Comment se fait-il que nous soyons si divisés aujourd’hui, emportés dans une spirale de violences communautaires, politiques et par une rébellion dans le septentrion de notre pays, alors que nous ne désirons qu’une chose, vivre ensemble dans la paix et l’harmonie ? Nous qui partageons une histoire millénaire, nous qui sommes fiers d’avoir bâti une nation qui a toujours exprimé notre volonté de vivre ensemble tout au long de ce temps, nous qui décidâmes de partager un destin commun eu égard à notre identité commune.
La plus grande injustice de la crise profonde que nous traversons actuellement est qu’elle risque de nous éloigner encore davantage l’un de l’autre. La crise aura certainement des effets sur beaucoup d’entre nous et le plus lourd tribut sera payé par celles et ceux qui ont subi dans leur chair les effets de la violence, de l’isolement, et de la misère. Et le paradoxe, c’est comment résister à l’angoisse, à la résignation, au désespoir pour chercher des chemins de réconciliation ?
Nous avons besoin d’un nouveau départ. Il faudrait d’abord changer nos façons de faire, changer notre logique. Il faudrait s’ancrer davantage dans la réalité et les besoins des communautés, et non des groupes d’intérêt. C’est ce qu’il faudra faire pour commencer à changer le Mali, qui en a vraiment besoin aujourd’hui plus que jamais. Il faut sortir du cynisme. Il faut se donner l’espace de réfléchir, hors des nécessités du pouvoir et des discours actuels, pour réinventer notre pays.
Nous avons aussi la mission de redresser le Mali, de permettre la consolidation de l’État de droit et d’une justice sociale, d’imposer un mode de gouvernance fondé sur l’intérêt des citoyens, de réinventer une économie qui sera au service de la société, de définir une politique d’emploi cohérente et viable, et de doter le pays d’une armée forte et républicaine et des forces de sécurités modernes, capable de garantir l’intégrité territoriale et de réagir efficacement lorsque l’intérêt du pays est menacé ou quand la sécurité des biens et des personnes est mise à mal.
Notre histoire millénaire nous apprend que toute politique qui prône la supériorité d’un groupe sur un autre abouti inévitablement aux impasses et à l’échec. C’est sur le respect des droits de tous que se fonde l’unité nationale et une paix juste, digne, et durable. Le respect de la vie et de la liberté de chacun est constitutif de la paix ; de même, l’accès aux biens essentiels comme la santé, et l’éducation. Toute politique séparatiste qui lèse la dignité de la personne humaine, est une atteinte à l’unité nationale et à la paix. Nous devons maintenir notre détermination pour la réforme administrative et la réconciliation politique et sociale, et insister toujours sur la protection des minorités qui a toujours été une obligation morale et religieuse dans notre société. Nous devons faire ce qui est juste et nécessaire pour sortir ensemble plus forts de la crise. Notre riche histoire et notre diversité doivent toujours être une force dans le Mali de demain. Notre singularité qui est née de notre persistance doit nous permettre de faire encore mieux.
La résolution du conflit malien doit être accompagnée par le dialogue. Ce dialogue pour qu’il soit efficace doit intégrer tous ceux qui sont concernés par le conflit. Le conflit malien ne peut être isolé de son contexte et sa solution doit être nationale. La société civile doit être correctement impliquée dans toutes les démarches ayant trait au conflit afin de faciliter les rencontres intercommunautaires qui mettent en présence des communautés que les conflits ont opposé les unes aux autres alors qu’elles ont toujours eu de forts liens de parenté, de voisinage, de solidarité et de complémentarité. Ces rencontres permettront aux communautés de se rappeler mutuellement qu’au-delà des identités ethniques, nous partageons une identité commune qui a toujours façonné notre volonté de vivre ensemble, de bâtir une destinée commune. L’histoire millénaire du Mali relate que ces mêmes communautés ont constitué et géré ensemble des États comme le Ghana, le Mandé, le Songhaï, et qu’elles ont toujours entretenu une culture de paix. La démarche de la société civile doit aller le sens d’un rappel de la nécessité de sauvegarder cette culture de paix.
Aujourd’hui, plus que jamais, la paix dans notre pays est un véritable défi pour l’ensemble des citoyens touchés par la peur du lendemain. Notre pays a besoin de femmes et d’hommes qui, dépassant les frontières ethniques, régionales, et politiques, soient des témoins de la réconciliation et d’une paix juste et digne. Au-delà de politiques gouvernementales mûrement réfléchies, c’est aussi la solidarité et la fraternité qui pourront libérer nos citoyens de l’engrenage du désespoir et de l’échec, de se rendre compte de leurs propres valeurs, et leur restituer la fierté de leur histoire. Dans l’esprit du dialogue, nous devons tout faire pour que les semences de la communication germent entre les différents groupes de citoyens. Puissent les graines ainsi semées germer et porter les fruits d’un développement durable ! Ce serait en effet le meilleur moyen de faire germer une paix durable. Le maintien d’une telle paix offre le cadre et la sécurité qui permettent à notre nation de renaitre de son sol et d’atteindre le niveau souhaité de développement. Que notre volonté et notre détermination fassent en sorte que nos politiques de réconciliation nécessitent peu de temps pour évoluer et s’enraciner davantage dans les mentalités et les traditions de notre société.
Que Dieu nous assiste et qu’IL bénisse notre Nation.
Cheick Boucadry Traoré