Près d’une centaine de compatriotes de tous bords politiques, ainsi que de la société civile, ont convergé, en fin de semaine, à Ouagadougou, dans le cadre d’une rencontre autour du président du Faso, médiateur de la CEDEAO dans le cadre du règlement de la crise que traverse notre pays depuis le coup de force du 22 Mars 2012. La retrouvaille annoncée comme une opportunité de consolider les acquis et concessions obtenus de la junte militaire aura plutôt donné lieu à un étalage sans précédent des malaises profonds qui gangrènent le monde intellectuel malien : la course effrénée pour le pouvoir.
Pour la circonstance, le gotha politico-intellectuel du Mali a afflué massivement sur la capitale burkinabè pour un dialogue inter-malien essentiellement consacré à la mise en œuvre effective de l’accord-cadre passé entre la CEDEAO et la junte militaire du 22 Mars 2012. Elaborer une approche de sortie de crise au Nord-Mali, établir une feuille de route consensuelle pour assurer le fonctionnement des institutions constituent, entre autres, les tâches auxquelles le président Blaise Compaoré a convié les participants à la rencontre dont les travaux ont débuté samedi matin à la Salle de Conférence de Ouaga 2000. Ce raisonnement du Médiateur de la CEDEAO n’a visiblement pas tenu compte de la raideur de protagonistes plus préoccupés par les calculs politiciens que par une volonté réelle de sortir la patrie commune de l’impasse. Ainsi, certains participants, dont on s’attendait le moins à ce registre, ont tenté d’entrée de jeu de transformer la tribune de réquisitoire contre l’ancien régime. «Le coup d’Etat est une eau bénie» figurent par exemple au nombre des termes attribués par nos sources à Amadou Soulalé, naguère encore fier d’être proche collaborateur d’ATT. Et Younoussi Hamèye Dicko d’enfoncer le clou, selon la même source, en faisant notamment allusion à des urnes bourrées que les putschistes auraient retrouvées dans le Palais de Koulouba. Des extrapolations plutôt propres à creuser les barrières d’incompatibilité entre putschistes et partisans de la normalité républicaine et pour lesquelles les notabilités religieuses de la délégation malienne ont dû puiser dans le tréfonds de leur sagesse pour éviter les dérapages et autres risques d’épreuves pugilistiques entre Maliens à Ouaga. Une telle posture ne s’explique, selon toute évidence, que par une incorrigible obsession du pouvoir qui fait que l’accessoire l’emporte forcément sur l’essentiel.
En lieu et place donc de l’intégrité territoriale et du sort des compatriotes du Nord, le contrôle des rênes du pouvoir a préoccupé et dominé les débats plus que n’importe quel autre sujet à Ouagadougou. Tandis que les uns s’échinent à justifier le coup d’Etat pour réussir un retour de la junte après les quarante jours d’intérim prévus dans la constitution, les autres soutiennent qu’un retour à l’ordre constitutionnel ne s’accommode point de pareil schéma. C’est la question sur laquelle la médiation a achoppé durant les deux journées de houleux échanges entre protagonistes de la crise malienne. Et, faute de consensus entre les parties prenantes, c’est un scénario plutôt favorable à la junte militaire qui se dessine ; ce qui n’est pas pour déplaire à une frange de la classe politique qui a toujours voulu profiter de la situation pour niveler les rapports de forces politiques. Mais il n’est pas non plus exclu que la CEDEAO et son Médiateur en arrivent à imposer un schéma de raison, lequel risque aussi de provoquer la colère des partisans du putsch et annihiler la totalité de ce qui est considéré comme un acquis dans le processus de sortie de cris.
Tout porte à croire, selon toute vraisemblance, que le bout du tunnel ne proviendra pas de cette première rencontre de Ouagadougou visiblement partie sur les bases peu solides que constitue cet accord-cadre très confus dans son énonciation. Le pays qui avait naguère tant de vertu consensuelle à enseigner le reste de la sous-région n’a manifestement que le vice pouvoiriste à exporter.
A.Keïta