Boycott de la conférence d’entente nationale par l’opposition : Rappel au Président IBK du rôle de l’opposition dans une démocratie !

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Conférence d’entente nationale

A la question de savoir quel sera l’effet de cette politique de la chaise vide lors de la Conférence d’Entente Nationale (CEN), le Président du PARENA, Tiébilé DRAME dans l’hebdomadaire panafricain Jeune Afrique a répondu en ces termes : «Nous n’avons pas été invités. Nous n’avons reçu ni termes de référence, ni programme des travaux».

Après enquête, nous avons effectivement trouvé que les cartes destinées à l’opposition ont été envoyées à l’Assemblée Nationale qui a fait savoir qu’elle n’avait pas pour mission de distribuer des cartes d’invitation d’une quelconque  conférence fut-elle d’Entente Nationale.

Au lieu de faire retourner le courrier aux organisateurs de la dite  conférence,  l’Assemblée Nationale a gardé les cartes au moment de  l’ouverture de la dite conférence. Cela dénote tout d’abord, le manque de sérieux dans l’organisation de cette conférence qui était supposée être inclusive.

Nous avons constaté que ce n’est pas seulement l’opposition qui a refusé dans ces conditions d’aller à la CNE, il y a aussi la CMA et la Plateforme qui avaient décidé de ne pas y participer, prétextant qu’elles n’ont pas été associées aux préparatifs de la CEN.

Le simple fait d’avoir demandé les termes de référence pour analyse  l’opposition  a reçu une fin de non-recevoir. Alors qu’en réalité, l’opposition souhaitait  l’améliorer pour prendre en compte d’autres aspects ignorés, tels que le système de gouvernance actuelle qui est décrié  dans les  régions, la corruption gangrenée  etc… En effet depuis 2012, une loi a été votée par l’Assemblée Nationale pour créer 10 nouvelles régions sur une période de cinq ans. Aujourd’hui avec la crise seules les régions de Ménaka et de Taoudéni sont opérationnelles. Les huit autres régions, malgré l’appel pressant des populations de ces localités, IBK est resté sourd à toute nomination de gouverneurs. Cela devait être un point important de la CEN, afin d’assurer un équilibre dans la gouvernance.

Dans l’Accord, l’Etat a été mis sur le même pied d’égalité que les Groupes armés, même cas  lors de la Conférence d’Entente Nationale. Légalement, les groupes armés devaient être associés à toutes les étapes au même titre que l’Etat. Le Gouvernement a eu tort de ne pas respecter ce qu’il a eu à signer en Mai 2015, même s’il est vrai que ces groupes, et particulièrement la CMA, trouvent toujours un alibi pour se dérober de ses engagements à chaque fois qu’il s’agit de poser un acte de l’Accord d’Alger. Cette conférence n’a pas fait exception à la règle, car il a fallu leur donner environ 400 millions  F CFA au total selon certaines sources pour qu’ils acceptent d’y être suite à une démarche appuyée de la Communauté Internationale et de la Société Civile malienne. Notons aussi que les réfugiés qui sont les plus grandes victimes de cette crise n’ont guère été invités. La Commission d’Organisation a fait sciemment de les oublier.

Le Gouvernement doit comprendre qu’il n’y aura ni paix, ni stabilité sociale sans ces réfugiés. Les Tamachèques  noirs, corvéables et maniables à la merci des Tamachèques blancs, ont été ignorés volontairement par l’Etat, afin de ne pas déclencher le courroux de la CMA.

Des associations importantes qui couvrent tout le territoire du Mali ont été  mises de côté exprès, parce que très critiques envers les actes posés par le Gouvernement depuis que le Président est à la tête du Mali. Ces exclusions ne sont pas de nature à amener une paix et une entente durable. Au lieu de chercher à discuter avec l’opposition et avec toutes ces organisations très critiques à l’endroit du Gouvernement, le Président IBK s’est mis à les sermonner, au moment où les groupes armés ont tenu à imposer leurs points de vue au Gouvernement qui a fini par accepter que la charte d’entente ne sera pas pour  cette fois-ci. Donc l’objectif pour lequel 300 personnes sont venues de tous les horizons du Mali  a été décalé, sous  la pression de la CMA et de la Plateforme. Que restera-t-il encore de la portée de cette conférence si le Président IBK ignore le rôle et l’utilité de l’opposition dans notre démocratie ?

Que le  Président IBK sache que  l’opposition a dans toute  démocratie, plusieurs fonctions.

Tout d’abord, l’opposition constitue un contre-pouvoir : elle permet d’éviter que la majorité, une fois parvenue au pouvoir, n’ait la tentation de mener une politique portant atteinte aux droits et libertés. Pour cela, l’opposition dispose de différents moyens : la mise en cause de la responsabilité gouvernementale devant l’Assemblée Nationale par la motion de censure, la saisine de la cours constitutionnelle, les questions posées au gouvernement dans l’enceinte parlementaire, les marches pacifiques …

L’opposition représente aussi la possibilité d’une alternance politique. Elle contribue  à l’existence du pluralisme politique, qui est une des bases de la démocratie. Ce pluralisme permet de choisir ses gouvernants. Or, il n’y a de choix véritable que si l’électeur peut se prononcer par le truchement de  plusieurs possibilités. Aussi, l’opposition, en proposant un nouveau cours à la politique nationale, permet aux citoyens éventuellement mécontents de disposer d’un recours. Avec les moyens, évoqués plus haut, à la disposition des parlementaires, elle peut manifester son désaccord envers la politique suivie et tenter de retarder sa mise en œuvre.

Enfin, l’opposition permet aussi de renouveler le personnel politique. Lorsque la majorité perd le pouvoir, une nouvelle génération d’hommes politiques peut trouver une place de choix dans l’opposition et se préparer ainsi à assumer des fonctions importantes en cas de victoire.

Le rôle de l’opposition est donc essentiel en démocratie. C’est pourquoi certains pays lui ont accordé  un véritable statut.

Le Président IBK a fini par mettre de l’eau dans son vin. Le fait de recevoir le Chef de file de l’opposition, ne diminue en rien son pouvoir, au contraire, il le grandit. De 2007 à 2012, IBK a été dans l’opposition sous la présidence d’ATT. Cette opposition était de façade, car elle était soutenue par des enveloppes bourrées de  quoi, on ne saurait le dire. En somme cette opposition était plutôt alimentaire et non démocratique et Républicaine. Malheureusement pour lui, l’opposition actuelle qui n’est pas alimentaire sait prendre ses responsabilités et taper du poing sur la table quand il le faut. Le Président IBK doit s’habituer à cette opposition constructive. Cela est une chance pour lui et pour la démocratie malienne.  Dans toute bonne démocratie la majorité gouverne l’opposition critique.

Ivette GUINDO

 

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