1. Analyse des événements de Gao ?
Il faut déjà comprendre deux choses : la première, c’est que les jeunes de GAO qui, pendant les heures sombres de l’occupation djihadiste, ont défendu la République souvent à mains nues au risque de leurs vies, aujourd’hui réclament à juste titre d’être cantonnés au même titre que les groupes armés après avoir déposé leurs armes à la faveur de l’intervention française. La première grosse erreur par le gouvernement dans le processus de cantonnement fut alors de faire de la détention d’une arme à feu la condition pour être cantonné. Par cet acte, l’Etat se rend coupable d’ingratitude vis-a-vis de la jeunesse de Gao.
La deuxième erreur fut de faire passer au forceps la loi sur les autorités intérimaires et la signature d’une convention dite subsidiaire, malgré une forte pression de la société civile, et une plainte de l’opposition devant la cour constitutionnelle. Personnellement, j’ai eu à dénoncer l’adoption de cette loi qui n’était pas sans conséquences. C’est une loi illégale (parce qu’elle viole la constitution), injuste (parce qu’elle favorise une minorité de maliens aux dépends de la grande majorité), illégitime (parce qu’elle substitue des élus par des nommés) et voire séparatiste (parce qu’elle contribue à donner les moyens légaux à personnes qui ne jurent que par l’indépendance d’une partie du territoire dont elles auront désormais la destinée entre les mains) qui à coût sûr ne pouvait aboutir qu’a de telle situations.
Mais malheureusement, lorsqu’on n’est pas de la majorité présidentielle dans ce pays, on n’est pas écouté et pire on est considéré comme ennemi public et tous les moyens sont bons pour t’abattre. Et pour être écouté par le président, il faut être un très proche.
Oui à la mise en place des Autorités intérimaires car prévue par le catastrophique accord dit pour la paix, mais non dans l’ensemble des localités du septentrion du pays et pas dans la forme actuelle, ni sa composition actuelle. Il faut cibler les localités où nous n’avons plus de Conseil communal, Conseil de Cercle ou Conseil régional pour y installer ces Autorités intérimaires.
Il est donc légitime de se demander pour quel intérêt, il faut déguerpir les membres des organes délibérants des collectivités territoriales qui fonctionnement comme c’est le cas à Gao, Goudam, Niafounké, Diré, Hombonri et dans bien d’autres localités du Nord…qui n’ont aucun problème de fonctionnement pour les remplacer par des gens que beaucoup de maliens considèrent à présent comme des terroristes parce que leurs mains tachées de sang de maliens et à moralité douteuse qu’on va nommer ?
Quel choix arbitraire pourrait remplacer le choix souverain du peuple sorti des urnes ? La légitimité des ces élus n’est pas en cause surtout qu’une loi ait été votée pour proroger le mandat de tous les conseils communaux, les conseils de Cercle et les conseils régionaux et cela jusqu’à l’installation de nouveaux organes délibérants à la suite de prochaines élections municipales.
Si le Gouvernement veut être cohérent, et ne pas attiser les tensions inutilement, qu’il conviendrait d’installer les autorités intérimaires dans les localités où le fonctionnement normal des collectivités est mis en mal. C’est-à-dire à Kidal, Aguelhoc, Anéfis et tant d’autres…. Ces localités citées en ont réellement besoin.
2. La mise en œuvre de l’accord dans l’impasse ?
Bien évidemment, la mise en œuvre de l’accord semble menacée tant que le gouvernement restera sourd aux attentes et aux aspirations des citoyens, du peuple malien, notamment les populations du nord de notre pays.
Chaque jour des morts civils et militaires, des forains attaqués et pillés, des élus assassinés impunément, de paisibles populations terrorisées, le tissu social foutu en l’air. Tout va de travers.
Il faut que le pouvoir politique se ressaisisse, on ne peut pas bâtir la paix, la sécurité et la stabilité dans son pays en écoutant seulement l’extérieur miroitant le ciel et en satisfaisant des criminels, haïs par toute la nation. Impossible! Il faut arrêter l’injustice et l’impunité.
