscription électorale , renforcement des critères d’éligibilité autres que par l’argent, durcissement des conditions de création de partis politiques et associations, généralisation du principe de la limitation des mandats aux partis politiques, syndicats et associations, suppression du financement public des partis politiques et son remplacement par un système de prestations de service comme par exemple la formation des cadres, etc.

 

Nouveau système sécuritaire et de défense

 Sortons aussi des déclarations de politique générale qui n’ont aucun impact sur la vie réelle des populations. Chaque ministre doit passer devant le Parlement pour faire valider son programme d’activités avec obligation de résultats et un chronogramme à l’appui. Il faut  instaurer, à l’occasion,  de véritables débats. De même, pour le choix des directeurs nationaux et généraux suite à un appel à candidature. Tous devront exercer la plénitude de leurs fonctions respectives et en assumer entièrement la responsabilité. Ils doivent en rendre compte et pouvoir être sanctionnés à tout moment.

Tous les secteurs doivent être revisités par les Assises nationales populaires. Il faut aussi élaborer un nouveau système sécuritaire et de défense où seront impliquées et responsabilisées les populations à la base. La meilleure sécurité est celle qui implique des populations conscientes et responsables. De nombreuses expériences positives existent un peu partout dans le monde. Il ne faut pas se leurrer. De telles mesures ne sont possibles que  dans le cas d’un pouvoir véritablement populaire et qui n’a pas peur de son peuple. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Ce n’est pas avec une armée de mercenaires qu’on peut régler les questions de sécurité. Même les armées étrangères les plus puissantes et celles sous mandat de l’ONU et  de l’UA n’y peuvent rien à terme. Seuls les peuples souverains ont la solution à leurs propres problèmes.

Critiquer IBK pour le faire changer

 

Enfin, il faut continuer à critiquer IBK et à faire pression pour qu’il change de politique. Nous subirons certainement les conséquences de son échec, même si nous ne sommes pas aux affaires. La situation du pays est critique. Nous devons nous efforcer de montrer qu’il existe d’autres alternatives. Il nous revient de les construire avec les populations. Nous y sommes condamnés. Il faut sortir des batailles politiciennes et travailler à l’émergence d’un changement qualitatif réel. Cela demande du travail, des efforts et du temps.

Faisons inlassablement notre devoir de génération. C’est la seule façon de reconstruire l’espérance et de sortir du marché des charlatans nationaux et internationaux, vendeurs d’illusions. Notre salut commun en dépend.

 

Les élites actuelles ont atteint leurs limites. Elles sont condamnées par l’histoire. Les mouvements sociaux de base contre l’accaparement et la privatisation des terres agricoles, les luttes de résistance contre les concessions minières qui arrachent aux populations leurs lieux de vie et de production avec les conséquences dramatiques sur leur santé et leur environnement, la désespérance des jeunes face aux horizons bouchés par les politiques néolibérales qui ont créé partout des impasses dans le monde, sont en train de dessiner de nouvelles alternatives. Il faut travailler  à l’émergence et à l’organisation qualitative de ces luttes. Elles constitueront l’étincelle qui allumera l’incendie qui consumera l’ordre ancien en putréfaction et éclairera l’horizon d’un monde appelé à émerger.

 

Le poète cubain José Marti disait qu’il fallait voir dans l’incendie, non pas les cendres, ceux du monde ancien, mais la lueur des flammes qui s’élance vers le ciel et éclaire l’horizon du monde nouveau en gestation.

N B : Les intertitres sont de la rédaction

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18 COMMENTAIRES

  1. C’est avec un grand intérêt que j’ai lu ces lignes. Pr, nous avons besoin de vous lire régulièrement dans les journaux, car vos interventions ont toujours été pertinentes. Continuer à assumer votre devoir de génération, pour nous permettre de faire bouger les choses à l’avenir, pour le bonheur du peuple.
    L’extrait de l’Appel nous interpelle jeunes et femmes du Mali, à cause de son actualité bien qu’il date de 1974, oui redressons la tête et ouvrons les yeux, ce pays ne se fera pas dans la tromperie et le mensonge. Il est plus que temps d’agir.

  2. Une si belle contribution . Une analyse claire et fine de la situation actuelle du pays. Merci prof.

  3. C’est déjà une base de travail qu’il faut mettre en application. A commencer par la sensibilisation dans les différente radio. Le peuple doit prendre son destin en mais en façonnant les homme politique dont il a besoin pour bâtir le pays. C’est clair que presque tout les maliens que ce ne sont pas les hommes politiques qui sortirons le pays des problèmes au contraire ils l’enfonceront d’avantage.
    Professeur il faut commencer déjà la mise en œuvre de cette réflexion. On a plus de temps à perdre. le monde bouge !!Je suis sûr que cette idée sera bien partager par le peuple car qui a vomis les politiques.

  4. Ce monsieur été ministre dans ce pays.Donc tu fais parti des gens qui ont détruit ce pays.Il faut pas nous jeter de la poudre aux yeux.Je reconnais tes qualites , mais tu n’es pas blanc comme neige dans la gestion de ce pays.Vous êtes coupables de l’effondrement de l’etat malien.Signé Churchill dit bouledogue.

    • Mon frere,

      Participer dans un gouvernement ne veut necessairement que tu aies une responsabilite dans l’effritement du pays. Malgre que chacun d entre nous ait une responsabilite dans la situation actuelle du pays, Pr Issa Ndiaye est l un des cadres maliens les plus honnetes. Il faut vraiment etre blanc comme neige pour parler comme ca au Mali.

