Immense deuil ! Nostalgie insurmountable ! Telles sont, entre autres, deux douloureuses exclamations qui traduisent la douleur indomptable des Maliens à l’annonce du rappel à Dieu de leur adulé ancien président de la République, Amadou Toumani Touré dit ATT. Les trois initiales de l’homme demeureront pour beaucoup, c’est certain, comme un label inoxydable, une sorte d’hymne universel qui chante l’Amour, le Travail et la Ténacité. Amadou Toumani Touré, l’enfant de Mopti, la Venise malienne, qui a fait ses petites classes à Sévaré, a été porté, tout au long de sa vie, par une bénédiction agissante qui l’a mené aux cimes. Certes, il a connu des déboires, sommes toutes inhérents à tous les hommes, comme ce coup d’État débile parce que sans vision, qui a écourté en mars 2012 son deuxième et dernier mandat de quelques deux mois, l’empêchant de transmettre élégamment le témoin à son successeur élu, comme il l’avait fait en 1992, après avoir conduit à bon port la Transition qu’il a présidée avec sagesse et hauteur.
ATT a tiré sa révérence le mardi, 10 novembre 2020. L’inévitable fossoyeuse est venue s’emparer de lui ce jour, à Istanbul, comme si Dieu, dans Ses screts insondables, a voulu que le héros du 26 mars 1991 vint rendre le dernier souffle en cette ville millénaire de croyants, Istanbul, et en cette terre de ce pays de braves, la fière Turquie, ayant dominé durant des siècles le monde, musulman en particulier. Le preux chevalier Amadou Toumani Touré a ainsi pris le départ pour son dernier voyage sur les rives du Bosphore, qui s’achèvera une semaine plus tard sur les bords du Djoliba, à Bamako, capitale de son pays.
Quand l’avion transportant la dépouille du Président ATT se pose sur le tarmac de l’aéroport du Président Modibo Keïta dans la nuit du samedi, 14 novembre 2020, c’est une foule compacte émue jusqu’aux larmes qui l’attendait : autorités, familles, amis et aussi concitoyens qui forcé leur présence à cet instant. Le discours particulièrement émotif délivré trois jours plus tôt par Bah N’Daw, Président de la Transition, pour annoncer la fatidique nouvelle, était encore dans tous les coeurs et dans tous les esprits.
Depuis, s’ensuivirent trois autres jours marqués par des flots de sympathie, de gratitude, de témoignages frappés au coin de l’humanisme, mais surtout de larmes, voire de sanglots incompressibles. Les enfants, avec leur sincérité innoncente, ont pleuré leur papa, mais c’est surtout leur ami qu’ils ont souhaité faire revenir à la vie. Les veuves, quant à elles, ont beaucoup soupiré, gémi et pleuré abondamment. Les vieilles personnes ne sont pas demeurées. Singulièrement les vieilles dames ne se consolaient pas de perdre qui le bienfaiteur, qui le contemporain, qui l’humaniste particulièrement attentif aux malheurs d’autrui. L’image de cette vieille femme, même ne tenant une béquille incapable de se tenir droit, marchant pénible pour venir saluer la mémoire d’ATT, a arraché les larmed à plus d’un. Cet handicapé physique, criant et pleurant dans son chariot, exprimera la douleur de tous les déshérités de la nation. ATT portera donc pour l’éternité son titre de gloire de Président du Parti de la Demande Sociale.
Les autorités, inspirées par les citoyens qui n’avaient pas cessé de s’exprimer, organiseront pour ATT une marche funèbre. Celle-ci s’ébranle, le lundi 16 novembre, à partir de l’Institut Marchoux dans le quartier de Djicoroni à Bamako, haut lieu de la solidarité et de la générosité humaines, pour passer devant le Camp des commandos parachutistes que Amadou Toumani Touré a commandé des années durant, puis sur l’échangeur multiple qu’il a construit, pour déboucher sur le monument de l’indépendance dressé à une rue près de là où l’homme ATT avait ses habitudes à Bamako-coura, son mythique “grin”.
Ce qui ne trompe point, c’est la marée humaine qui a suivi ce cortège funèbre dont on ne connaît pas le pareil pour un citoyen malien. Foules compactes cheminant dans une atmosphère fort religieuse et ne pouvaient pour rien faire l’économie de ses expressions de douleurs.
ATT est venu populaire au pouvoir, il est reparti dans sa dernière demeure le mardi, 17 novembre 2020, adulé comme un général romain revenant d’une campagne victorieuse.
Que son âme repose éternellement en paix pour les services rendus à la patrie malienne !
C H Sylla