Annoncée comme l’équipe la plus consensuelle jamais composée, le gouvernement Choguel Maiga ne comble guère les attentes avec l’absence criante en son sein des composantes de la majorité politique sortante. Il pourrait en faire les frais à l’heure du compte et face à la
lourdeur des gages donnés au peuple malien.
Il a fallu beaucoup moins de temps pour le Premier ministre d’Assimi Goïta qu’à celui reconduit par Bah N’Daw pour composer un gouvernement. Comme promis par le PM fraîchement nommé, Choguel Maïga, la liste de l’équipe tant attendue, après un mois environ de vacance gouvernementale, est tombée courant la même semaine de publication du décret y afférent. Le nouvel attelage est ainsi arrivé avec une légère modification de l’architecture sortante. C’est ainsi que le département de la Réconciliation nationale, par exemple, gagne en
spécification avec un nouveau portefeuille dédié à l’Accord d’Alger.
Idem pour le ministère de la Jeunesse et des Sport étendu à «la construction citoyenne et à l’éducation civique», tandis que des portefeuilles dédiées à «l’entrepreneuriat» et aux «Coutumes» viennent étoffer respectivement le département de «l’Emploi et de la Formation
Professionnelle» et celui du Culte. Sont renforcées dans la même lancée le ministère des Domaines et de l’Etat qui associe désormais «l’Aménagement du Territoire et la Population» ainsi que celui de la Communication et de l’Economie Numérique désormais chargé de la
«Modernisation de l’Administration».
Les retouches n’ont pu épargner la taille du Gouvernement, qui passe de 25 à 28 membres au détour notamment de l’avènement de trois ministères-délégués dont deux détenteurs sont issus du même regroupement politique que le Premier ministre, le M5-RFP.
Pour ce qui est de sa composition, la nouvelle équipe conserve le tiers environ des membres du gouvernement de Transition initial, essentiellement tous issus d’entités souveraines dans le choix de leurs représentants, en l’occurrence les mouvements armés et la junte putschiste qui s’adjuge la plupart des ministères de souveraineté. Les portefeuilles de La Défense, de la Sécurité, de l’Administration restent ainsi dans escarcelle de l’ancienne CNSP, à travers
respectivement les colonels Sadio Camara et Daoud Ali Mohamédine (en remplacement de Modibo Koné) et le lieutenant-colonel Abdoulaye Maiga, sans compter le ministère de la Réconciliation nationale étoffée au profit de leur compère Ismael Wagué, celui des Infrastructures et Transports occupé par l’épouse d’un général (Mme Dembelé Madina
Sissoko), ceux de l’Economie et des Finances ainsi que de l’Energie et Mines où Alousséni Sanou et Lamine Seydou Traoré signent chacun leur réhabilitation après une disgrâce auprès du duo Bah N’Daou – Moctar Ouane. La mise hors-jeu de ces derniers a visiblement offert plus de marge pour une plus grande implication de la société civile représentée notamment par le magistrat Mahamadou Kassogué comme ministre de la Justice des Droits de l’Homme et Garde des Sceaux, Andogoly Guindo au département de la Culture et de l’Artisanat, Modibo Koné aux Affaires Religieuses ou encore la syndicaliste Mme Sidibé Dedeou Assoumane à l’Education Nationale. La répartition des maroquins n’a guère été moins favorable au camp du nouveau Premier ministre, le M5-RFP, qui venait de recouvrer un statut
de partenaire politique privilégié dont il s’estimait injustement délesté depuis le coup d’Etat du 18 Août 2020. Sous le magistère de Choguel Maïga, président du Comité Stratégique, à la Primature, peu d’entités ayant participé à la chute d’IBK ne se reconnaissent pas
dans le nouveau gouvernement. Certes ont relégués à la touche des précurseurs du mouvement comme EMK de Cheick Oumar Sissolo et Clement Dembelé, mais le CNID de Me Tall signe son retour aux affaires par Ibrahim Kamena au département stratégique des Domaines, les FARE de Modibo Sidibé par Mme Wadidjé Founé Coulibaly au ministère de la Femme ou encore l’APM de Me Bathily par la magistrate Fatoumata Sékou Dicko comme ministre délégué en charge des réformes auprès du Premier
ministre.
Ce n’est pas tout. Par-delà l’imam Oumar Diarra, précédemment candidat de l’Urd aux législatives, la surreprésentation du parti de Feu Soumaïla Cissé est traduite par la présence au Gouvernement du nouveau ministre en charge de la Refondation de l’Etat et des Relations avec les Institutions, Ibrahim Ikassa Maïga, ainsi que par celle de Mme DIAWARA Aoua Paule Diallo au département du Travail et de la Fonction Publique. Inclusion faite des ministères-délégués, le Gouvernement Choguel Maïga comprend au bas mot une bonne dizaine de représentants de diverses composantes du M5-RFP. Il est loisible de comprendre dès lors pourquoi la moindre place n’y est faite aux autres entités politiques distinctes de l’ancienne opposition, à l’exception d’ADP-Maliba de Alou Boubacar Diallo et dont le président en exercice, Youba Ba, siège au gouvernement en tant que ministère-délégué en charge de l’Elevage et de la Pêche. Exit donc les formations politiques de la majorité sortante, notamment le RPM, l’Adema -PASJ et l’Asma, principaux partenaires politiques du régime renversé par le coup de force d’Aout 2020. Ce faisant, la Transition aura choisi de ramer à contre-courant du credo qu’il s’était donné dans la foulée du nouveau départ annoncé : engager le pays dans une dynamique inclusive à travers un gouvernement de large consensus. Les nouvelles hautes autorités y ont du moins clairement souscrit à travers leur adhésion
aux orientations faites par la Cedeao dans ce sens et l’ont réaffirmé tant dans le discours d’investiture du président de la Transition qu’au sortir de la dernière rencontre avec Goodluck Jonathan, en mission de suivi des dernières résolutions sous-régionales sur la crise malienne. Néanmoins, les consultations engagées avec la classe politique pour ce faire n’ont pu déboucher que sur le constat d’un défaut crucial de la synergie, de la cohabitation et de la
convivialité dont la Transition a tant besoin pour affronter les réalités du chemin devant la conduire à bon port.
A KEÏTA