      Quiconque connait Pr Issa vous dira qu il a ete toujours le meme gars depuis le regime de Moussa Traore.

      Il est l une personnes qui font de plus peur a nos gouvernants. Au vu de son desinteressement du pouvoir, de l avoir, de l’argent et son amour indeniable pour les plus pauvres et les plus vulnerables.

      Tout de go, si le Mali a quelques Intellectuels comme lui, le Mali ne serait pas la ou il est actuellement. Je dis bien des intellectules non des diplomes car le Mali est en secheresse de resources humaines valables. Et perosnne ne peut nier cela.

      Veuillez vous renseigner sur l integrite, les valeus, l’amour de peuple du Pr Issa

  5. Le Pr Issa N’Diaye anime avec d’autres intellectuels et cadres politiques consciencieux chaque 2 samedi un débat à thème au siège du FORUM CIVIQUE(KORA FILMS) qu’il dirige à Magnabougou, deuxième carré de la Pharmacie ZANKA à gauche du Rond point de La Radio Guintan.
    Patriotes du Mali œuvrons pour le combat de la dignité à retrouver, du développement durable. Comme le disait Sankara:
    “Pouvoir!!! au peuple!; tout le pouvoir!!!! au Peuple”
    La patrie ou la mort, nous vaincrons!”

  6. Merci M. N’Diaye, pour cette belle tribune!

    J’ai rarement lu une contribution d’ aussi belle qualité que la votre sur maliweb!

    Etant un jeune malien vivant à l’ étranger, cela me donne de l’ espoir qu’ il existe toujours au Mali des hommes capables de nous sortir de l’ ornière.
    Si vous aviez un parti politique j’ allais surement milité à vos côtés.

    Si seulement l’ autre( IBK) pouvait tirer des leçons de votre tribune, ce serait bien pour le Mali.
    Le dictateur du Mandé qui n’ accepte pas les critiques,et dont on ne peut même pas prononcer le nom.

  7. Sacre Pr. Issa N’Diaye je suggerai que il passe au niveau des radios de proximite afin que son analyse puisse servir a beaucoup de ses compatriotes.
    Ibra

    • Professeur, je sais que notre pays sortira de tout ça, même si votre solution proposée couve beaucoup de spéculation et ne peut être bonne comme par le passé vous nous avez fait rêve de l’eldorado dans le but de chasser le général Moussa Traoré du pouvoir, votre constat est réel et patent. Cependant, Vous autant que ceux énumérés par vos soins êtes responsables du désastre de notre grande nation. Vous tous; vous êtes servis du peuple malien, même si votre degré de responsabilité diffère, car vous avez été ministre sans jamais démissionner, pourtant le pays connaissait les mêmes affres de corruption, de népotisme, de clic et de clan. Et, le hic est que vous ne parlez que si vous êtes en “chômage” c’est à dire si vous n’avez pas été appelé pour constitution du gouvernement. C’est en ce moment, que vous vous plongez dans vos longs discours creux, superflus avec beaucoup de spéculation et fortement teinté de philosophie, comme si vous êtes dans le secret de Dieu , ne permettant pas.

  8. le constat est édifiant mais les propositions de sortie de crise ne sont pas convainquantes,car ce ne sont ni les textes et lois,ni les modes de gouvernance qui font défauts mais les hommes chargés de les appliquer car nous vivons un monde criminel,corrompu,traitre etc…Nous vous encourageons aux critiques constructives et surtout à encourager le soutien à IBK une chance pour le Mali.
    Nous vous rappelons que la nature humaine est incitatrice au mal,même Allah l’a dit au Prophète Môuça qui lui a demandé de le préserver des gens.Allah lui a dit:Moi-même ne suis pas preservé car:
    *Le fils d’Adam m’a démenti en disant que je ne le ressuciterai pas
    *Le fils d’Adam m’a démenti en disant que j’ai un fils
    *Le fils d’Adam m’a démenti en m’associant à des divinités
    *Les fils d’Adam ont démenti mes messagers et tués certains
    Qu’Allah nous guide salam

  9. Merci professeur pour ces analyses pertinentes même si je pense que vous êtes fou si non un peu particulier par rapport aux autres hommes politiques maliens. Bref vous aviez une vision particulière de la gestion de la chose publique que tous les maliens doivent partager afin de mûrir la réflexion.

  10. Magnifique!
    Souvent je me prends à penser s’il existait encore des hommes mures de la vie et muris par la vie pour allumer un flambeau et servir de repère pour les enfants déshérités de mon pays, moi même m’étant auto éliminé;
    Oh! que si, Prof vit encore pour nous instruire.
    Quelle classe! quelle analyse! quel clarté!
    Oui un jour il y aura une incendie salvatrice pour mon peuple.
    Merci Maître au vrai sens du mot, la retraite est lié à la satisfaction d’une vie réussie, mais convenez avec moi que votre retraite n’est pas pour maintenant, tant votre patrie a besoin de vous.
    Longue vie à toi.
    Merci.

  11. Merci professeur pour cette contribution qui doit servir de leçon a IBK qui a le pouvoir.

  12. merci Prof. JE prend bcp de plaisr a vous. on sent le patriotisme derriere ces ecrits.
    QUE DIEU SAUVE LE MALI SINON IBK EST UNE ERREUR DE CASTING.

  13. Merci mon professeur pour cette belle contribution. Le premier ministre MARA devrait se ressourcer auprès de vous s’il veut échapper à tous ces pièges déjà tendus par les vautours du RPM. Ne dit-on pas que seul le sage reconnait un objet noir calciné(“Maa koro dé bè fin fima djenilé don”)? 🙄

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