En plaçant les festivités du cinquante huitième anniversaire de l’accession de notre pays à la souveraineté internationale sous le signe d’une nouvelle investiture, le président Ibrahim Boubacar Keïta foule au pied les institutions de la République de son pays. A commencer par la Cour suprême devant laquelle il a officiellement prêté serment, le 4 août. C’est au cours de cette cérémonie que ladite Cour lui renvoie à ses fonctions de président de la République. Une autre cérémonie en dehors de celle-ci est une violation de la Constitution malienne.
C’est avec le cœur plein d’angoisse, d’amertume et meurtri que les Maliens ont encore célébré les cinquante-huit (58) ans d’indépendance de leur pays occupé, depuis 2013, par des forces armées étrangères et obscurantistes qui s’adonnent à toutes sortes d’activités criminelles sur la terre de nos ancêtres. Mais du côté du pouvoir et de ses amis, la fête a été belle avec la présence des chefs d’Etat invités et le défilé de l’armée malienne dans toutes ses composantes.
Il est important de noter que l’événement qui a eu lieu, samedi le 22 septembre 2018, sur l’avenue du Mali à l’ACI 2000 est un vernis qui cache mal la réalité. Il ne célébrait aucunement la fête d’indépendance du Mali même si un défilé militaire était à l’honneur. Mais il rentrait dans le cadre des festivités d’une autre investiture que le président Ibrahim Boubacar Keïta a soigneusement préparée et organisée pour ses amis chefs d’Etat africains qui se trouvaient en Chine au moment où il prêtait serment, le 4 août, devant la Cour suprême. Ceux-ci ont participé, du 3 au 4 août, au sommet Afrique-Chine que l’empire du Milieu abritait cette année.
Comme le régime de la surfacturation, de la corruption, de la partition de notre pays sait le faire, il a encore joué sur la fibre sentimentale des Maliens en faisant coïncider la date de la nouvelle investiture d’IBK à celle de la fête d’indépendance du Mali. Il fallait passer par ce subterfuge pour ne pas mécontenter son peuple dont une partie continue de contester sa réélection.
On est loin de l’année 2013, où une cérémonie de ce genre a eu lieu au stade du 26 Mars, en présence du président François Hollande qui avait brillé par son absence à la cérémonie de prestation de serment du 4 septembre 2013. C’était le 19 septembre. A quelques jours de la date anniversaire de l’indépendance du Mali.
Cette double investiture a été vue d’un bon œil pour la simple raison qu’il était adulé à l’époque par le peuple malien qui croyait à ses capacités d’homme de la situation, capable de restaurer l’autorité de l’Etat et la dignité d’un peuple qui voyait mal la présence militaire étrangère sur son sol et l’occupation d’une partie de son territoire par les bandits armés qui ont fait de Kidal une zone rouge interdite à l’administration malienne.
Aussi, ce peuple était-il prêt à consentir d’énormes sacrifices pour accompagner le président Keïta dans sa volonté de changement afin de bâtir un nouveau Mali dans lequel tous les citoyens allaient être traités sur le même pied et de mener une lutte implacable contre la corruption et les autres fléaux qui rongeaient et continuent malheureusement de freiner tout progrès de notre société.
Sachant bien que le contexte ait évolué de 2013 à ce jour et qu’il ne lui est guère favorable en termes de popularité, le choix d’une autre date en dehors du 22 septembre allait certainement provoquer l’ire des citoyens maliens dont certains n’hésiteraient certainement pas à regagner l’opposition et grossir le rang des marcheurs. Que le régime ne se trompe pas ! Sa supercherie a été éventrée.
Une autre investiture organisée en dehors de celle de la Cour suprême du Mali est une violation de la Constitution de 1992.
Là où on s’en rend compte que c’est une autre cérémonie d’investiture au mépris de nos institutions, c’est le discours prononcé sur le lieu du défilé avec l’écharpe, le collier au cou et la croix à la poitrine. Or il se trouve que l’écharpe, la croix et le collier ne sont portés par le président que lorsqu’il prête serment devant l’institution habilitée à cet exercice. Et à la fin de la cérémonie, les symboles qu’il portait et qui lui permettent désormais de prendre des actes au nom de la République et de l’Etat du Mali ne doivent plus sortir pour un autre événement pour le même président. Ils doivent retourner à la Grande chancellerie qui doit prendre soin d’eux jusqu’à l’investiture d’un nouveau président.
En portant de nouveau ces symboles pour une autre cérémonie d’investiture, IBK a bafouillé les textes du Mali. Et pour cela, un processus de destitution doit être enclenché contre le président IBK pour violation de la Constitution.
Jamais de mémoire de Malien, on a vu un président porté l’écharpe et prononcé une allocution sur le lieu d’un défilé. De Modibo Kéita à Amadou Toumani Touré (ATT), en passant par Moussa Traoré, Alpha Oumar Konaré, ils se sont tous contentés de l’adresse à la nation qu’ils prononcent la veille de la date (22 septembre) anniversaire de l’indépendance. Et le lendemain, place au défilé. Il s’ouvre par celui des Pionniers.
En plus, des cartons d’invitation envoyés aux amis et les informations données par les médias étrangers, on ne parlait que d’investiture du président IBK et que celle-ci va lui permettre d’entrer en fonction. Comme si celle organisée par la Cour suprême du Mali n’avait aucun sens.
Ainsi, à la recherche d’une légitimité auprès de ses pairs, IBK foule au pied les institutions de la République pour plaire à des chefs d’Etat africains et d’autres invités. Cette nouvelle investiture d’IBK ne va rien régler dans la crise postélectorale.
Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) a intérêt à prendre langue avec l’opposition pour épargner à notre pays des lendemains incertains. C’est aux Maliens de faire face à leurs vrais problèmes. Un défilé d’investiture ne saurait masquer les réalités maliennes.
Y ont pris part à cette nouvelle investiture d’IBK doublée de la fête d’indépendance du Mali les présidents Alpha Condé de la Guinée, Denis Sassou N’Guesso du Congo, d’Alassane Dramane Ouattara de la Côte d’Ivoire, de Mohamed Abdoul Aziz de la Mauritanie, de Mamadou Issoufi du Niger, de Nana Akufo Ado du Ghana, de Rock Marc Christian Kaboré du Burkina Faso, de Julius Maoda Bio de la Sierra Leone.
Ils seront désormais les nouveaux porte-paroles du président Ibrahim Boubacar Kéita auprès de l’opposition malienne qui continue de contester son élection pour trouver un accord à la crise née de ladite élection.
Yoro SOW