En appelant avec force à la formation d’un gouvernement de « large ouverture », le président de la Transition, veut donner plus de chance à une gestion plus « inclusive » de cette période transitoire, en vue d’élections plus acceptables.
–maliweb.net– Pourquoi le président de la Transition a-t-il attendu 8 mois avant de se décider à former un « gouvernement de large ouverture » ? N’était-il pas réticent à associer la « vieille classe politique » dans l’équipe gouvernementale ?
A ces questions, les observateurs semblent répliquer le fait que le chef de la Transition n’avait pas l’emprise nécessaire sur le pouvoir. Bah N’Daw était dans une situation de collaborateur des colonels auteurs du coup d’Etat du 18 août 2020. Ne passait-il pas tranquillement le plus clair de son temps de retraite dans des travaux champêtres, avant d’être sollicité par les jeunes officiers tombeurs du président IBK ? Etait-il sous le diktat des chefs de la junte ? On peut le penser. Mais, il semble que le colonel à la retraite s’est appuyé sur le Premier ministre diplomate pour se défaire du carcan des colonels Assimi Goïta, Malick Diaw, Sadio Camara, Modibo Koné, Ismaël Wagué et autres. Ses deux déplacements sur Paris l’ont-ils aidé à atteindre cet objectif ? Rien n’est à exclure, étant donné que le Mali est sous perfusion internationale avec comme partenaire stratégique la France d’Emmanuel Macron, dont le bras exécutant en Afrique de l’Ouest est la CEDEAO. Cette dernière était en visite d’évaluation de la Transition, il y a seulement quelques jours à Bamako, avec l’ex-président nigérian Goodluck Jonathan à la manœuvre…
Pour donc inverser la donne et probablement devenir maître du jeu, Bah N’Daw, en complicité avec le Premier ministre Moctar Ouane, finit par opter pour élargir l’attelage de l’exécutif.
Le nouvel attelage gouvernemental pourrait-il conduire à atténuer la prééminence des « colonels » issus de l’ex-junte sur l’appareil d’Etat ? Tout porte à le croire et ce sera au profit d’un retour en force d’acteurs politiques longtemps méprisés. Ceux-ci avaient longtemps crié à la marginalisation et à l’exclusion. En particulier le mouvement qui a été un acteur de premier plan du renversement du régime du président Ibrahim Boubacar Kéita, le M5-RFP.
Ce mouvement fait face actuellement au piège de se fragiliser davantage en optant pour une certaine intransigeance dans ses « conditions et garanties » pour entrer dans le nouveau gouvernement. Dr Choguel Kokalla Maïga et ses amis du Comité stratégique du M5-RFP courent ainsi le risque de se voir délester de certaines entités comme l’URD, qui ont accepté participer à « l’union sacrée dans l’intérêt du Mali ».
Par ailleurs, parmi les missions les plus importantes du gouvernement de Transition, il y a les réformes politiques et institutionnelles. Elles devraient passer en particulier par la mise en place d’un organe unique indépendant de gestion des élections.
Or, depuis quelques temps, les voix les plus autorisées, en l’occurrence le Premier ministre et le ministre de l’Administration territoriale, le Colonel Abdoulaye Maïga, démissionnaire, annonçaient que le temps restant à la Transition ne permet pas de créer et opérationnaliser cet organe. Ce que la classe politique ne veut apparemment pas entendre de cette oreille. Ce faux bond, le Dialogue national inclusif et les concertations nationales ayant fortement recommandé la création de cet organe, devient un casus belli pour les prochaines élections. Ce qui pousse le chef de l’Etat à se résoudre à inclure plus d’acteurs politiques dans l’équipe gouvernementale, afin d’obtenir un minimum de consensus sur l’organisation des prochaines élections. Comme pour dire que si la base du gouvernement est plus élargie, il y aura plus de chance de faire accepter à l’opinion publique les insuffisances du processus électoral. Ce réajustement se fera certainement au détriment des militaires, qui sont fortement représentés dans le gouvernement démissionnaire. Puisque par essence, la Grande muette n’est pas censée intéressée par le jeu électoral. Mais les colonels putschistes, qui ont suffisamment placé leurs frères d’armes » à la tête de certaines administrations se satisferont-ils des éventuelles mises à la touche ? L’on peut craindre des mécontentements. Lesquels peuvent constituer des pièges ou des risques pour la stabilité de la Transition. Ceci, dans la mesure où le front sécuritaire est toujours préoccupant avec des attaques répétées de nos Famas. Il y a aussi, comme on le voit un défi de préserver la sérénité au sein des forces armées et de sécurité, dont certains gradés ne sont facilement acceptés à la tête de structures administratives. C’est le cas récemment avec les manifestations du personnel de l’hôpital Gabriel Touré contre la nomination d’un médecin militaire comme nouveau Directeur Général…
En outre, les nombreux défis auxquels le pouvoir de transition est confronté inclinent à coup sûr Bah N’Daw à ajouter de l’eau à son bissap d’indépendance vis-à-vis des chapelles politiques.
En effet, comment peut-on réussir des réformes majeures de gouvernance sans une adhésion d’une couche représentative de la classe politique ? Comment maximiser les chances de pacifier le climat sociopolitique sans associer des responsables politiques et de la société civile à la gestion des affaires du pays ? Cee sont ces questions qui ont fini par convaincre le locataire provisoire du palais de Koulouba à opter pour le rassemblement des forces vives du pays.
S’y ajoute que le front social, en ébullition, ne peut être calmé qu’avec un minimum de convergence de vues des « fils et filles du pays » en vue d’obtenir une trêve sociale susceptible de reconstruire le pays. C’est aussi à ce prix que la « conférence sociale », longtemps annoncée et reportée, aura des chances de se tenir et d’aboutir à des résultats probants.
Comme on le voit, l’accouchement du nouveau gouvernement porte sur une équation à plusieurs inconnues basées sur des calculs, des risques mais aussi des pièges.
Boubou SIDIBE/maliweb.net