En plus du Français François Hollande et de Sa Majesté le roi Mohamed VI du Maroc, ils étaient plusieurs chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest et du Centre et de nombreuses délégations venues de partout du monde à prendre part, jeudi dernier, à la cérémonie solennelle d’investiture d’Ibrahim Boubacar Keita. Celle-ci marquait ainsi le début du mandat du nouveau président de la République du Mali, après que ce dernier ait prêté serment devant la Cour suprême le 4 septembre dernier, au Cicb.
Ce 19 septembre 2013, à Yirimadio (Bamako), la cérémonie d’investiture bis du nouveau président de la République du Mali se voulait populaire. Elle l’aura été, même si le stade du 26 mars n’a pas fait le plein, tel que nous l’avons vu lors du lancement de la campagne électorale du candidat d’Ibrahim Boubacar Keita en juillet dernier. En effet, hormis les rares cas de malaise auxquels les agents de la protection civile ont du faire face, un public enthousiaste avait tenu bon, des heures durant, en dépit d’une folle canicule qui n’arrangeait vraiment pas les choses. Entre danse, cris de joie et slogans admiratifs, des dizaines de milliers de Maliens ont réservé à leurs hôtes du jour un accueil digne de leur rang. Dans cette atmosphère festive qui s’était installée dès 8 heures, le Gabonais Ali Bongo Ondimba sera le premier chef d’Etat à prendre place dans la loge des officiels d’où plusieurs autres personnalités nationales et internationales contemplaient déjà ce stade de 50 mille places qui avait fait sa mue. Il était à peine onze heures. Quelques minutes plus tard, Bongo sera rejoint par Thomas Yayi Boni du Bénin et Macky Sall du Sénégal. Ce sera ainsi le début d’un ballet qui va se poursuivre avec l’arrivée de Théodoro Obiang Nguema Mbasogo de la Guinée Equatoriale, Faure Gnassingbé du Togo, Dénis Sassou Nguesso du Congo Brazzaville. Ceux-ci seront suivis par le Burkinabé Blaise Compaoré et John Dramani Mahama du Ghana. Il était midi moins 20 minutes lorsque le Roi Mohamed VI, invité d’honneur de la cérémonie, est accueilli au stade du 26 mars. Il sera suivi, environ 7 minutes plus tard, par Française Hollande, président de la République française et seul chef d’Etat occidental invité à cette investiture, puis les présidents Goodluck Ebélé Jonathan du Nigéria, Idriss Deby Itno du Tchad, Alpha Condé de la Guinée Conakry, Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire, Mahamadou Issoufou du Niger, Mohamed Moncef Marzouki de la Tunisie et Jorge Carlos Fonsega du Cap-Vert. Des délégations étaient aussi venues de Malte, du Japon, d’Allemagne, d’Iran, de la République tchèque, d’Espagne, du Qatar, de la Guinée Bissau, d’Algérie, de l’Omvs, des Commissions de la Cedeao et de l’UE. Ce beau monde accueillera, aux environs de midi, la première dame du Mali, puis son mari de président, quelques minutes plus tard.
A bord d’un véhicule militaire de type «Velera», Ibrahim Boubacar Keita fit d’abord la revue des troupes stationnées aux abords de la pelouse avant de rejoindre ses hôtes du jour. Après la projection d’un film retraçant le parcours d’IBK et le chant de l’hymne national du Mali par un groupe d’adolescents, commença une série de discours dont le bal sera ouvert par le président français, lui qui estimera que l’évènement du jour était l’aboutissement d’un combat commun qui a conduit à la libération totale du Mali.
Hollande réaffirme la solidarité française au Mali
Après avoir exprimé la fierté qui est celle de son pays d’avoir contribué à cette victoire contre le terrorisme, François Hollande a inscris l’action de la France dans le cadre du respect de la légalité internationale, François Hollande a salué les autorités de la Transition, Dioncounda Traoré en l’occurrence, sans l’engagement desquelles le Mali serait encore, dit-il, en proie au terrorisme. «La France, mon pays, a payé son tribut pour la libération du Mali», a reconnu le président français, avant de promettre que son pays restera aux côtés du Mali tant que ce dernier sera menacé. «Nous conserveront ici les effectifs nécessaires, mais surtout autour du Mali, pour aider les forces africaines à juguler toute menace», s’est-il engagé, rappelant qu’il revient d’abord aux Africains d’assurer leur propre sécurité. En choisissant un nouveau président, le Mali a, dit-il, ouvert la voie à la reconstruction et à la transition. François Hollande a ainsi engagé la France à accompagner le processus de développement de notre pays. Cet accompagnement, la France le fera, à l’en croire, avec son budget, ses collectivités territoriales, ses entreprises, des ONG, entre autres.
