Trois ans après sa prise de pouvoir, IBK ne fait plus rêver. Ses promesses de faire le bonheur et de rétablir l’honneur du malien ne passent plus. L’opinion s’interroge sur la capacité de l’homme à relever le défi.
Zoom sur les 3 ans du président IBK.
Août 2013, le Mali doit tourner la page d’une période transitoire compliquée. L’élection présidentielle organisée à cet effet est remportée par Ibrahim Boubacar KEITA, candidat du RPM. Avec 77 % des suffrages rassemblés autour de son nom, IBK est l’homme de la situation pour la grande majorité des maliens. Pourtant, trois ans après, l’espoir s’est estompé. IBK ne fait plus rêver. L’enthousiasme a laissé la place à la déception. Autosatisfaction, népotisme, corruption, détournement de denier public, le régime IBK traine désormais une lourde casserole. Les Maliens s’interrogent : « est –il capable » ?
Le Mali revient de loin. Les événements de 2012, couronnés par l’attaque Djihadistes de la ville de Konna et l’intervention fort appréciable de la France, ont profondément marqué l’histoire récente du pays. Il y’a cela de marquant que ces événements ont donné un autre chemin au pays. La victoire du RPM à la présidentielle de 2013 passe par là ; car, bien avant, rien ne présageait Ibrahim Boubacar au palais de Koulouba. Les candidats déclarés à l’élection avant crise, Soumaila Cissé, Modibo Sidibé, Soumana Sacko lui damaient de loin les pions
Les slogans de campagne « Le Mali d’abord », « Pour le Bonheur des maliens et l’honneur du Mali » ont fait des émules. IBK Le « kankeletiki » s’adjuge la sympathie des religieux, des porteurs d’uniforme et la quasi-totalité du commun des maliens, ceux que l’on appelle aussi le bas peuple. IBK bat Soumaila Cissé de l’URD au scrutin présidentiel d’août 2013. Son premier mandat, il le place sous le signe du RENOUVEAU.
Pour faire ce renouveau du Mali, le 4 septembre 2013, IBK fera un discours très révélateur de ses ambitions de président d’un Etat en lambeau. Il dit : « Ah, Maliennes et Maliens ! J’ai compris votre message. Il m’est allé jusqu’au fond de l’âme…Je prends l’engagement de le traduire désormais au quotidien, pour l’Honneur du Mali….. Je bâtirai avec le concours de tous, un Etat fort, impartial, qui sera totalement dédié au service du Bien-être moral et matériel de la Nation Malienne. Pour le bonheur des Maliens !
Alors, pour l’honneur du Mali, les maliens attendent surtout du président élu la maitrise du nord, surtout Kidal et le retour d’une paix digne de ce nom dans le pays. En effet, Ibrahim Boubacar Keïta a promis de rétablir la sécurité et l’autorité de l’État, d’accélérer le développement, en particulier dans le Nord, et de restaurer la bonne gouvernance.
De septembre 2013 à aujourd’hui, trois ont passé. Sur ce dossier, les maliens continuent à se nourrir d’espoir. Rien ou presque n’a abouti. On reste encore à l’état de chantier.
Le Nord du Mali ! Quatre bonnes années après son occupation par les groupes rebelles et Djihadistes, le nord du Mali est resté une vaste zone de non-droit, où dominent trafics et banditismes en tout genre. Les attaques quasi quotidiennes entrainent des assassinats ciblés de leaders communautaires, spirituels, d’hommes de media….. Le chef de l’opposition malienne appellera cette zone « le Far west malien ».
L’armée, cette grande muette, censée être rééquipée et formée à coût de centaines de milliards de nos francs pour faire face aux chocs du moment, va de défaite en défaite. La violence jadis connue au nord du pays, s’est transportée au centre. Maintenant elle se fait une place au sud, voire même à Bamako dans la capitale. Les attaques de la TERRASSE et de l’hôtel Radisson BLU ont passé par là.
Excédée par les mauvaises nouvelles sur le plan sécuritaire, IBK renvoie son ministre de la défense Tieman Hubert Couylibaly. Il est remplacé par un proche parmi les proches, Abdoulaye Idrissa MAIGA, précédemment ministre en charge de l’administration du territoire. Quelques jours avant, IBK rappela Soumeylou Boubeye MAIGA (SBM) pour s’occuper du secrétariat général de la présidence. Ce retour de SBM, un homme connu pour ces hauteurs de vue dans les questions de défense, semble avoir quelque chose à voir avec l’éjection soudaine du pauvre Tieman Hubert.
Nonobstant ce tableau sombre, IBK et les siens peuvent se taper la poitrine d’avoir fait un progrès. L’accord de paix qui a longtemps souffert de tiraillement entre Bamako et les groupes rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad, est finalement signé. L’Algérie et la communauté internationale en sont des garantes.
