Le gouvernement du Mali, représenté par les ministres de l’Economie, des finances et du budget, Tièna Coulibaly, de la Poste et des nouvelles technologies, Brahima Tolo, et de la communication, porte-parole du gouvernement, Manga Dembélé, ont rencontré la presse, le jeudi 13 juin 2013 au ministère de l’Economie, des finances et du budget. Objet : donner des éclaircissements sur l’affaire de la troisième licence de téléphonie globale.
Suite au tollé soulevé aussi bien au Mali qu’à l’extérieur par les conditions dans lesquelles la 3ème licence de téléphonie globale a été attribuée, le Mali a décidé de sortir de son silence coupable. Ainsi, trois ministres ont rencontré la presse pour tenter d’édifier l’opinion publique sur les zones d’ombre qui entachent le dossier, notamment le gré à gré et l’expiration du délai accordé à l’adjudicataire pour payer la totalité des 55 milliards de francs Cfa qu’il doit. Mais la tâche n’a pas été facile car les représentants du gouvernement n’ont pas pu convaincre toute l’assistance même s’ils ont tenu à préciser un certain nombre de points.
A l’ouverture des échanges, le ministre des Postes et des nouvelles technologies, Brahima Tolo, a retracé l’historique du secteur des télécommunications au Mali. A savoir l’engagement du Mali en 2002 à ouvrir le secteur des télécommunications qui a abouti à l’attribution de la 2ème licence à Ikatel, aujourd’hui Orange, suivie de la privatisation de la Sotelma-Malitel.
En ce qui concerne la 3ème licence, il a rappelé que les procédures ont commencé en 2011 quand un comité technique interministériel a été mis en place pour son attribution. En août 2011, la préparation de la note stratégique du dossier d’appel d’offres destiné à éclaircir les investisseurs potentiels a été élaborée. En octobre de la même année, l’appel d’offres a été lancé. Ainsi, cinq sociétés ont remis leur offre dans le délai. Mais au finish, c’est le Groupe Monaco Télécom-Cessé Komé et Planor d’Apollinaire Compaoré qui a été retenu. Car, selon Tolo, le groupe avait fait une proposition financière alléchante de 55,1 milliards de FCFA. Le paiement de cette somme, attendu en mars 2012, a été retardé à cause du coup d’Etat du 22 mars. Ainsi, explique le Ministre Tolo, le gouvernement a réactivé le dossier en septembre 2012 et approuvé le cahier de charges le même mois. En donnant un mois au groupement Alpha Télécom pour le paiement d’une première tranche de 33 milliard et 3 mois pour régler le reste, 22,1 milliards, au plus tard le 15 janvier 2013. Mais le groupe n’a pas pu honorer son engagement. Ce qui a amené le gouvernement à annuler l’adjudication provisoire.
Comment en est-on arrivé au gré à gré ?
Selon le ministre de l’Economie, si le bénéficiaire de la licence ne parvient pas à honorer ses engagements, on doit faire recours au deuxième groupe le plus offrant. En principe, l’opérateur néerlandais qui était en 2ème position après le groupe Monaco Planor-Cessé Komé avec 20 milliards. Apparemment, cette somme ne faisait pas l’affaire des autorités de la transition. Elles ont, par la suite, au lieu de passer un nouvel appel d’offre, comme le prévoient les textes, préféré passer un marché de gré à gré. A la surprise générale, au lieu de passer cette entente directe avec un autre groupe, les autorités se sont retournées vers ceux qu’ils avaient qualifiés d’”incompétents et défaillants”. Il s’agit de Monaco et Planor international.
Pour tenter de contenir tout le monde, le Ministre Coulibaly a souligné que le gouvernement est souverain par rapport à la gestion de la richesse du Mali et que le secteur des télécommunications en fait partie. Dans sa plaidoirie, il a argumenté que face à la crise qui a affecté l’économie couplée au départ des partenaires financiers, le pays était dans un besoin urgent. Il fallait trouver un moyen pour résoudre les affaires courantes de l’Etat.
Les aveux du ministre de l’Economie et des finances
Le Ministre Tièna Coulibaly a fini par reconnaitre qu’il fallait passer un appel d’offres. « Car il n’était pas question pour nous de retourner chez le 2ème postulant qui ne proposait que 20 milliards », a-t-il soutenu. Mais avec l’urgence, ajoute-t-il, il y avait la possibilité de passer le marché par entente directe. «C’est ainsi que le groupe Planor-Monaco télécom s’est immédiatement manifesté à s’engager avec l’Etat dans les même conditions. Il s’agissait de payer une première tranche de 33 milliards et le reste, 22, 1 milliards, 3 mois après» a avoué le ministre de l’économie, des finances et du budget. Faut-il le préciser, après annulation de la licence provisoire pour des défaillances, c’est ce même groupe, cette fois sans Cessé Komé, qui a été retenu pour le marché par entente directe.
