Etats-Unis d’Amérique-Afrique : Les promesses pour combler des attentes fortes

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Sommet Etats-Unis - Afrique: de jeunes entrepreneurs africains rencontrent Obama
Rencontre en Afrique du Sud en 2013 entre le président Obama et des membres du réseau Yali.
DR

Les rideaux sont tombés sur la rencontre entre l’Amérique et l’Afrique à Washington (4-6 août 2014). Tout en accentuant la pression diplomatique en faveur de l’alternance politique, donc plus de démocratie et de transparence dans la gouvernance, les Etats-Unis ont réaffirmé leur engagement à soutenir les Etats africains dans leur éternelle quête de développement et aussi dans la lutte contre le terrorisme qui est aujourd’hui l’une des plus graves menaces pour la stabilité du continent.

 

Il est prématuré de vouloir faire un bilan du sommet de Washington, parce que les promesses ne produiront leurs effets que sur le moyen et long terme. Mais le discours de Barack Obama suscite beaucoup d’attentes, surtout en Afrique francophone où les dépités de la France-Afrique rêvent d’une nouvelle ère plus pragmatique pour le continent. Qu’attendre du premier sommet Etats-Unis d’Amérique/Afrique que Washington vient d’abriter (4-6 août 2014) ? C’est la question qui taraude sans doute l’esprit de nombreux Africains, surtout ceux qui sont dépités et craignent qu’il ne soit une montagne qui accouche d’une souris comme les «France-Afrique» ou «Afrique-France» dont le prochain show aura d’ailleurs lieu en 2015 à Bamako.

 

La première retombée, ce sont sans doute toutes ces nouvelles opportunités d’investissements offertes à l’Afrique. Et en la matière, la promesse de Barack Obama a de quoi réjouir les dirigeants africains. Trente-trois milliards à investir dans les années à venir ! Même s’il ne s’agit pas de subventions, mais plutôt d’investissements publics et privés sur des dossiers précis. Seulement 7 milliards de dollars sont débloqués par l’administration Obama pour le développement des échanges commerciaux entre les Etats-Unis et l’Afrique. Bien sûr que ce n’est pas par générosité qu’elle va consentir de tels efforts. C’est un investissement de séduction.

 

«L’Afrique s’illustre de plus en plus comme un continent de jeunes et de forte croissance démographique et économique, donc un continent d’avenir. Il est important que l’Amérique, dont le lien avec l’Afrique remonte déjà à l’époque de la traite et de l’esclavage, change son regard actuel sur l’Afrique», analyse Cheick Oumar Coulibaly, un jeune espoir de la diplomatie malienne actuellement en poste à Bruxelles (Belgique). Et en retour, indique-t-il, «l’Afrique a le devoir impérieux d’améliorer sa gouvernance politique et économique, en l’occurrence la question de la gestion démocratique du pouvoir, de sa dévolution constitutionnelle, du partage des ressources naturelles et des richesses nationales et de la lutte contre la corruption et l’impunité».

 

 

Un «potentiel extraordinaire» en ligne de mire

Par rapport au potentiel humain du continent, Barack Obama lui donne raison en rappelant aux jeunes leaders africains, réunis à Washington en fin juillet 2014 : «Si nous sommes conscients des réelles difficultés que rencontrent tant d’Africains chaque jour, nous avons le devoir de saisir le potentiel extraordinaire de l’Afrique d’aujourd’hui, qui est le continent le plus jeune et qui connaît la croissance la plus forte». Comme l’ont souligné de nombreux experts dans la capitale fédérale américaine, nous pensons que le continent africain doit «accroître son attractivité en renforçant la paix, la sécurité et la stabilité sur le continent, gages d’un développement économique et humain durable». D’où d’ailleurs la pertinence de la décision des Etats-Unis de s’investir davantage dans la lutte contre le terrorisme en Afrique, précisément dans la bande sahélo-saharienne. En effet, «L’Oncle Sam» est déterminé à débloquer plusieurs millions de dollars (65 millions de dollars pour une première phase) pour financer le renforcement des forces de sécurité au Kenya, en Tunisie, au Mali, au Nigéria, au Niger et au Ghana. Six autres pays vont bénéficier d’un financement pour créer une force de réaction rapide pour l’Afrique. Jusque-là, on ne sent pas trop la présence américaine dans cette lutte dont l’issue sera déterminante pour une grande partie de l’Afrique subsaharienne.