Le satisfécit d’ADO
Pour sa part, Alassane Dramane Ouattara, président de la République ivoirienne, a souhaité que la paix revienne de façon définitive sur le Mali. Tout en mettant l’accent sur les relations séculaires qui lie les peuples malien et ivoirien, «ADO» a estimé que la cérémonie du jour marque un nouvel envol pour le Mali. En sa qualité de président en exercice de la Cedeao, il a ainsi exprimé sa satisfaction, mais surtout sa reconnaissance à la France, aux Africains et à la communauté internationale pour la solidarité qu’ils ont manifestée envers le Mali pays depuis le début de la crise. Le chef d’Etat ivoirien a ensuite adressé une mention spéciale au président Hollande pour sa décision d’engager les troupes françaises au Mali. «Cette décision est une nouvelle preuve de son engagement pour la démocratie et la manifestation entre la France et nos Etats», a-t-il estimé, avant d’exprimer sa gratitude au Tchadien Idriss Deby et sa reconnaissance aux présidents Compaoré du Burkina et Jonathan du Nigeria pour leur implication en faveur du retour de la paix au Mali. «Ce qui a été fait pour le Mali a été fait pour chacun de nous en Afrique de l’ouest», s’est réjoui M. Ouattara. Il a enfin salué l’élection d’IBK qui, dit-il, est véritablement l’homme de la situation.
Les sages conseils de Deby
Pour Idriss Deby, la mobilisation générale de la communauté internationale aux côtés du Mali et l’unanimité faite autour d’IBK, dont il a salué la brillante élection, l’obligent à une exigence de transparence, d’unité et de concertation. Ainsi, pour réussir, le nouveau président du Mali devra, selon lui, associer l’ensemble des forces vives à la gestion du pays. Mieux, le président tchadien a invité le peuple malien au dépassement de soi et à aider le chef de l’Etat à accomplir sa mission car, a-t-il conseillé, «la violence ne peut que compromettre les grandes ambitions du président Ibrahim Boubacar Keita et de la communauté internationale». S’il a salué une victoire contre le terrorisme au Mali, Idriss Deby a toutefois appelé à la vigilance.
Les engagements de Sa Majesté Mohamed VI
Le Roi du Maroc, qui était très attendu lors de cette cérémonie, avait, quant à lui, d’abord rappelé que sa présence à cette cérémonie se veut l’expression de l’amitié du peuple du royaume du Maroc et le témoignage de son attachement à la relation singulière qui le lie à celui du Mali. Le Souverain a ensuite emboité le pas à ses paires, en rendant un vibrant hommage à tous les acteurs, notamment la Cedeao, le Tchad et la France, pour les efforts qu’ils ont déployés pour la résolution de la crise malienne. Si le Roi s’est facilité de la victoire collective sur les forces du mal et de l’organisation réussie de la présidentielle, il n’en demeure pas pour autant moins conscient de l’ampleur des défis qui attendent le Mali dans cette phase de réconciliation et de reconstruction nationales. Heureusement, notre pays peut compter sur l’assistance et la générosité royales car, à en croire Mohamed VI, le Maroc ne ménagera aucun effort pour l’accompagner dans les secteurs socio-économiques que le Mali estimera prioritaires. «Il apportera son appui aux programmes maliens de développement humain, notamment en matière de formation des cadres, d’infrastructures de base et de santé», a-t-il dit. Mieux, le Souverain chérifien a promis que son pays encouragera la communauté des affaires à s’impliquer davantage dans la promotion des échanges et des investissements entre nos deux pays, de manière à favoriser l’emploi, le transfert des compétences et des capitaux. Et Sa Majesté de prendre l’engagement que le Maroc, en vertu de sa riche tradition de coopération avec les Etats frères subsahariens, entend remplir activement sa part de responsabilité historique dans cette importante mission de reconstruction du Mali. Le rêve d’un Mali pacifié étant désormais une réalité, «le Maroc restera le partenaire fidèle et engagé de votre pays dans la nouvelle page de l’histoire malienne qui s’écrit», a conclu Sa Majesté Mohamed VI. Auparavant, il avait mis un accent particulier sur les valeurs culturelles et religieuses que partagent nos deux peuples.
Le Mali comme seul agenda d’IBK
Dans un discours laborieux, ponctué de quelques notes d’histoire, Ibrahim Boubacar Keita a, au nom du peuple du Mali ainsi qu’en son nom propre, rendu un hommage mérité à Sa Majesté Mohamed VI. Il a surtout magnifié la participation du Roi du Maroc à son début de mandat, «cinquante ans après que celui qui a incarné au plus haut point la dignité et l’honneur du Mali eut reçu votre très auguste et très vénéré feu Sa Majesté Hassan II». Cela, de l’avis d’IBK, est un signe incontestable d’estime et d’amitié. Après avoir longuement remercié tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué au dénouement de la crise malienne, le président malien a réaffirmé son engagement à travailler à l’avènement d’un Mali digne, fort de ses valeurs et de ses ressources. Pour y parvenir, il entend mettre en place des institutions fortes, restaurer une justice saine, rétablir l’autorité de l’Etat. Mieux, IBK n’a pas caché sa détermination à lutter contre la corruption et doter notre pays d’une armée forte, entre autres. Tout ceci devra se faire dans un Mali réconcilié, qu’il réaffirme sa volonté de mettre au dessus de tout. Cette cérémonie qui intervient 15 jours après qu’IBK ait prêté serment devant la Cour suprême a pris fin par le défilé des troupes de la Minusma, du Tchad, de la force Serval, de la Mission européenne de formation et des forces armées maliennes.
Bakary SOGODOGO