Investiture de Bah N’Daw et de Assimi Goïta : Serment à la dérobée et sur fond de mascarade

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Aucun détail protocolaire n’aura été négligé pour que l’installation du Colonel-major Bah N’Daw s’inscrive dans la solennité digne d’un pouvoir normal et régulier. Mais c’est en tordant le coup aux normes et principes républicains que son serment et celui d’Assimi Goïta, le vice-président de Transition, ont été reçu par la plus haute juridiction du pays.

Devant le parterre d’invités parmi lesquels les superviseurs les plus attentifs de la cérémonie, la Cedeao, les deux officiers supérieurs ont tour à tour «juré devant Dieu et le peuple malien de préserver en toute fidélité le régime républicain, de respecter et de faire respecter la Constitution, la Charte de la Transition et la Loi… », etc. Mais il n’était manifestement pas possible de vouer le même culte à deux religions qui continuent de se disputer la prééminence et pour lesquelles l’équation de la hiérarchie des normes demeure encore sans solution convaincante. Et pour cause, il n’existe plus probablement pas de convivialité possible entre le confort des putschistes et les textes fondamentaux mutilés le 18 Août avec un coup d’Etat que ses auteurs tentent d’imposer à la perception populaire comme le plus ordinaire des vacances institutionnelles. Une manœuvre à laquelle s’est associé le nouveau président de Transition fraîchement installé et dont la réputation de droiture jure avec l’effort de travestissement et de sublimation du coup d’Etat, un crime imprescriptible qu’il a décrit comme un acte patriotique pour la circonstance. «L’action du Cnsp du 18 Aout, tout le monde en convient, est la conséquence de la très grave crise socio-politique qui a paralysé la vie de la nation des mois durant», à déclamé le colonel-major Bah N’Daw, en reconnaissance sans doute du choix porté sur sa personne pour diriger la Transition. C’est au demeurant la seule allusion faite à un épisode gênant selon toute évidence, en l’occurrence la démission d’IBK et «ses conséquences de droit» que les arbitres de la cérémonie d’investiture ont tenté tant bien que mal d’éluder et de faire admettre comme un non-événement. En effet, pour le président de la Cour suprême comme pour le Procureur général de l’auguste institution judiciaire, le tournant ainsi amorcé au Mali n’a débuté qu’avec la désignation de l’ancien ministre de la Défense comme chef de l’Etat pour 18 mois. C’est du moins ce qu’il ressort des constatations déroulées par le Greffier en chef, en prélude à la réquisition du procureur général près la Cour suprême, qui ne prend en compte que le procès-verbal d’un simple huissier-commissaire de justice sur les circonstances dans lesquelles un certain Collège a entériné le choix de Bah N’Daw et d’Assimi Goïta comme duo bicéphale de l’exécutif transitoire. Quid des péripéties ayant précédé et entraîné cette étape ? Mot n’a été pipé là-dessus devant les illustres personnalités institutionnelles et étrangères demeurées sur leur faim pour certaines et écœurées pour d’autres, quant à la prouesse avec laquelle la cérémonie a pu mettre sous le boisseau le constat des vides institutionnels et surtout de la vacance des hautes fonctions et prérogatives gracieusement léguées au préféré du CNSP. Ainsi, au même liement où ce dernier s’engageait solennellement à «respecter et faire respecter la constitution», la violation de celle-ci est cautionnée sur la tribune même du serment au regard de l’escamotage de cette disposition constitutionnelle en vertu de laquelle la vacance du poste de président de la République est plutôt constatée par la Cour constitutionnelle. Or cette dernière n’a été que très habilement contournée dans le processus et n’a vraisemblablement jamais été saisie des actes portant brandis initialement au public pour justifier la nécessité de combler au fauteuil «volontairement» abandonné par le président IBK. Pas plus que l’audience solennelle d’installation du duo présidentiel ne s’est embarrassée de malaises en s’attardant un tant soit peu sur la dissolution du Gouvernement et de l’Assemblée nationale remplacée par un Conseil National de Transition dans la Charte de Transition. Il fallait pour ce faire user de malice juridique dont une suspension muette de la loi fondamentale de 1992 mise en veilleuse au profit d’une Charte de Transition qui n’était que virtuelle au moment de l’investiture. Au demeurant, d’aucuns s’interrogent même sur la validité d’un serment présidentiel reçu sur la base d’une Charte officieuse.
Quoi qu’il en soit, c’est au prix d’une telle dérobade que le vide régalien provoqué par la chute d’IBK a été comblé, avec l’installation notamment d’un président par intérim très enthousiaste et volontariste pour affronter le mur des défis et attentes contre lequel le régime défunt a fatalement buté. Sur les ruines duquel pouvoir le colonel-major promet de rebâtir le Mali en recouvrant sa grandeur égarée dans les insuccès militaires, la désacralisation de la chose publique, la perversion des fondements démocratiques et du jeu politique, etc. Rien ne sera pas plus comme avant, a promis le nouveau président, qui redonne de l’espoir aux concitoyens mais sans convaincre de sa sincérité réelle de son engagement à combler les attentes. Et pour cause, le président par intérim a accepté et cautionné que son installation soit entachée d’écarts et légèretés procéduriers très peu dignes de la magistrature sur laquelle devrait reposer le nouveau Mali dépeint dans le discours d’investiture. Or il est de notoriété publique qu’une complaisance similaire dans l’instrumentalisation avait conduit l’ancienne Cour constitutionnelle aux dérives ayant déclenché la crise socio-politique.

A KEÏTA

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