Le tout nouveau et jeune ministre de la justice, Malick Coulibaly, après avoir suscité tant d’espoirs liés à son exceptionnel parcours de magistrat, risque d’être moins la solution que la grande déception, à en juger par les procédures judiciaires qui polarisent actuellement l’intérêt de ses concitoyens. Qu’il s’agisse de celle relative à l’atteinte à la sûreté de l’Etat ou des poursuites ayant trait à l’agression du président de la République, des indices laissent croire que l’actuel Garde des Sceaux pourrait bien se révéler en deçà de la singularité qu’on lui prête.
En vertu de sa démission avec fracas d’une magistrature fortement écornée par les dénis de justice, il y a de cela quelques années, l’avènement de M. Malick Coulibaly a fort logiquement été perçu comme un espoir de redressement, à défaut d’une panacée contre les écorchures qui ternissent le visage du secteur. Comme pour éprouver la réputation et la notoriété du jeune Garde des Sceaux, deux affaires pendantes viennent de surgir sur la scène, dans la foulée des tournures que connaît la vie publique malienne, depuis le coup d’Etat du 22 Mars 2012.
Il s’agit notamment des brûlants dossiers d’atteinte à la sûreté de l’État et d’atteinte à l’intégrité physique du président de la République.
Sur la première affaire, le Gouvernement vient de rendre publique l’ouverture d’une information judiciaire contre un certain nombre de hautes personnalités militaires, parmi lesquelles l’ancien chef d’Etat-major particulier d’ATT, le Général Hamidou Sissoko, le Commandant Malamine Konaré, fils de l’ancien président Alpha Oumar Konaré, le Lieutenant Colonel Abdoulaye Cissé, chef de la région militaire de Sikasso, puis l’aide-de-camp du présidence de la République déchu, entre autres. Lesdites personnalités, est-il besoin de le rappeler, exception faite d’Abidine Guindo en cavale, sont l’objet d’arrestations depuis l’affrontement entre éléments du 33ème régiment de la Compagnie des Parachutistes et du Camp Soundiata de Kati. Provoqué par une éprouve de forces et une défiance entre les tout-puissants putschistes et la hiérarchie du Camp-para, le triste événement a occasionné une marée encore inestimable de victimes de part et d’autres, avec même des cas d’exécutions sommaires sur fond de règlements de compte. Toutefois, pour avoir tourné en faveur d’un camp, l’impartialité a visiblement subi un coup dans cette affaire qui dégage selon toute vraisemblance les relents d’une justice de vainqueurs. Celle-ci aura d’abord consisté en une lapidation médiatique de vaincus sans défense, contre lesquels le camp adverse a aussitôt retenu la conjuration avec des mercenaires, la déstabilisation de l’ordre constitutionnel, entre autres. Ces orientations sélectives initialement données par les vainqueurs sont sans doute celles qui ont guidé le Ministère public sous la gouverne de Malick Coulibaly, là où la situation requiert des enquêtes de clarification plus poussées. Et pour cause : l’événement aura pour le moins contribué à décimer l’armée malienne et ses contours continuent d’échapper à une opinion pourtant très curieuse d’en avoir le cœur net.
Au lieu de quoi, une justice à sen unique pourrait avoir raison des prévenus, tandis que de nombreux observateurs soupçonnent des crimes aussi odieux que les atrocités d’Aguelhoc.
Avec une allégeance aussi obéissante et flagrante envers le CNRDRE, auquel le premier parquetier semble redevable de son titre, il est logiquement difficile d’espérer un traitement moins désintéressé et des procédures ouvertes dans le cadre de l’atteinte à l’intégrité physique de la plus haute autorité de l’État, le président de la transition.
Pour faire bonne figure devant les pressions des regards étrangers, les autorités judiciaires ont certes fini par se résoudre à l’interpellation de nombreuses personnes, mais l’absence de spontanéité dans la démarche est notoirement indicative de procédures judiciaires tirées par les cheveux et fondamentalement viciées par une tacite complicité naturelle entre les agresseurs du Pr. Dioncounda Traoré et les parrains et bénéficiaires déclarés des initiatives ayant entraîné leur forfait, en l’occurrence la tentative d’investir le Capitaine Amadou H. Sanogo comme président de la transition. On ne saurait du reste raisonnablement exiger d’un protégé de la soldatesque putschiste une obligation de rigueur et de respect de l’équilibre totalement indifférente aux intérêts partagés avec les sympathisants de la junte.
Dans le brûlant dossier de l’agression du président de la République, la convergence d’intérêts est manifeste et sa prédominance laisse présager plus une parodie de justice qu’une volonté sans équivoque de débusquer des coupables.
Tout porte à croire, en définitive, que les justiciables maliens vont encore désillusionner, pour autant que les poursuites en cours ne tendent point vers une confirmation de la singulière réputation dont jouit l’actuel Garde des Sceaux, depuis son audacieuse démission de la magistrature.
A.Keïta