Infos ou intox : Le sabre dans la gorge

Près d’une semaine après sa nomination, l’astrophysicien doit se résoudre à quitter sa très chère planète Mars et redescendre sur terre sauver ses concitoyens. La presse, la radio et la télé ont fortement médiatisé la déclaration dans laquelle Cheikh Modibo Diarra, Premier, seul et unique ministre, chef du vide gouvernemental, affirme ne pas négocier avec les bandits armés « le couteau sous la gorge ». C’est bien, louable, courageux et politiquement correct. Cependant, le Premier, seul et unique ministre, chef du vide gouvernemental doit bien sortir la tête des étoiles pour voir que ce n’est pas un couteau, mais un sabre qu’il a en plein dans les tripes, enfoncé jusqu’au manche. Car une grande partie du territoire de son pays d’origine, le Mali, subit depuis le 1er avril dernier un viol collectif, multiple et public retransmis dans le monde entier en direct, en technicolor et en mondiovision par les médias de nos « amis et frères ». Les auteurs de ces atrocités sont connus pour être des islamistes terroristes (Aqmi, Ansar eddine, Mujao, etc.), des indépendantistes armés (Mnla, Fnla, etc.), des trafiquants et contrebandiers en tous genres. Tous ont trouvé dans cette portion sans contrôle un sanctuaire à occuper pour perpétuer leurs divers crimes.

Le 22 mars, des bidasses se sont révoltés sous prétexte que le président de l’époque n’était pas à la hauteur. Ils ont donc déposé l’«incompétent » et son gouvernement pour les remplacer par un machin indéterminé que personne ne parvient à cerner ni à identifier. A part un président pompeux, un porte-parole bégayant, un directeur de cabinet énigmatique et quelques éléments fantomatiques, on ne connait pas la composition du Cnrdre.
Une semaine après le coup d’Etat, la Cedeao a été renvoyée de Bamako avant de proférer un chapelet de menaces et de sanctions contre les putschistes. Lesquels, pour des raisons connues d’eux-seuls, ont accepté de signer un document bidon qui les met, formellement, sous la tutelle d’aînés putschistes et rebelles. Cet «accord-cadre » a été salué par tout le monde car tout le monde, à part Le Prétoire, a cru qu’il consacrait le retour à l’ordre constitutionnel. Même la classe politique, dans sa majorité, l’a salué croyant enfin reprendre le pouvoir après la décennie ATT, avant de se rendre compte qu’elle a été flouée dans les grandes largeurs. Dans la foulée, un président de la République par intérim est investi. Même si son rôle, en principe, n’est qu’honorifique, c’est bien, la Constitution est rétablie, reste à mettre en place un nouveau gouvernement.
En compagnie de la société civile, cette classe politique se précipite à Ouagadougou, le 14 avril, en réponse à l’invitation du tuteur communautaire, pour essayer de ravir au moins la partie congrue du gâteau. Mais comme tout le monde en voulait et puisque le Mali compte plus de cent-vingt partis politiques, ils ne parviendront pas à tomber d’accord.
Quelques heures après leur retour du Burkina Faso, la junte se fera un immense plaisir de leur rappeler qu’il n’y a pas deux commandements dans un bateau. Mais comme elle sait que la communauté internationale veille au grain, elle a fait appel à l’immense talent du défunt premier président guinéen, Ahmed Sékou Touré, le spécialiste des faux complots. Officiellement, vingt-deux personnalités seront mises au cachot pendant quarante-huit heures, privées de visite parentale, d’assistance judiciaire, de climatiseurs et de grosses cylindrées. La communauté internationale, encore elle, s’en émeut et conseille aux putschistes de faire au moins semblant de respecter la loi et «l’ordre constitutionnel ».
Dans une autre foulée, est nommé un Premier, seul et unique ministre, chef du vide gouvernemental. Avec les « pleins pouvoirs » que lui confère l’accord-cadre du 06 avril, il a toutes les difficultés du monde à composer un «gouvernement consensuel de mission».
En attendant, le Cnrdre qui a pris les armes et le pouvoir pour libérer le pays de l’occupation des bandits armés, semble avoir oublié ses objectifs. La communauté internationale qui a promis armes et matériels pour libérer le pays de l’occupation des bandits armés semble avoir oublié ses promesses. Le président de la République par intérim qui a promis une «guerre implacable et totale» pour libérer le pays de l’occupation des bandits armés semblent oublier qu’il est sans portefeuille. Le Premier ministre sans gouvernement qui a été nommé pour libérer le pays de l’occupation des bandits armés semble avoir oublié sa mission. Pire, il semble ne même pas savoir ce dont il parle.
Et toujours en attendant, les trois régions du nord sont violées entièrement. Et pour mieux consommer leur viol collectif et s’en délecter, les bandits armés occupent et terrorisent également une grande partie de la région de Mopti (toute la zone de Douentza et Hombori).
Un couteau sous la gorge ? Non, le sabre est en plein dans le mille.
Cheick Tandina

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