Les incohérences du gouvernement
Après avoir annulé l’adjudication provisoire du Groupe Monaco-Planor et Cessé Komé pour le non respect de ses engagements, en l’absence de Cessé Komé, le reste du groupe a accaparé le marché et n’arrive pas à honorer une fois de plus ses engagements. Après le paiement de 33 milliards au compte de la première tranche, ce groupe avait jusqu’au 13 mai dernier pour se mettre en règle. Un mois plus tard, il n’ pas pu régler le reliquat de la facture, 22, 1 milliards. Au lieu d’annuler cette licence, le gouvernement a d’autres arguments pouvant permettre à l’adjudicataire actuel de s’acquitter de son dû.
Suite aux questions des confrères relatives à la légalité du marché gré-à-gré, au paiement des 33 milliards de la première tranche et celui de la dernière tranche ainsi que la possibilité d’annuler la licence si ces conditions n’étaient pas remplies, le ministre a avancé certains arguments. «Le gré-à-gré, même avec un tel montant est légal. Le gouvernement ne travaille pas par hasard, nous travaillons sur la base des textes. Je précise que personne d’autre ne nous a contactés sauf le Groupe Monaco-Planor. Au sujet de la première tranche, les 33 milliards ont été payés par l’adjudicataire. Mais le reste n’est pas encore versé », a déclaré le Ministre Coulibaly.
En réponse à la question de savoir s’il a été soudoyé, le Ministre Tièna Coulibaly, en colère, a répondu qu’il ne l’a pas été et qu’il ne se laisserait jamais soudoyer par quelqu’un. « A part le jour de la signature, depuis le début de cette affaire, je n’ai reçu ni Apollinaire Compaoré, ni Cessé Komé, encore moins leurs émissaires », a-t-il affirmé.
A la question de savoir si le Mali ne devrait pas annuler cette licence suite à l’incapacité du bénéficiaire du marché à payer le reliquat, le ministre de l’Economie a posé des conditions : «Pour que le gouvernement annule l’adjudication, il faut que l’adjudicataire soit en retard de 6 mois par rapport à la date butoir de paiement du reliquat. Mais avant, il y a d’autres sanctions. A 3 mois de retard, le réseau et les services doivent être suspendus et le retrait intervient après 6 mois de retard». C’est-à-dire que le Burkinabé a encore 5 mois pour régler la facture, faute de quoi, la licence lui sera retirée. Reste une interrogation : pourquoi n’a-t-on pas donné 6 mois à l’adjudicataire qui s’est vu déposséder de la licence ?
Oumar KONATE
Tièna Coulibaly :
Un ministre allergique aux critiques
A le voir de loin, le ministre de l’Economie, des finances et du budget, Tiéna Coulibaly, donne l’impression d’être très ouvert aux critiques. A preuve, notre ministre affiche un large sourire pour un rien. Mais détrompez-vous, car derrière cette apparence joviale de M. Coulibaly se cache une propension à se dresser contre tous ceux qui ne le caressent pas dans le sens du poil. Lors de sa sortie avec ses homologues de la Communication et des Nouvelles technologies pour s’expliquer sur les conditions de l’attribution de la 3ème licence de la téléphonie globale, le Ministre Tièna a failli transformer la conférence en un procès du journal Le Prétoire. En effet, il a saisi cette occasion pour s’en prendre à votre bihebdomadaire à cause d’un article de notre dernière parution intitulé : «corruption dans l’attribution de la 3ème licence : quand Apollinaire entraîne le Ministre Tièna et le Vgal dans son jeu !». Dans ledit article, nous nous sommes simplement posés la question de savoir si le ministre de l’Economie, des finances et du budget n’a pas été soudoyé par l’adjudicateur de la troisième licence. Cette phrase a heurté la sensibilité de notre cher ministre par le fait qu’il n’a pas pris le soin de faire la distinction entre une phrase interrogative et une phrase affirmative. Après avoir répondu par la négative à la question que nous nous posions, le Ministre Coulibaly a focalisé son intervention sur cette phrase. Est-il nécessaire de lui rappeler que si on accepte d’être un homme public, on encaisse aussi des critiques?
Oumar Konaté