Depuis quelques jours l’opinion nationale est entretenue de l’acquisition par les autorités maliennes d’un avion de commandement d’une centaine de places de type Boeing 737-700. Au-delà des commentaires de paroliers spontanés en manque d’inspiration et adeptes de la critique désuète, ne s’agit-il pas là d’un dossier amplifié à dessein pour distraire les Maliens et leurs légitimes élus de leurs véritables préoccupations : la réconciliation et la reconstruction.
La première interrogation qui devait attirer l’expertise de tout analyste sur cette affaire est de savoir pour quel intérêt l’acquisition de cet appareil a été effectuée.
De façon péremptoire et tranchée, cet appareil en plus de ses plus-values de sureté, de sécurité et de gain de temps est d’un intérêt qui dépasse les seules personnes des autorités couramment citées dans les commentaires visiblement peu avertis. A l’image de toutes les puissances (Etats) du monde qui se respectent, le Mali a le droit et l’opportunité pratique de posséder un avion de commandement qui intègre à la fois les besoins de déplacement de l’Etat et le patrimoine public propriété inviolable du peuple tout entier. C’est le contraire qui aurait dû susciter chez tout citoyen patriote amertume et complexe. Sinon comment amalgamer investissement et gaspillage !
Secundo, il est question de savoir à qui appartient ledit avion qui fait tant de polémiques subjectives et ciblées sur les autorités : le Président IBK et le premier Ministre Moussa Mara ?
Au risque de saturer les communications d’opportunité données par les autorités soucieuses de promouvoir la transparence dans la gestion des affaires publiques, l’avion en question est un bien immatriculé au patrimoine public de l’Etat (défense) comme n’importe quel bâtiment ou véhicule roulant acquis pour le bon fonctionnement des institutions publiques émanant de la volonté démocratique de construire un Etat moderne fier de son passé et engagé à symboliser l’honneur et la dignité de son peuple qui vient de sortir courageusement de la tragédie injuste connue du monde entier. Cet appareil n’est-il pas avant toute autre considération un outil de travail indispensable, pour conduire une diplomatie à la dimension des enjeux actuels du Mali sur la scène internationale et assurer les missions institutionnelles dévolues ?
Tercio, les modalités d’acquisition de l’avion ont-elles violé la réglementation nationale applicable en la matière ?
En principe cette question essentielle, même occultée sciemment aurait dû primer sur toutes les autres perceptions. En effet, il ressort de toutes les investigations que toutes les garanties réglementaires et techniques ont entouré de bout en bout l’acquisition de ce bien public. Il s’agit notamment du code des marchés publics avec l’exigence de l’intégrer dans le collectif budgétaire de l’année en cours, à savoir dès juin prochain. Cet exercice est de coutume dans toutes les démocraties d’où l’institution des collectifs. Une autre garantie supplémentaire réside dans le fait que l’opération d’achat n’entame en rien, ni l’équilibre budgétaire des comptes publics, ni les engagements du Mali vis à vis des bailleurs ou des PTF dont le FMI avec lequel notre pays collabore depuis une trentaine d’années sans aucune contrainte de part et d’autre. A moins que certains cadres de ce Fonds confondent partenaires avec élus !
Quarto, quels en sont les modalités de paiement et les incidences budgétaires?
Il ressort également de nos investigations que le montant convenu de l’acquisition de l’aéronef et autres frais connexes est de 20 milliards FCFA. Pour le règlement de ce montant habituel dans le marché des avions d’occasion du même genre, le Gouvernement a fait recours au concours d’une banque de la place en occurrence la BDM SA à hauteur de 17 milliards pour un remboursement sur 4 ans. Quand au budget de l’Etat, il supportera le reliquat de 3 milliards (18%). Toutes les garanties sont donc obtenues que l’opération n’aura aucun impact ni sur les comptes sociaux, ni sur les soldes budgétaires de base convenus avec nos partenaires financiers. Contrairement à certaines rumeurs, l’opération n’a aucune interférence avec les engagements financiers de la Table ronde de Bruxelles sur lesquels plus de 1 500 milliards ont été déjà engagées à la date actuelle.
Quinto, existait-il d’autres alternatives ?
Beaucoup de néophytes en matière d’aviation s’évertuent avec une légèreté déconcertante à défendre deux thèses : la première est que le Mali disposerait déjà d’un avion (un Boeing 727 de 34 ans) et la seconde est que le Président de la République et le Gouvernement « devraient se débrouiller » s’ils veulent voyager.
Etudions la première hypothèse. Si nul ne nie l’existence d’un avion avec les emblèmes du Mali, son statut juridique et son état technique de navigabilité n’offrent globalement aucune assurance pour un Etat qui se veut responsable. Ces insuffisances sont corroborées par des expertises indépendantes. Alors même qu’ils font légion les Etats africains qui disposent de plusieurs avions de commandement. Nous n’en sommes pas là. Mieux, un avion n’est pas une bicyclette qu’on peut «débrouiller et bricoler». Ne dit-on pas chez nous que la ressemblance ne fait pas lièvre un descendant à l’âne.
Quant à la deuxième hypothèse, elle relève d’une opinion nihiliste doublée d’anarchisme qui méconnait la rigidité des vols commerciaux pour les plus hauts responsables d’un Etat respectable. Cette doctrine évolue mal par ailleurs avec le nationalisme ambiant dont se prévalent hypocritement les mêmes agitateurs qui auraient pu consacrer leurs temps à plus utile. Sinon que dire de cet ancien Chef d’Etat d’un pays voisin qui a fait faire la réfection extérieure de l’avion de commandement de son prédécesseur à 17 milliards FCFA et qui en a ensuite acheté un autre d’occasion à 21 milliards FCFA.
La troisième alternative fortuite et qui revient dans certains jugements est la location. Cette dernière hypothèse recule face à toute logique, la simple location d’un avion étant évaluée par les experts à 19,5 milliards sur 4 ans, pendant que l’acquisition défiée servira encore au moins dix nouvelles années. A vos calculettes ! Churchill nous enseigne que les hommes d’Etat pensent à la génération quand les hommes politiques pensent aux élections.
Par Ibrahim SANGALA pour Maliweb