L’événement tant attendu était sur le point de produire une dynamique assez positive en faveur du processus de paix, mais il a dû buter contre les rigides barrières d’incompatibilité et de divergences autour de l’appellation AZAWAD
Fortement attendue depuis la signature de l’Accord pour la paix – dans lequel elle figure en tant qu’étape essentielle du processus de paix et de réconciliation au Mali -, la Conférence d’entente nationale s’est finalement tenue selon le calendrier préalablement annoncé par les hautes autorités. Les amarres de l’événement ont été larguées, lundi dernier, à la faveur d’une cérémonie solennelle ouverte par le chef de l’Etat en personne, qui en a également campé le décor et fixé les contours et les enjeux. Les travaux se sont ensuite poursuivis en accusant progressivement l’arrivée – plus pour enrichir le décor que pour être d’un apport aux échanges – d’acteurs annoncés en marge de la tribune. Il s’agit notamment de la Coalition des Mouvements de l’Azawad, qui a formellement accepté de prendre l’événement en marge suite aux gages obtenus sur sa teneur ainsi que sur la reprise de ses étapes préparatoires. En clair, outre le renoncement à la charte devant sanctionner la conférence, il a été convenu de faire machine-arrière et de compenser le défaut des concertations à la base par d’autres tribunes alternatives. Idem pour l’opposition politique en direction de la laquelle des démarches similaires se sont conclues sur son acceptation à rehausser l’éclat de la Conférence ne serait-ce que par un acte présence dans ces derniers instants.
En plus de la CMA et des partis politiques de l’opposition, les confrontations de la CEN, à la différence des pourparlers d’Alger, n’a guère moins souffert de l’absence d’autres figures de marque qui incarnent la crise au septentrion. C’est le cas de Bilal Ag Asharif totalement absent, puis d’Algabass Ag Intalla qui s’est limité à un passage-éclair, ente autres célébrités. Qu’à cela ne tienne, la grande convergence des sensibilités de la nation a donné lieu à des échanges assez fructueux tant en plénières qu’au sein des ateliers thématiques respectivement consacrés à la paix, à l’unité et à la réconciliation entre Maliens. Les diverses composantes de la nation malienne ont en effet mis à profit le cadre pour explorer dans les profondeurs la crise qui secoue le pays par sa partie septentrionale avec par moment des tiraillements et passes d’armes inouïs sur les grands enjeux que sont l’épineuse question de Kidal et la problématique de l’Azawad. La première a trait à la cristallisation des divergences historiques sur fond de guerre d’influence entre communautés Ifoghas et Imghads de l’Adrar, tandis que le second sujet recèle tant d’équivoques pour lui attirer les hostilités d’une écrasante majorité des entités communautaires de l’espace géographique auquel elle se rapporte.
A en juger par ces deux aspects, la Conférence d’entente nationale aura visiblement plus contribué à l’étalage des divergences qu’au rapprochement de protagonistes d’autant plus difficiles à concilier que prédominaient dans les esprits les intérêts communautaires ainsi qu’une nette tendance à les faire valoir au détour de la recherche de la paix. Et un participant de confier à ce sujet que les autorités commettraient une grave erreur en tombant dans le piège qui consiste à privilégier les préoccupations des composantes les moins représentatives du Nord au détriment des voix les plus légitimes.
Qu’à cela ne tienne, l’événement aura été d’autant moins inutile qu’il a le mérite d’avoir brisé la glace en permettant aux acteurs de mettre les vertus du dialogue au-dessus de la méfiance et des nombreux autres motifs de rejet mutuel accumulés depuis 2012. Par-delà ce déclic favorable à une dynamique de communion et d’appartenance à la même patrie, la Conférence d’entente nationale pourrait également avoir posé les jalons pour conjurer le péril de la déstabilisation que ferait peser sur la République une éventuelle perturbation des agendas électoral et référendaire de 2018. Toutes choses qui expliquent sans doute sa tenue dans une précipitation qui dégage plus les relents d’un effort de conformisme envers l’Accord qu’elle n’est guidé par une volonté réelle d’obtenir une entente nationale. Au demeurant, celle-ci ne s’est probablement jamais éloignée des protagonistes que depuis la clôture de l’événement, et pour cause. Tout en concédant une poursuite du débat sur la problématique essentielle de l’Azawad – en annonçant notamment son examen par une commission de sages -, le chef de l’Etat a lui-même montré les couleurs de la discorde en fixant par avance les barrières infranchissables dans le traitement du sujet : pas question de conforter des prétentions territoriales ou une connotation politique de l’appellation, a -t-il prévenu à la clôture des travaux dans un ton quelque peu triomphaliste. Ce n’est pas ce qu’en pense le chef du Mnla Bilal Ag Asharif, qui a commencé à twitter sur l’allocution du président de la République avant même la fin de la cérémonie : «Nous ne saurions nullement parler d’entente sans l’atteinte d’un consensus sur le statut politique de l’’Azawad».
La Rédaction