La signature de cet accord de paix ouvre la porte à la phase d’application. L’enclenchement plutôt problématique du processus de désarmement, démobilisation et réintégration en est une. Résultat, un bataillon mixte, d’anciens rebelles, de progouvernementaux et de soldats maliens, est opérationnel à Gao, déclare le Tchadien Mahamat Saleh Annadif, chef de la Minusma.
Cependant, l’autre grande disposition de l’accord de paix, à savoir la mise en place des autorités intérimaires, bat de l’ailes. Plus qu’une simple divergence, cette disposition a créé de réelles tensions au nord du pays. Elle est à l’origine de la mort de 3 jeunes à Gao, tués le 12 juillet 2016 lors d’une manifestation contre l’installation des autorités intérimaires.
Il en va de même pour la fragilité de la paix à Kidal où des combats meurtriers et fratricides entre CMA et Gatia ont fait des dizaines de morts en juillet.
« En tant que Président de la République, je veillerai à la bonne gestion des deniers publics. Je mettrai en place les mécanismes appropriés pour assurer la transparence et l’efficacité de la dépense publique. Nul ne pourra s’enrichir de manière illicite sur le dos du Peuple Malien.……..J’œuvrerai pour que les Maliens retrouvent foi en l’avenir, qu’ils aient confiance dans leur futur et le futur du Mali et de l’Afrique » dit IBK dans son discours d’investiture.
Trois ans après, l’opinion pense que de tout cela, IBK n’a rien fait de bon.
« IBK, c’est ma famille d’abord. Rien que des proches au sommet de l’Etat. Ses proches s’enrichissent et lui il ne dit rien. Le malien moyen et le bas peuple souffrent. IBK s’en fout. Il dort tranquille tandis que son fils Karim est déjà milliardaire ». C’est l’avis de Mohamed Kourouma, jeune débrouillard à Bamako.
Moussa Traoré ajoute : « le denier public est très mal géré. La corruption a pris de l’ascenseur. L’avenir est très sombre pour nous et pour lui-même car il ne fera pas plus que ce seul mandat ».
Astan Camara, employée de banque se plaint des coupures intempestives d’électricité et d’eau. La cherté toujours grande de la vie dans tous les secteurs.
Parlant de l’emploi des jeunes, la situation est on ne peut plus lamentable. Les jeunes estiment avoir été trompés par IBK. Il leur avait promis des emplois, jusqu’à 200 000 disent les membres du collectif des jeunes MALI BI TON.
Séga Diarrah, président de ce collectif : « la jeunesse doit réclamer au Président Ibrahim Boubacar Keïta les 200.000 emplois qu’il avait promis lors des dernières élections présidentielles de 2013. L’avancement des chiffres par les thuriféraires du régime IBK et de certains services publics, ne sont juste qu’à endormir les Maliens ».
IBK a dit « Je veux rassembler les Maliennes et les Maliens, pour que triomphent la Justice et l’Equité sans lesquelles il n’est pas d’avenir viable pour une Nation ».
Bien dit par le premier Homme du pays. Cependant, n’est –il pas en train de pousser les maliens et maliennes à la désunion lorsque IBK fait pieds et mains pour faire adopter un nouveau code électoral qui, dans les faits, est exclusif et discriminatoire ? A l’opinion de s’en faire idée après une large explication de ce code, espérons, par les politiques et les medias.
Finissons par l’économie, un secteur où les bonnes nouvelles semblent ne point manquer.
Selon le Fonds Monétaire International, le Mali, malgré les difficultés, devrait connaitre une croissance de +5,3% en 2016. Cette croissance dépendra effectivement selon le FMI de la production agricole, de l’activité de la construction en hausse, d’une bonne performance dans le secteur des transports, la communication et le commerce.
Aussi, une hausse des investissements publics à hauteur de 35 % et de 10 % des crédits bancaires, plus la réduction du déficit public à 1,8 % du PIB grâce à l’augmentation des recettes fiscales, le Mali sortira renforcer d’une année 2016. Le pays peut même s’offrir le privilège d’atteindre tous les objectifs du programme sur lesquels il s’était engagé vis-à-vis des bailleurs de fonds, conclut une expertise du FMI.
Ces perspectives heureuses, si on n’y prend garde, risquent de sérieux coups à cause de l’opération Bulldozer de Ami Kane, crie Mamourou Marico, menuisier. Cette opération a, certes le mérite d’avoir nettoyé Bamako mais aussi la faute de porter un sérieux coup au secteur informel. La bonne marche de ce secteur est déterminante dans le maintien de l’économie nationale, par ricochet, la stabilité du pays, ajoute Drissa Diarra, étudiant en économie.
A 2 ans de la fin de son premier quinquennat, IBK a fait une partie du chemin. Sur une échelle de 100 km, IBK a parcouru 30, estime Mohamed Diaby, enseignant de son état. « Le bout du chemin reste encore long mais IBK y arrivera, inchallah », conclut Mariam Ly.
Seybou KEITA