Les mécaniques les plus huilées sont souvent enrayées par un grain de sable. Une sérieuse de couac, le ratage de communication et une fausse nouvelle de l’Ortm ont mis le feu aux poudres des ordures.
Le district de Bamako produit plus de déchets qu’il ne peut enlever. Les monts d’immondices, les montagnes de déchets et les Himalaya d’ordures s’y entassent donc. Les pouvoirs cherchent une solution radicale – un dépôt final moderne- et ils en ont trouvé une à Noumoudougou, près de Tienfala, 20 kilomètres environ sur la route de Koulikoro. Un bassin (cellule) de 200x200x10 aux flancs couverts de géo membrane qui le rend totalement étanche. Il est parfaitement équipé et est d’un autre jouxté par un bassin qui recueille les liquides sales, les purifie et les rend réutilisables. En somme, un dépôt final comme on peut en rêver et qui est situé tout à fait à l’écart de toute habitation. C’est un ouvrage qui a coûté 5 milliards de nos francs.
Tout était prêt, la réception technique avait été faite et faite aussi celle provisoire. Il ne restait plus que la réception finale et le début de la libération de Bamako de ces redoutables ennemis qui sont les ordures. Nous sommes à la veille d’un grand jour et le cauchemar des ordures était sur le point de cesser. Et puis patatras. Tout est fichu par terre.
Le jeudi 11 septembre dernier le directeur du district de Bamako se rend à Tienfala pour passer l’information. Il ne trouve pas le maire mais trouve ses 2 adjoints à qui il passe l’information. Puis, il a le maire au téléphone. Il dit aussi s’être rendu chez le chef du village pour l’informer. La nuit, une pluie diluvienne s’abat sur Tienfala et environs. Le lendemain, les camions verts de Togouna agro-industrie (35 camions) viennent déverser leurs chargements d’ordures : un peu partout mais, hors du dépôt aménagé. Pas au lieu prévu, mais ‘’dans les pieds’’ des villageois.
Un vieux chef de village expliquera lors de l’Assemblée Générale qui se tiendra le vendredi 26 septembre dernier: « ce qu’on n’a pas compris est que les camions sont venus déverser les ordures dans le village sans que personne ne sache quoi que ce soit. Le village a pué et personne n’a pas pu dormir cette nuit-là. Le lendemain, on a bloqué les camions pour ne pas mourir. On ne savait pas, personne ne savait rien et on ne nous a rien dit. Après plus de 10 ans de mensonge, de promesses non tenues et d’engagements bafoués, les gens ne croient plus à rien. On ne veut plus du dépôt d’ordures. Il faut en faire autre chose du bassin aménagé. Ainsi parlerons tous les autres lors de l’AG d’explication. Tous ont tenu les mêmes propos, avec la même violence et proposé qu’on fasse du dépôt autre chose.
Voir ce que tous les segments sociologiques des cinq villages coalisés contre les ordures ont répété comme un ‘’kilissi’’ (paroles incantatoires) lors du passage de la délégation venue de Bamako et de Koulikoro le vendredi 26, deux semaines, jour pour jour du dépôt des ordures là où il ne faut pas. Qu’est-ce qui s’est passé en fait ? Où se situe le problème ?
Tout d’abord, les camions qui ont déversé des ordures n’importe comment étaient chargés d’ordures destinées au village de Safo qui les utilise pour fertiliser ses champs. Donc des ordures pas destinées au dépôt final de Noumoubougou/Tienfala. Mais les pluies de la veille ont rendu les pistes impraticables et les camions se sont embourbés. Personne n’avait reçu d’informations et les supputations ont fait le reste. Ce que le directeur du district avait dit aux adjoints et au maire (au téléphone) et ce que ces derniers ont entendu étaient différents. Idem pour le chef du village (la réunion publique a permis de mettre le quiproquo à nu, puisque les uns est les autres ont parlé devant les uns et les autres.
Dans leur désarroi, les villageois vont être assommés par un reportage de l’Ortm sur le sujet qui va ajouter le faux au flou pour révolter définitivement les villageois. En effet il a parlé de déchets laissés par le Serval et par la Minusma. C’est là que les populations ont été piquées au vif. « Nous savions qu’on nous cachait des choses ». C’est ce reportage malheureux qui va révolter les populations et mettre le feu aux poudres. D’autres facteurs ont sans doute envenimé les choses.
Au plan local, certains leaders d’opinions ‘’légitimes’’ ont pu aussi ‘’pomper’’ les villageois. On parle d’un couple de ‘’toubab’’(en réalité un Malien et une métisse) qui ont vécu toute leur vie en France et qui sont venus à la retraite à Tienfala. Ils avaient dit aux villageois que les piquets rouges étaient signe de danger et qu’ils ne devaient pas être à moins de 40 km du village. Et d’autres propos d’«expert » qui ont fini de semer le doute dans les têtes. Et qui sait, des motivations d’ordre politique ont pu jouer aussi. C’est à démontrer. Le maire nous a édifié (sur les dangers des ordures) et a été aussi entendu lors de la réunion publique. D’autre ont pu jouer un rôle pour braquer les populations sur les ordures.
La réunion publique, tenue dans la salle des délibérations de la mairie de Tienfala entre 160 à 200 villageois et une délégation venue de Bamako et de Koulikoro a désamorcé une grosse et dangereuse bombe. Le chef des jeunes n’a, du reste, pas hésité à dire : «si vous n’étiez pas venus, vous auriez entendu autre chose ». Les mots ‘’mort’’, ‘’mourir’’, ‘’ nos cadavres’’ et autres termes macabres et menaçants ont été prononcés à plus de 10 reprises au cours de cette AG. Le chef de la délégation, le directeur national Modibo Diallo, a réussi à neutraliser une moitié de la bombe sociale : baisser la tension et donner envie de continuer à parler. L’autre moitié ne sera pas facile à atteindre : ramener les insurgés à un meilleur sentiment et à accepter le dépôt final en avançant les conditions. Mais il y’ a un préalable, ramasser les ordures destinées à Safo.
Amadou Tall