Dans une adresse à la nation le vendredi 11 janvier 2013, le président de la République par intérim, chef de l’Etat, a décidé, face à l’avancée de la coalition internationale d’un pseudo-jihadisme, de décréter l’Etat d’urgence sur toute l’étendue du territoire national et a appelé les Maliens à renoncer aux querelles mesquines et à ranger définitivement les agendas particuliers qui nous fragilisent inutilement pour faire face, dans un élan patriotique, à la guerre que les ennemis de notre patrie nous imposent. Nous livrons ici le discours en intégralité.
Mes chers compatriotes,
Populations des villes et des campagnes,
Il y a exactement un an que notre pays a été agressé par des irrédentistes du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), associés à une kyrielle d’organisations terroristes et mafieuses gravitant autour d’Aqmi. Au bout de quelques mois, ces agresseurs ont réussi à renforcer leur mainmise sur les trois régions du Nord de notre pays qu’ils ont fini par occuper.
Si jusque-là certains d’entre nous pouvaient s’imaginer que cette guerre d’occupation livrée à notre pays n’était qu’un épiphénomène qui cesserait de lui-même, comme par enchantement, aujourd’hui, ils doivent se rendre cruellement à l’évidence : la guerre est déclarée à la Mère-Patrie et ceux qui la portent n’ont d’autre dessein que de détruire notre Nation, notre République, notre société et les acquis qu’il s’est forgés à la sueur du labeur de ses filles et de ses fils.
Mes chers compatriotes,
Maliennes, Maliens des villes et campagnes,
Depuis de longs mois, avec l’accompagnement de la Cédéao, de l’Union africaine, de l’Union européenne, de l’Organisation des Nations unies, des partenaires bilatéraux et multilatéraux, bref…, de l’ensemble de la Communauté internationale, nous avons exploré laborieusement les voies et moyens susceptibles de parvenir à des compromis dynamiques avec les groupes armés, mais en insistant sur le fait que ces compromis ne pourraient en aucun cas remettre en cause ni l’intégrité territoriale, ni la forme républicaine ni la laïcité de l’Etat malien.
Peine perdue ! Ceux qui occupent les régions de Gao, Tombouctou et Kidal, et qui infligent les pires souffrances aux populations de ces localités, sont restés sourds à nos offres de dialogue; ils veulent étendre leur projet criminel à l’ensemble de notre pays. Et c’est ce qu’ils viennent de prouver en s’attaquant aux positions défendues par nos Forces de Défense et de Sécurité dans le secteur de Konna, dans la région de Mopti.
Mes chers compatriotes,
En tant que président de la République par intérim, chef de l’Etat et chef suprême des Armées, et face aux derniers développements sur le théâtre des opérations, je n’ai d’autre choix que de sonner la mobilisation générale autour de la Grande armée malienne pour faire obstacle, au prix du sacrifice ultime s’il le faut, à ce projet criminel.
Nous avons la charge et la responsabilité de défendre, par tous les moyens, chaque centimètre carré de notre territoire national, j’engage chaque Malienne, chaque Malien, à renoncer aux querelles mesquines et à ranger définitivement les agendas particuliers qui nous fragilisent inutilement pour faire face, dans un élan patriotique, à la guerre que les ennemis de notre patrie nous imposent.
Le Gouvernement du Mali a pris la décision de proclamer l’Etat d’urgence sur toute l’étendue du territoire national.
Chaque Malienne et chaque Malien doit désormais se considérer comme un soldat de la patrie et se comporter comme tel.
Nous demandons dans cette situation difficile aux compagnies minières, téléphoniques et autres ainsi qu’à toute personne morale ou physique ayant quelque moyen d’apporter leur contribution à cette lutte contre le terrorisme.
Tous les services publics devront mettre à la disposition de l’armée sans délai tous les véhicules pickup utilisables sur le terrain.
Nos forces de sécurité doivent assurer la sécurité des personnes et de leurs biens singulièrement nos hôtes étrangers et faire en sorte que soient évités les amalgames malvenus et de nature à ternir l’image de notre pays.
Je l’ai dit et répété, la guerre n’est pas notre choix. Notre choix, c’est la paix, encore la paix et toujours la paix. Mais on nous impose la guerre. Nous porterons une riposte cinglante et massive à nos ennemis.
Nous sommes une très vieille Nation qui a été forgée tout au long de l’Histoire par une tradition héroïque de luttes et de guerres successives. Les péripéties inhérentes au déroulement des opérations sur le terrain n’ont jamais entamé ni la combativité ni la détermination de nos Ancêtres, convaincus qu’ils étaient de la justesse et de la noblesse de leur cause.