Il faut traduire tous ces criminels terroristes à la justice ! ! Aucun Franc CFA et aucun poste étatique à ces criminels qui veulent toujours détruire l’État malien. Cela n’a rien de contraire aux mesures de confiance pour la mise en œuvre de l’accord pour la paix. C’est une question de justice et d’équité. Et seule une justice équitable peut redonner cette confiance tant attendue par tous les maliens. Et c’est seule la justice qui est garante de la paix et la sécurité.
Il faut rétablir la souveraineté du Mali sur tout son territoire, donner le moral nécessaire aux FAMas, mettre en selle l’armée malienne qui est et sera la seule armée qui garantira la protection et la sécurité des maliens et de leurs biens.
Il faut organiser rapidement une Conférence d’Entente Nationale/Conférence Nationale pour qu’ensemble nous définissions les priorités, les objectifs et le chronogramme. Il faut arrêter de voter les lois à compte goûte, il faut donc accélérer la révision constitutionnelle pour baliser le terrain aux futures lois devant être votées. C’est ce à quoi la MINUSMA doit aider le Mali, pas à autre chose !
3. SUR LE RÉAMÉNAGEMENT GOUVERNEMENTAL :
La chanson est désormais connue : tâtonnement, impertinence incohérence, incompétence, imprécision, indécence, insensé… et un seul et unique résultat : l’immobilisme et la malgouvernance.
C’est donc tout naturellement comme bon nombre de maliens que je suis animé par un sentiment de déception et de désillusion au vu de ce gouvernement pléthorique et à tout point de vue inefficace.
La plus grande surprise de ce remaniement provient sans doute du maintien de Modibo Keïta au poste de Premier ministre. A bout de souffle, incapable d’insuffler une nouvelle dynamique à l’action gouvernementale, le chef du gouvernement s’est illustré par son inaction depuis un an. L’échec du Forum de Kidal, les scandales liés à sa femme et à ses enfants dans les affaires de logements sociaux, les retards dans certaines réformes institutionnelles prévues dans l’accord, sont autant d’éléments suffisants qui ont démontré les limites du Premier ministre. La fatigue physique ressentie par Modibo Keïta lui impose sans doute de se retirer pour une retraite plus honorable.
Quant à la taille du nouveau gouvernement, elle est très élevée dans un pays qui revient de loin comme le Mali. On avait plutôt besoin d’un choix de Gouvernement tendant à réduire les dépenses publiques. Cette taille élevée occasionnera, certainement, des saignées en terme de dépenses budgétaires pour qui connait les coûts de fonctionnement d’un Département ministériel sans compter son lot de corruption dans les procédures d’exécution des dépenses publiques. On aurait mieux fait d’aller vers la réduction du coût de fonctionnement de nos Institutions et Départements ministériels par exemple par la réduction de la taille des différents gouvernements pour ainsi économiser sur les dépenses de fonctionnement en vue de booster celles d’investissement. La réduction de ministère est généralement synonyme aussi de l’efficacité dans l’action et de l’efficience.
A cela, il faut ajouter sans doute la qualité des ministres maintenus dans le gouvernement et même de nouveaux entrants qui trainent derrière eux de lourdes casseroles.
L’objectif politique de ce remaniement n’a pas été atteint car ceux censés représenter les groupes armés dans ce gouvernement ne font pas l’unanimité et donc font déjà objet de contestations tant sur les valeurs intrinsèques, morales, que sur leur légitimité.
Une nouvelle période de sacrifice commence alors pour le peuple malien, à nous de prendre notre mal en patience et préparer 2018.
Le vrai problème du Mali est devenu sûrement IBK lui-même.
Dr Étienne Fakaba SISSOKO
Directeur du Centre de Recherche d’analyses politiques économiques et sociales du Mali – Crapes
Université de Bamako
Merci Dr pour la qualité et la justesse de votre analyse.Merci Dr pour votre courage et votre honnêteté intellectuelle à faire cette publication.Merci pour le Mali.
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