Parler fait très souvent perdre ce que le silence fait gagner. Une vérité proverbiale qui n’inspire malheureusement pas les gouvernants maliens. La preuve.
Le premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga était à la barre à l’assemblée nationale le lundi 07 janvier 2019 suite au clash intercommunautaire dans la localité de Kolongo qui s’était soldé par le bilan effroyable de 37 personnes lâchement exécutées. Dans les échanges houleux avec les parlementaires au rythme des pics de diatribes incessants, le Chef du gouvernement, surnommé le «Tigre» par ses admirateurs pour sa ruse et son expérience dans le milieu du renseignement et la sécurité, s’est illustré en petit joueur dans la cour des grands, en divulguant des informations sensées être confidentielles dans sa stratégie.
Soumeylou Boubeye serait-il un chat travesti en tigre ? Un amateur parmi des professionnels de la sécurité ? Nous sommes en droit de se poser ces questions après le constat préoccupant de cette incompétence voire bévue qui n’est malheureusement pas l’apanage d’un seul homme, mais de toute une horde de décideurs politico- militaires dont les carences enfoncent jour après jour le Mali, dans un gouffre plus profond.
L’heure est grave. Décidément, la déception du peuple Malien par ses élites monte crescendo. Une élite arrogante qui miroite au peuple une connaissance de ses difficultés et une maîtrise de ses problèmes. “L’ennui dans ce monde, c’est que les idiots sont sûrs d’eux et les gens sensés pleins de doutes.” Cette célèbre citation du philosophe anglais Bertrand Russell sied à suffisance cette situation.
Auteur d’un speech moralisateur sur la crise au centre du Mali et des débats publics, Soumeylou, par maladresse ou pure amateurisme, étale sur la place publique les détails normalement secrets de son programme de sécurisation intégré des régions du centre. Il dévoile publiquement, le nombre de postes créés dans chaque localité. Vous me direz que ce n’est pas un scandale. Effectivement, s’il s’était arrêté là. Hélas, il continue pour donner le nombre d’éléments par corps armés qui seront postés dans chacun des postes. «Pour la région de Mopti, nous avons créé pour la garde un poste à Sendegueré (70 éléments), un poste à Kouakourou (70 éléments) un poste à Mondoro (60 éléments), un poste à Djalobé pour les gendarmes (120 éléments)» balance-t-il sous le regard médusé de l’auditoire.
Pour certains analystes des contextes de violences multifactorielles, cette révélation publique venant d’un «expert du renseignement», c’est la douche froide. «Il aurait pu rester vague. Genre, une centaine de… ou plusieurs dizaines de…» dit-on dans certains milieux bien avisés.
Mais que diable se passait-il dans la tête du PM en ce moment-là ? La réponse est de deux ordres : soit il a menti aux députés pour ne pas reconnaitre que la situation dans le centre du pays lui échappe complètement ; ou bien, il a simplement manifesté au grand jour son incompétence jadis bien dissimulée par sa ruse.
En 2018, plusieurs dizaines de FAMAs sont tombés au front. Pour la plupart, le front se résume à leurs postes où ils se faisaient attaqués dans des situations changeantes à des heures insoupçonnées. Dans un contexte pareil, rendre public, le nombre d’hommes par poste n’est pas une technique de dissuasion mais un cadeau offert à l’ennemi qui aura désormais une longueur d’avance considérable dans la planification de ses forfaitures.
Les services de renseignement dans le Septentrion et le Centre
Le Sahel constitue l’une des régions les plus convoitées par les puissances internationales. Les ressources minières qu’il regorge et sa position stratégique sur le plan militaire donnent lieu à une lutte sans merci entre les puissances internationales par services de renseignement interposés. Sous l’ombre drapée de la lutte contre le terrorisme autour du plus grand désert au monde et ses abords, la DGSE française, la DSS algérienne et le Mosad israelien se défient constamment pour le positionnement de leurs pays. Le magazine THE INTERCEPT a révélé la présence de 34 bases américaines implantées en Afrique à travers AFRICOM dont une partie importante en Afrique de l’ouest et le sahel. Un jeu de poids lourds qui écrase les pays passés hôtes malgré eux.
Autorités politiques et militaires
Avec nos autorités militaires, chaque opportunité de communication sur notre positionnement en réaffirmant notre force se transforme en scoop. Le dernier cas en date était là aussi une divulgation d’informations hautement confidentielles par les autorités militaires dans l’euphorie de l’assassinat du tristement célèbre Amadou Koufa.
Pour montrer aux yeux du monde que l’armée malienne a participé au même titre que Barkhane à l’opération qui a conduit à l’élimination de plusieurs parrains de la violence dans le centre, des officiers FAMAs ont osé dire publiquement que l’opération a été une réussite grâce aux éléments FAMAs infiltrées dans la Katiba. A cause de cette révélation, des dizaines de personnes, soupçonnées d’espionnage ont été prises pour cible par les hommes de la Katiba. Une véritable chasse aux prétendus espions sévit aujourd’hui dans toutes les localités du centre.
Dans le contexte de conflit et autres formes de violences, tous les experts en sécurité vous diront que la maîtrise de l’information est la clé indispensable pour pouvoir tirer son épingle du jeu. Cette partie, les autorités maliennes n’arrivent toujours pas à saisir. Hélas
Sambala Doubia