De septembre 2013 à avril 2014, beaucoup de choses se sont passées au Mali. À commencer par l’élection du président de la République, en l’occurrence Ibrahim Boubacar Keita dit IBK, qui a eu la quasi-totalité des suffrages des Maliens (plus de 77%). Cependant, à ce jour, sa notoriété est sujette à caution. Nous sommes allés vers des Maliens pour recueillir leurs avis.
Le Mali, du régime de Alpha Oumar Konaré à celui d’Amadou Toumani Touré ATT, a connu de grandes difficultés dont certaines persistent jusqu’à ce jour. IBK, ayant hérité de toute cette situation, s’est engagé à réaliser une multitude de promesses concernant l’éducation, le problème du Nord, la lutte contre la corruption, etc. Mais à l’épreuve du pouvoir, les Maliens restent divisés sur sa capacité à apporter le changement tant souhaité.
Badian Touré, chef d’entreprise, estime que le pays est dans une situation pas très reluisante. En revanche, il croit savoir : «À mon avis, je trouve qu’il parvient à gérer l’Etat et qu’on doit lui donner le temps de faire ce qu’il a à faire. Mais il faut reconnaître qu’économiquement, le pays est dans une impasse». Son point de vue semble partagé par Oumou Kida, ménagère. Celle-ci pense que le changement est perçu par les gens comme quelque chose qui est réalisable du jour au lendemain. Alors que, croit-elle savoir, «tel n’est pas le cas». Elle poursuit : «Le changement est le fruit de plusieurs jours et même des années, si je peux me le permettre, du travail». Sur ce point, dit-elle, «ce je peux dire de la situation d’IBK, c’est qu’on ne doit pas le juger pour le moment. Qu’on ne me voit pas comme une partisane d’IBK ! Je suis plutôt de l’Urd (Union pour la République et la démocratie). Le trou dans lequel se trouve le Mali est si profond qu’il ne pourra pas en sortir en un clin d’œil ! Tous ces gens qui disent qu’il nous a déçus, sont des fainéants car ils sont là à ne rien faire et veulent qu’on change les choses en un coup de baguette. Qu’ils essaient eux-mêmes de réaliser des choses du jour au lendemain et nous verrons bien ce qui adviendra. Le Mali d’aujourd’hui est comme un chameau qui a sa tête hors de la terre, mais les autres parties du corps en dessous».
À son opposé, Mody Gandéga soutient mordicus qu’un chef d’Etat doit forcément réaliser quelque chose dans les 100 premiers jours de sa nomination à la tête l’Etat. «Chose qu’on ne doit pas oublier et qu’on n’a pas encore vu», dit-il. Et d’ajouter : «Après 6 mois, bientôt 7 mois de gestion, rien n’a été résolu. Concernant le problème du Nord, Kidal est toujours à la merci des brigands. Même s’il faut qu’on lui donne un peu de temps, il ne doit pas oublier son but».
Nos interlocuteurs se prononcent par ailleurs sur un autre sujet encore grave. En effet, il y a quelques jours, IBK était soupçonné par Le Monde, un journal français, d’entretenir des relations étroites avec un homme d’affaires corse visé par une information judiciaire. À propos, beaucoup de Maliens restent convaincus que c’est une diffamation de la France et de quelques politiciens maliens dans le but de lui nuire. «Je crois qu’il est trop tôt de le juger. Qu’il soit mêlé à une affaire de corruption, cela me surprendra venant de lui. Je dirai qu’on veut plutôt salir son image», soutient Bamiki Touré, chauffeur de Sotrama. Mody Gandéga est du même avis : «…Je suis sûr que c’est une manigance de la France pour lui porter préjudice».
Contrairement à ceux-ci, Ali Diop, étudiant, a la dent dure contre Ibrahim Boubacar Keïta. «Personnellement, j’ai été vraiment déçu de la conduite d’IBK. J’ai voté pour lui pensant qu’il allait être l’homme de la situation. Maintenant, je me rends compte que non. Il a oublié ce pourquoi les Maliens l’ont choisi. Le problème du Nord reste le dernier de ses soucis, car il n’a la tête que dans les voyages. Il a bien profité de la confiance qu’ont mise les gens en lui. Tout ce qu’on pourrait dire, corruption ou autre, venant de lui, ne me surprendra point. Finalement, je me dis qu’il est comme tous les autres qui tiennent de fausses promesses. Tout homme doit s’en tenir à sa parole donnée et la parole fait l’homme», martèle-t-il.
À en juger aux prises de position tranchées, on se demande qui détient la vérité.
Massitan KOÏTA