Nos Aînés qui ont exercé dans les rangs de la coloniale et qui, par la suite, ont porté les luttes d’indépendance, ont perpétué cette belle tradition de bravoure, de courage et de sacrifice. La grande Armée nationale, héritière de cette lignée de preux combattants, n’a jamais rechigné à aller au bout de sa mission patriotique de défense de l’intégrité territoriale du pays.
Mes chers compatriotes,
La situation sur le front est globalement sous contrôle. Courageusement, nos forces armées, les fils de ce pays font face à la situation. Au prix de leur sang, au prix de leur vie ils défendent la Patrie menacée, écrivant ainsi de belles pages d’héroïsme comme notre histoire en a connues.
En ces heures graves, en accord avec la Cédéao, j’ai sollicité et obtenu l’appui aérien de la France dans le cadre de la légalité internationale.
Le Mali et son peuple ne sont pas seuls dans cette lutte contre le terrorisme et tous ceux qui veulent nous imposer une dictature moyenâgeuse et obscurantiste, contre ceux qui coupent les pieds et les mains, qui violent nos femmes et détruisent notre patrimoine culturel.
Vous serez tenu au courant de son évolution régulièrement par les services de communication de la Défense Nationale.
Surtout méfiez-vous des informations non fondées qui sont données par téléphone portable et des SMS qui peuvent être envoyés même par nos ennemis pour vous démoraliser ou vous paniquer.
Dimanche prochain, dans une semaine, à l’occasion du 51e anniversaire de la création de l’Armée malienne, la hiérarchie militaire aura l’occasion de revenir amplement sur le parcours exceptionnel de ces hommes et femmes qui font notre fierté et qui continuent de susciter des vocations.
Mes chers compatriotes,
M’adressant aux populations vivant sous occupation, celles se trouvant sur le théâtre des opérations en cours et aux milliers d’hommes et femmes déplacés et en exil, je voudrais leur renouveler notre engagement et notre détermination sans faille à abréger leur martyre.
La Nation tout entière est solidaire de leur calvaire. Leurs souffrances sont les nôtres.
Aucune Malienne, aucun Malien ne peut se sentir heureux en pensant à une sœur, un frère, un ami, un voisin, une simple connaissance qui subiraient les affres de l’occupation, les brimades, l’humiliation et la destruction programmée de notre culture.
Mes chers compatriotes,
Peuples du Mali,
Notre histoire, en tant que Communauté de destin, s’accélère. Nous avons le choix soit de subir cette accélération soit de la maîtriser. Le Mali Eternel est un legs que chaque génération a le devoir de transmettre aux générations suivantes en lui ayant imprimé sa part d’enrichissement. Nous ne pouvons et ne saurions nous dérober à ce devoir.
Qu’Allah bénisse et protège le Mali
ETAT D’URGENCE
Les Maliens approuvent
L’Etat d’urgence décrété par le président par intérim Dioncounda Traoré, vendredi après-midi, qui doit durer dix jours, est favorablement accueilli dans le pays, notamment à Bamako.
La décision du gouvernement fait suite à trois jours d’affrontements sanglants entre les forces armées maliennes et les djihadistes qui aspirent à étendre leur domination au sud du pays. A Bamako, nombreux sont ceux qui pensent que l’Etat d’urgence aurait dû être décrété depuis le début de l’année.
“C’est une décision sage. Il serait regrettable que des irresponsables et des mégalomanes continuent à manifester à Bamako alors que de nombreux pays amis volent au secours de nos soldats courageusement engagés au front”, pense Kader Toé, chroniqueur politique.
Les regroupements politiques n’ont pas encore réagi officiellement à cette mesure. N’empêche que des réactions faites sous anonymat du côté du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FDR), qui s’opposait à l’ex-junte, sont favorables à cette décision du gouvernement.
Du côté de la Coordination des organisations patriotiques du Mali (Copam), qui avait soutenu l’ex-junte, elles se concertent pour “mieux analyser” cette nouvelle donne. Dans la rue et dans les grins (lieu de regroupement des camarades d’âge), cette mesure est unanimement saluée.
“Cela est plus que nécessaire pour rappeler chacun ses responsabilités à l’égard du pays. Il faut que tous les Maliens comprennent que leur patrie est menacée de disparition que c’est plus que jamais le moment de taire les ambitions individuelles et de classer les agendas particuliers pour faire front commun autour des autorités de la transition”, conseille un enseignant retraité joint depuis Mopti (600 km au nord de Bamako), la zone tampon entre le Sud et le Nord du Mali.
L’Etat d’urgence décrété par le président Traoré après adoption au conseil des ministres dure dix jours, mais peut être prolongé par le Parlement.
Désormais, tous les moyens nécessaires peuvent être réquisitionnés par l’Etat. Dans son adresse à la nation ce soir, le président Dioncounda Traoré a demandé aux services de l’administration de mettre tous les véhicules pick-up au service du ministère de la Défense et des Anciens combattants.