Dramane Diarra est membre du Réseau d’appui au processus électoral au Mali (Apem). Il était l’invité de l’émission «L’invité de la semaine» animée par notre confrère Yaya Konaté. Il a été question de l’organisation des élections générales au Mali à commencer par la présidentielle dont le 1er tour est prévu pour le 28 juillet 2013, le rôle du réseau Apem, les innovations des élections à venir mais aussi de la composition du réseau Apem.
Quel genre d’associations regroupe le réseau d’appui au processus électoral au Mali ?
Le réseau est composé d’associations œuvrant dans le secteur juridico-judiciaire, mais aussi des structures qui s’occupent de la promotion des couches vulnérables comme les femmes et les jeunes.
Donc votre crédo commun, c’est la démocratie et l’état de droit ?
L’état de droit et la défense des droits humains.
Vous faites de l’éducation à la citoyenneté ?
Bien entendu. Il n’y a pas de processus démocratique sans participation citoyenne, sans participation populaire. Or, pour qu’on puisse attendre une participation de qualité des citoyens au processus démocratique, il faut que ces citoyens soient imprégnés du processus démocratique mais surtout du processus électoral, que les citoyens comprennent les différentes étapes afin qu’ils puissent jouer pleinement le rôle qui est le leur. En démocratie, il n’y a pas de pouvoir sans citoyen. Tout part du citoyen, tout revient au citoyen.
Et l’observation électorale, la finalité c’est quoi ?
La finalité de l’observation c’est de contribuer à crédibiliser le processus. Lorsque des observateurs, qu’ils soient internationaux ou nationaux, attestent le bon déroulement du scrutin, ça contribue à minimiser les conflits latents qui sont liés au processus électoral.
Le 28 juillet est la date du 1er tour de la présidentielle. Beaucoup de gens croyaient que cette date n’allait pas être tenue ; vous n’avez pas cessé d’appeler pour que ces élections aient lieu le plus rapidement possible, pourquoi ?
Tout simplement parce que tout le monde sait que nous sommes dans une situation exceptionnelle. On sait que dans un pays, un gouvernement de transition, c’est pour parer au plus pressé comme son nom l’indique. C’est pour faire le préalable à la remise en chemin du pays. Donc cette période doit être la plus courte possible.
On a une date, le 28 juillet, comment vous avez accueilli la convocation du collège électoral ?
Pour le réseau Apem, c’était attendu comme vous l’avez rappelé. Nous n’avons pas attendu aujourd’hui pour nous impliquer dans cela ; nous avons suscité à ce que ce soit ainsi. Il était impérieux que nous travaillions tous au respect scrupuleux des dates énoncées dans la feuille de route adoptée par le gouvernement, l’Assemblée nationale et la communauté internationale. Si nous regardons autour de nous, il y a eu des gens qui ont eu à reporter des élections qui n’arrivaient plus à se tenir. Donc, ce n’est pas une surprise pour nous, nous l’avons même suscité et je pense qu’aujourd’hui nous sommes dans la bonne direction.
Il y avait des inquiétudes quant à la bonne tenue de ces élections. Est-ce que vous, au niveau du réseau Apem, vous pensez que c’est tenable ?
Nous ne doutons pas du tout de la faisabilité de ce scrutin à la date indiquée. Il est vrai que beaucoup d’observateurs et d’acteurs s’attendaient à un chronogramme qui devrait exister depuis plusieurs mois. Mais au final, malgré le fait que savons que ça été laborieux, nous voyons qu’il y a de la visibilité d’ici à la date projetée.
Vous avez un œil sur les préparatifs ?
Nous avons un œil là-dessus. Parce que quand je prends en compte le projet d’appui au processus électoral au Mali (PAPEM), qui est un projet entre l’Etat du Mali, les partenaires techniques et la société civile, nous avons un pied dans les préparatifs.
Et très concrètement au vu de ce que vous savez des préparatifs, vous n’avez pas d’appréhensions ?
Tout le monde doit savoir qu’une élection organisée par un gouvernement de transition va se confronter indéniablement à un certain nombre de problèmes. Mais il faut faire avec ; on ne peut pas s’attendre à ce que tout soit facile ou que tout se déroule conformément aux textes. Mais, d’ores et déjà, lorsque le coup d’Etat de 2012 intervenait au Mali, nous avons presque fini d’organiser les élections matériellement et techniquement. C’est vrai qu’il y a eu une innovation de taille qui a consisté à l’introduction de la biométrie au niveau de la carte et de la liste électorale. C’est une innovation qui a appelé à des efforts. Mais aujourd’hui, ceux qui sont chargés de la mise en œuvre de ces aspects-là sont rassurants, par rapport à la fin des travaux à date échue.
En dehors de ces aspects techniques et matériels, il y a d’autres aspects qui focalisent toutes les attentions, les déplacés, les réfugiés. Ça vous préoccupe ?
