L’année 2018 qui vient de s’écouler a été, pour le Mali, une année de crises multiformes causées par la mauvaise gouvernance. La nouvelle année vient alors de se positionner sur ces vieilles contradictions non encore résolues. Il revient alors aux autorités de changer de fusil d’épaule pour cette nouvelle année qui débute pour voir à nouveau le Mali émerger.
Chaque nouvelle année reste jalonnée par de nouveaux défis à relever. Des défis qui ne sont pour la plupart que des prolongements des épines de l’année écoulée non enfouies dans le sous-sol. L’année 2018 a été, pour le Mali dans son ensemble, une année trouble marquée par une élection présidentielle contestée jusqu’à la moelle, par des crises sociales, voire sécuritaires. 2018 aurait pu être appelée l’année de la fracture sociale de par la montée en puissance des conflits intercommunautaires et l’extension du terrorisme au centre, voire au sud du pays. L’élection présidentielle a porté un coup sérieux à cette situation déjà alarmante puisque durant cette période une impression d’abandon du navire à lui-même a été donnée. Chacun s’affairait à l’organisation de sa campagne et nul ne songeait réellement à la patrie. Cette élection, comme on pouvait s’y attendre, n’a donné lieu qu’à une forte contestation des résultats obtenus par la majorité présidentielle. Une victoire sur fond « de fraudes ou de bourrage d’urnes », a-t-on décrié. Cette situation ajoutée à celle au centre du pays où on a dénombré 500 victimes civiles entre janvier et août 2018 et 15 000 déplacés a donné une mauvaise image du Mali faisant de cette nation un récalcitrant aux droits de l’homme.
La liberté de manifestation, d’expression, et même la liberté d’information ont été toutes menacées durant cette année écoulée où nous avons vu des hommes de presse subir des pires formes de tentative de bâillonnement. Le cas Boubacar Yalkoué, directeur de publication du journal Le PAYS, le cas Issiaka Tamboura , directeur de publication du journal Le SOFT, le cas de Hamidou Touré El Hadji, directeur de publication de Malimedias.com, etc. ; constituent des preuves de la reculade du Mali en termes de liberté de presse ,voire d’expression. À cela s’ajoute la censure des réseaux sociaux durant la veille et le jour de publication des résultats du second tour de l’élection présidentielle. En ce qui concerne la liberté de manifestation, elle a été également mise dans les fers à travers la répression des manifestants pacifiques contestant les résultats de la présidentielle. On se rappelle aussi que le Gouverneur du District de Bamako a pris un arrêté le 04 décembre 2018 pour interdire les manifestations, rassemblements, et réunions dans certaines zones et lieux dans la capitale malienne, une décision qui viole la constitution malienne.
Partant de tout ce qui précède, nous ne pouvons qu’espérer un changement drastique en 2019. Une nouvelle année qui naît sur fond des anciennes contradictions non encore résolues, notamment sur le plan sécuritaire, éducatif avec le programme d’éducation à une sexualité complète, l’ébullition du front social par des revendications légitimes, etc. Comme pour attirer l’attention des autorités sur l’urgence d’agir, le 1er janvier 2019 a été arrosé par une attaque au centre du pays faisant 37 morts, ensuite le 2 janvier à Tori avec un bilan léger. Ces attaques en cascades constituent des avertissements aux autorités étatiques en les invitant à agir pour la résolution du conflit qui sévit dans le centre et qui, si des solutions rapides ne sont pas cherchées, s’étendra sur tout le sud voire sur la capitale Bamako. En ce qui concerne le Front social, le grand syndicat des travailleurs, l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM) prévoit d’ores et déjà une grève de 72 heures à partir du mercredi 9 janvier prochain. Outre celle-ci, les syndicats du secteur éducatif signataires du 15 octobre exécutent ce matin leur mot d’ordre de grève. Une année qui débute mal pour le pays, car ces grèves ne serviront qu’à paralyser les administrations publiques.
Tous ces faits sont interpellatifs. Ils traduisent l’urgence d’agir. Nous reconnaissons qu’un seul État est incapable de satisfaire en un seul coup à une telle forte demande sociale. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle des auteurs comme Karl Popper, intellectuel anglais du 20e siècle et Étienne Tassin, philosophe français décédé en décembre 2017, ont tous eu à le remarquer qu’il ne fallait pas faire de la politique le lieu du bonheur, car le bonheur collectif est inatteignable dans la mesure où les hommes ne mettent pas leur bonheur dans un seul et même objet. En conséquence, si Tassin demande de reconnaitre l’ « énigme de la politique », Popper recommande d’agir au « coup par coup ». On peut résoudre tous les problèmes en donnant satisfaction aux revendications de toutes les corporations qui auront d’ailleurs toujours des revendications, mais on peut montrer notre bonne volonté en les résolvants par tour de rôle en commençant par les plus urgentes pour descendre comme par degré aux moins urgentes.
2019 doit être pour le Mali, le Sahel et le monde entier celui de la paix et du respect des droits de l’homme. Pour ce faire, il convient que les dirigeants de nos pays respectifs se mettent non seulement à l’écoute des partis d’opposition, mais aussi des citoyens. Chacun a son mot à dire en matière de construction de l’édifice national. À ce titre, l’impunité dont a été accusé le gouvernement malien en 2018 face à la situation au centre du pays, il conviendrait qu’il s’assume cette année en effectuant des enquêtes sur les auteurs des atrocités au centre aussi bien qu’au nord et de les poursuivre en justice. Tant que les populations victimes verront leurs bourreaux en circulation librement, nous ne pouvons pas espérer sur une résolution de ces conflits. La circulation des armes doit être contrôlée de manière beaucoup plus accentuée. Le gouvernement du Mali doit se montrer plus proche de ces victimes pour qu’on puisse voir de nouveau un Mali plus uni, fort et prospère rayonnant partout dans le monde. En ce qui regarde le secteur éducatif, après résolution des revendications, des réformes doivent être instituées afin d’adapter le contenu des apprentissages au marché de l’emploi. Ces réformes doivent commencer du fondamental jusqu’à l’université. Pour réussir tous ceux-ci, la gestion des ressources économiques doit changer en luttant non seulement contre la corruption, mais aussi en faisant bénéficier les nationaux des richesses locales dont la plupart sont exportées présentement. Avant de finir, comme autre défi à relever, c’est l’organisation des législatives permettant de remplacer les députés dont les mandats sont arrivés à terme depuis le 31 décembre 2018. Enfin, sur le plan agricole, convient-il de rappeler non seulement les effets des pluies diluviennes sur les récoltes, mais aussi de la crise intercommunautaire faisant fuir maints agriculteurs. Cette situation risque d’engendrer une crise alimentaire au cours de cette nouvelle année. L’État malien doit alors songer à prévenir cet avènement, car la famine engendre avec elle d’autres crises qui peuvent contribuer à l’aggravation du terrorisme, voire de l’immigration. Le Mali doit être au faîte du développement en 2019.
Fousseni TOGOLA