Attendu pour être un véritable cadre d’échanges et de dialogue véritablement maliano-maliens avec à la clef la primordiale et indispensable thématique, à savoir Paix et réconciliation, finalement l’éléphant annoncé est arrivé avec trois pieds cassés. Le premier pied cassé est l’absence des acteurs politiques, le deuxième pied cassé est celle des groupes armés ou les ex rebelles, partenaires indispensables pour un dialogue inter maliens et le troisième pied cassé est la prédominance de la thématique relative à la prolongation de la transition alors que cette thématique ne figurait nulle part dans les cinq thématiques envoyées à la base. Un monologue entre partisans de la transition pour donner un nouveau bail aux autorités n’est-il pas le seul leitmotiv véritable ? Cette occasion idoine de discuter entre maliens sans aucune interférence extérieure n’est-elle pas en train d’aller à vau-l’eau ? Ne peut-on pas rectifier le tir en engageant des pourparlers avec les grands absents afin qu’ils prennent le train en marche ?
L’initiative d’organiser entre maliens un dialogue à la fois inclusif et national avait été prise par le Président de la transition lors de sa tradition adresse à la nation au seuil du nouvel an 2024. L’idée, tant dans sa forme que dans son fond, a été accueillie avec enthousiasme par une écrasante majorité du peuple. Certains citoyens se sont même réjouis du fait que ce serait la première fois qu’on organise au Mali un dialogue entre toutes les filles et tous les fils du Mali sans aucun témoin externe. Mais finalement les masques sont tombés avant même la tenue des deux phases préliminaires, à savoir la phase communale et celle des régions. En effet, c’est à quelques encablures du démarrage des travaux des phases communale et régionale que le gouvernement a décidé de suspendre les activités des partis politiques et des associations à caractère politique, pour, dit-on, éviter que le dialogue ne se tienne dans une cacophonie. Comme si cette décision ne suffisait pas, on a glissé dans la série de thématiques la prolongation de la durée de la transition. Pour rappel dans les thématiques préalablement établies la prolongation de la transition ne figure nulle part. Le hic est que les débats au lieu d’être orientés vers la thématique de paix et de réconciliation, ont été finalement focalisés sur la prolongation de la durée de la transition et surtout sur la candidature du Président Assimi Goita. Comme pour dire que les cinq thématiques étaient justes une entrée en matière et que la raison fondamentale de l’organisation de ce dialogue dit inter maliens n’était rien d’autre que de donner un nouveau contrat à Assimi Goita pour continuer à gouverner. A-t-on réellement besoin de toutes ces élucubrations et toute cette perte énorme d’énergie et de ressources financières pour simplement dire à Assimi Goita de continuer ? Sachant bien qu’il n y a jamais eu deux sans trois, après les 18 mois et les 24 mois expirés sans élections il est évident qu’on passera à la troisième étape. En effet, convaincu que les autorités de la transition n’ont jamais eu la moindre intention de quitter le pouvoir, le Président Assimi Goita pouvait simplement prendre un décret pour prolonger comme il en a pris pour limiter à 24 mois.
Cette occasion idoine de discuter entre maliens sans aucune interférence extérieure n’est-elle pas en train d’aller à vau-l’eau ?
Nombreux étaient les maliens à espérer qu’après la prise de Kidal par la force et surtout après le retour de l’administration dans cette partie du territoire, qu’un dialogue franc, direct et véritablement constructif allait être engagé entre tous les fils et toutes les filles du Mali. Pour non seulement panser les plaies et jeter les bases d’une réconciliation des cœurs et des esprits et d’une paix durable. Au lieu de cette option c’est plutôt un dialogue non inclusif encore moins consensuel que les autorités ont offert au peuple. L’histoire semble alors donner raison aux détracteurs de la transition qui ont affirmé Urbi et Orbi que le dialogue n’avait qu’un seul but, prolonger la transition. Rien qu’en analysant les résolutions et les recommandations des délégués aux phases communale et régionale on en déduirait que le but est simplement de donner un nouveau bail à la transition. Quel gâchis ! Et pourtant l’occasion était unique de rassembler les maliens au-delà de leurs sphères politiques, confessionnelles, ethniques et communautaires. Les autorités ont fait le choix de ne plus discuter des problèmes du Mali en dehors des frontières maliennes, mais, à analyser de près cette option est motivée par la volonté de s’éterniser au pouvoir. Elles semblent avoir en arrière-plan la volonté de continuer à gouverner sans le quitus du peuple, encore moins interférence de la communauté internationale.
Ne peut-on pas rectifier le tir en engageant des pourparlers avec les grands absents afin qu’ils prennent le train en marche ?
Il serait difficile pour les autorités de rectifier le tir, car il leur manque l’humilité et la remise en question pour se dédire et rassembler tous les maliens. Auréolé du soutien d’une frange importante du peuple, détenant les armes, elles estiment qu’il n y a aucun obstacle dressé devant elles pouvant freiner la marche vers l’horizon qu’elles ont tracé. Ni les partis politiques, ni les associations à caractères politique encore moins les ex rebelles ne seront les bienvenus à ce forum exclusivement consacré à légitimer les autorités de la transition. Savent-elles que la meilleure des légitimités est celle issue des urnes ? Elles doivent comprendre que l’heure de la dictature est révolue et que la meilleure des recettes pour un gouvernant est le dialogue ininterrompu avec tous les acteurs sans exclusif, des pourparlers sans fin pour parvenir à des solutions consensuelles. Tout autre acte ne ferait non seulement pas long feu, mais aussi et surtout serait voué à l’échec.
Youssouf Sissoko