En tant que citoyen malien, on ne peut pas ne pas être préoccupé. Mais nous restons optimistes. Nous ne sommes pas chargés de la mise en œuvre de la question de Kidal. Mais, comme je l’ai dit en tant que citoyen acteur de la société civile, nous devons nous rappeler notre constitution, qui dit que la République du Mali est démocratique, indépendante, souveraine, indivisible et sociale. Je pense que tous les Maliens et toutes les Maliennes sont d’accord sur ça, et toute la communauté internationale. Au regard de cela, on ne peut pas douter que les élections se feront sans Kidal. Toute velléité tendant à vouloir tenir les élections sans Kidal, que ce soit la ville ou la région, est vouée à l’échec parce que tout simplement les Maliens rejettent cela ; la communauté internationale elle-même ne se reconnaît pas dans cela. Donc notre mission consiste à rappeler à ceux qui sont chargés de la mise en œuvre des élections que ce n’est pas faisable. Les Maliens ne laisseront pas cela se faire.
Qu’est-ce que vous allez faire pour relever le taux de participation ?
Le taux de participation, c’est la préoccupation de tous les acteurs parce qu’en démocratie la légitimité des dirigeants compte énormément. Nous y travaillons par la mise en œuvre des projets de sensibilisation et d’éducation civique. Il n’y a pas mille moyens pour y parvenir. Il faut mettre les citoyens face à leurs responsabilités ; il faut rappeler aux citoyens les enjeux particuliers de ces élections.
Vous n’êtes pas l’administration. En quoi vous êtes comptable ou responsable du résultat auquel on aboutit ?
Un processus démocratique n’est pas l’affaire seulement des acteurs chargés de sa mise en œuvre. Ce n’est pas l’affaire des gouvernants. C’est l’affaire de tous les segments de la société. C’est en cela que nous nous sentons comptables des résultats. Chacun a une partition à jouer. Si aujourd’hui on parle d’échec de la démocratie au Mali, c’est parce que les citoyens n’ont pas joué pleinement leur rôle. Même si c’est vrai que les raisons sont à chercher à différents niveaux. Donc, cette participation demeure un enjeu capital aujourd’hui.
À la fin de votre mission, vous rendez compte à qui ?
Nous rendons compte au peuple malien. La preuve, c’est que par rapport aux rapports d’observations, personne n’est privilégié ; aucun destinataire n’est privilégié à la publication du rapport du réseau Apem. Tout le monde apprend le rapport au même moment. Nous rendons compte au peuple malien, les seuls arbitres, les seuls juges de ce que les uns et les autres ont eu par rapport à l’accomplissement de notre processus démocratique et de notre processus électoral.
Les élections sont terminées ; vous avez remis votre rapport ; et le travail est terminé pour vous ?
Non. Le réseau Apem se met en position de veille par rapport au processus, pas seulement électoral, mais démocratique. C’est pourquoi avant le coup d’Etat de mars 2012, si vous vous rappelez ici même, au siège du réseau Apem, le 8 juin 2011, le réseau avait organisé une conférence de presse. On avait prédit le risque d’un vide constitutionnel. Nous n’avons pas parlé de coup d’Etat mais le vide constitutionnel renvoie à l’instabilité, aux troubles sociopolitiques. Et c’est ce qui est arrivé ! Nous avions des éléments concrets d’appréciation par rapport à cet état de fait. Puisque à l’époque le débat était focalisé sur quel fichier adopté, débat au sein de la classe politique, mais aussi la société s’en était mêlée indistinctement pour s’allier à telle ou telle position. Ce n’était pas ça le débat. Le réseau a fustigé le caractère d’impréparation de ce scrutin-là, de ce que cela pouvait engendrer. C’est ça aussi le réseau Apem. Nous analysons la situation de notre démocratie. Nous faisons des revendications ; nous faisons des critiques mais aussi des propositions.
Qu’est-ce vous faites par rapport au contentieux électoral ?
Par rapport au contentieux électoral, notre travail se situe en amont avant le jour du scrutin. Nous ne sensibilisons pas seulement les citoyens mais aussi les acteurs, les candidats et les partis politiques à s’inscrire dans la légalité parce que de toutes les façons les élections sont une compétition, mais aussi une fête démocratique. Tout comme lors d’un match de football, le vainqueur jubile mais le vaincu aussi se console. Les élèves ou étudiants, après un examen, en cas d’échec, ne reviennent pas pour casser l’école. C’est cela. Il faut que les acteurs politiques partagent cela, que les élections sont une compétition et donc tout le monde est appelé à donner du sien pour le bon déroulement. Par rapport aux résultats, tout le monde doit s’exprimer dans la légalité, dans le respect des institutions de la République.
L’expérience démontre que ça ne marche pas à tous les coups. En cas de contestation, quel sera votre rôle ?
Je vais vous rappeler que le réseau n’était pas préparé à une mission de médiation en 1997. Mais beaucoup se souviennent qu’en 1997, avec l’avènement du collectif des partis politiques de l’opposition (COPPO), qui faisait face au pouvoir à l’époque, le réseau Apem avait été amené à faire de la médiation. Le réseau Apem, avec certains partenaires, prévient parce qu’il faut prévenir. Il y a un code de bonne conduite aujourd’hui qui est en élaboration et dont la signature est même prévue dans quelques jours. Le réseau appuie ses structures partenaires par rapport à l’adoption de ces pratiques là.
Transcrite par Kassim TRAORE