 

 

Il est évident qu’il n’y a pas de développement durable sans stabilité, parce qu’il n’y pas d’investissements sans la paix. Et les Etats-Unis ont tout intérêt à ne pas trop abandonner le terrain à la France qui veut marquer des points avec, l’opération «Barkhane». Les Américains doivent résolument s’engager dans la lutte contre le terrorisme au Mali et dans la bande sahélo-saharienne. C’est pourquoi, à notre avis, Ibrahim Boubacar Kéïta et ses pairs du Sahel et du Maghreb avaient aussi tout intérêt à convaincre le président américain d’oublier le «bourbier somalien» pour leur apporter une assistance, ne serait-ce que stratégique et logistique, dans cette guerre de longue haleine contre le terrorisme. Et cela ne devait pas être une tâche aussi compliquée puisque, hasard du calendrier, le sommet de Washington coïncide avec une situation des plus préoccupantes en Libye. La sécurité dans la bande sahélo-saharienne s’imposait donc d’elle-même dans l’agenda de cette rencontre. En effet, tant que cette zone (probablement riche en pétrole et en d’autres minerais) n’est pas «fréquentable», donc sécurisée, il sera utopique de vouloir y attirer des investisseurs américains. Les Américains en sont visiblement conscients. Aujourd’hui, il s’avère plus que jamais nécessaire de «resserrer la coopération en matière de sécurité pour mieux faire face à des menaces communes comme le terrorisme ou le trafic d’êtres humains».

 

 

Des morveux frustrés !

Personne n’est dupe pour croire que Barack Obama avait fait venir une cinquantaine de dirigeants africains pour seulement leur parler d’investissements, sans exiger d’eux la caution nécessaire en termes de gouvernance et de démocratie. «L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes», avait-il déclaré lors de sa visite au Ghana en 2009. «Il n’y a pas d’institutions fortes sans hommes forts», a cru bon de rétorquer le président du Faso (Burkina Faso) et chouchou de la France-Afrique, Blaise Compaoré. Sans doute le plus courageux des morveux. Mais il risque de l’apprendre à ses dépens. Surtout que c’est la mentalité politique de la jeunesse africaine qu’Obama est en train de forger pour le moment. En effet, aux jeunes leaders africains, rencontrés à Washington quelques jours avec leurs dirigeants, il a rappelé que «quelles que soient les ressources d’un pays, si vous n’avez pas un ensemble de lois, le respect pour les droits civiques et les droits de l’homme, si vous n’avez pas de liberté d’expression et de rassemblement, il est très rare qu’un pays réussisse dans la durée». Une façon de dire aux jeunes africains qu’ils doivent se battre pour imposer le fonctionnement démocratique des institutions de leurs pays respectifs et l’alternance au pouvoir est le meilleur gage pour qu’ils puissent réaliser leurs rêves. C’est pourquoi, comme Cheick Oumar Coulibaly, la majorité de nos interlocuteurs pensent que «l’Afrique doit être plus exigeante envers elle-même et compter sur soi plus que sur l’Amérique. Ce qui suppose qu’elle soit davantage réformatrice pour réussir sa transformation économique et sociale». Au risque de se faire traiter de nostalgique du parti unique (Union Démocratique du Peuple malien, UDPM) ou de vouloir réhabiliter politiquement le Général Moussa Traoré, nous sommes de ceux qui sont convaincus que «l’aide la plus noble et la plus utile est celle qui proviendra de nous-mêmes». Les pays émergents et développés ne courtisent pas aujourd’hui le continent pour notre bonheur, mais pour satisfaire les besoins de leurs économies, soutenir leur croissance et leur puissance économique. Et comme l’écrivait un confrère guinéen, «l’appétit des matières premières n’est pas que l’apanage des Chinois».

 

À nous, Africains, maintenant de veiller à ce que cette «attractivité» soit réellement exploitée pour tirer nos pays de la pauvreté, au lieu de profiter exclusivement à une élite corrompue !

 

Moussa BOLLY

 

 

 

Le leadership pour éveiller les consciences

 

Les Etats-Unis ont compris que les réformes politiques indispensables à améliorer le sort des Africaines ne peuvent être impulsées que par la jeunesse du continent. C’est pourquoi, depuis quelques années, les Américains s’investissent dans l’éveil du leadership des jeunes africains dans tous les domaines. Et visiblement, ils ne sont pas en train de prêcher dans le désert, car la prise de conscience souhaitée s’amorce déjà.

 

«J’espère que ce sommet a réellement abordé les vraies raisons du retard du continent dans le développement et que les dirigeants africains ont compris que l’Afrique ne peut pas se développer sans libérer les énergies, sans permettre aux jeunes de libérer leur génie créateur… Donc, que les objectifs en terme de développement ne peuvent être atteints sans la démocratie, le culte de l’excellence et surtout la liberté de s’exprimer et d’entreprendre», espérait du sommet de Washington Yaya Maïga, un jeune juriste indépendant. Si nos interlocuteurs, les jeunes intellectuels surtout, apprécient «le courage et la franchise» du discours d’Obama, ils souhaitent aujourd’hui qu’il se traduise en pression politique sur leurs dirigeants après la rencontre de Washington. «Obama a tenu un discours très engagé devant les jeunes entrepreneurs africains lors de leur rencontre. Il faut qu’il aille au-delà de ce discours pour conclure avec les présidents africains un Pacte de bonne gouvernance mettant fin, par exemple, au tripatouillage des Constitutions», espère Souleymane Koné, membre du Comité exécutif de Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare) et ancien ambassadeur du Mali en Mauritanie. Pour accentuer cette pression, ce leader politique et professeur d’Université, aurait souhaité que «cette rencontre inclut, pour chaque chef d’Etat invité, l’invitation des deux principales figures de son opposition. Cela pour non seulement trancher avec la grande messe France-Afrique, mais aussi pour ne pas accréditer l’idée que ce genre de rencontre légitime des gouvernances en cours». Mais, pour que la pression américaine puisse aboutir aux changements politiques escomptés, il faudra que la jeunesse africaine renonce un moment à se servir de la politique comme ascenseur social personnel, pour mettre leurs énergies et leurs convictions au service de leurs pays. Nous partageons cette analyse de notre consœur Mame Diarra Diop pour qui : «les jeunes Américains sont moins politisés que dans nos pays. C’est cela l’esprit américain et c’est ce qui fait leur force». Autrement dit, le lobbying pour contraindre les dirigeants à engager les réformes politiques indispensables est aujourd’hui plus souhaité que ce «militantisme» peu porteur en la matière.

 

Moussa BOLLY

 

 

 

L’Afrique francophone méconnue des Yankee

 D’une façon générale, les Africains estiment que l’Amérique ne s’intéresse pas beaucoup au continent, sauf lors des crises. Si politiquement, les Etats-Unis ne sont pas exempts de reproches pour ne manifester que peu d’intérêt pour l’Afrique, au niveau de la population, il est évident que c’est une question de «méconnaissance» et non de «désintérêt».

 

Les Américains ne connaissent pas réellement l’Afrique, surtout sa partie francophone. C’est une évidence qui s’est imposée à nous lors de notre séjour au pays de l’Oncle Sam entre octobre et novembre 2013. Lors de nos rencontres dans les collèges et Universités, restaurants, espaces commerciaux…, nous nous sommes rendus compte que nos interlocuteurs ont une idée vague du continent. Par exemple, dans un collège, les étudiants en journalisme en face ne connaissaient l’Afrique qu’à travers les Safaris au Kenya, Malawi, Afrique du Sud… Et beaucoup en parlent d’après ce qu’ils lisent sur les sites des agences de voyage ou des témoignages de quelques proches qui ont eu «le privilège d’y aller». Dans les échanges, on parvient aussi à situer nos pays à travers des stars comme Samuel Eto’o Fils, Drogba, Salif Kéita (l’artiste), Seydou Kéïta, Ali Farka Touré (paix à son âme), Oumou Sangaré… voire des villes célèbres comme Tombouctou, Gorée. «Vous savez que c’est un défi pour le peuple américain de connaître entièrement la vaste Amérique. En dehors des diplomates et des milieux d’affaires, très peu d’Américains ont l’opportunité de voyager souvent en dehors de l’Union. Mais, cela ne signifie pas que ce qui se passe ailleurs ne nous intéresse pas ou que nous ne sommes pas ouvertes aux autres cultures et civilisations. Nous sommes un peuple très curieux», nous disait un élu de l’Etat du Nevada que nous avons rencontré à Las Vegas. Même sur le plan diplomatique, les responsables du Département d’Etat sont souvent plus à l’aise en vous parlant des pays anglophones comme le Libéria, le Kenya, l’Afrique du Sud, le Botswana, le Nigeria, le Ghana, le Malawi… On a d’ailleurs reproché à Barack Obama le fait que l’expérimentation du programme «Power Africa», littéralement «Afrique en puissance», n’a privilégié aucun pays francophone. En effet, les Etats concernés par cette première phase sont le Ghana, le Liberia, le Nigeria, l’Ethiopie, le Kenya et la Tanzanie. «Les sociétés américaines, qui ne sont pas dans le pétrole et qui investissent dans les usines ou encore dans la valeur ajoutée, se trouvent en Afrique du Sud, au Botswana, en Zambie, au Kenya et maintenant, au Ghana. On peut avoir confiance en ces pays-là, mais pour d’autres, c’est toujours difficile», a déclaré à la presse Herman Cohen, ancien Secrétaire d’Etat américain chargé de l’Afrique, à la veille du sommet de la capitale fédérale américaine.

 

 

À l’écouter, c’est maintenant que «l’Afrique francophone commence à être connue des Américains». Dans les pays francophones du continent, on espère donc que ce sommet de Washington aura permis de changer cette «cette fâcheuse tendance» à n’accorder d’importance à l’Afrique qu’à sa partie anglophone voire lusophone (Angola). Ne serait-ce que sur le plan diplomatique !

 

M.B

 

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4 COMMENTAIRES

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