De Toumany Diallo et Djénéba Diakité, est né Yoro Diallo, appelé affectueusement Tchècorobani, (petit vieux en bambara). Marié et père de quatre enfants, Yoro est originaire du Wassoulou, précisément de Wassada, village situé dans le cercle de Yanfolila. La musique, pour Yoro, c’est plus qu’une vocation. C’est un don qui s’est manifesté dès sa tendre enfance. En effet, aucun de ses deux parents ne l’a pratiquée comme profession. Mais très tôt, en bon autodidacte, avec le kamélén n’goni, cet instrument fétiche à six cordes, Yoro va développer avec somptuosité un genre rythmique qui a fini d’asseoir sa personnalité musicale reconnue au-delà des frontières, grâce à ses doigtées magiques.
Pour l’histoire, il faut savoir qu’en 1979, jeune musicien qu’il était, Yoro avait déjà conquis le cœur des populations des 363 villages du Wassoulou. Dès lors, en reconnaissance de sa grande manie du Kamélén N’goni sur une voix tonitruante, on va le surnommer Wassada Djinin. C’est-à-dire le génie de Wassada. De fil en aiguille, jouant et chantant ça et là, sa réputation va grandir, faisant ainsi de lui l’un des précurseurs du Kamélén N’goni dans tout le septentrion malien. Pour preuve, à la différence de Kagbè Sidibé et Coumba Sidibé, toute la jeune génération d’artistes chanteurs de la contrée, a, à un moment ou un autre, interprété une de ses chansons. Fort de toutes ces expériences, notre virevoltant musicien chanteur, dans un souci d’élargir son champ d’action vers d’autres horizons, va en 1980 s’installer en Côte d’Ivoire voisine, qui était jadis, une plaque tournante de la musique africaine. sans s’éloigner de son instrument, il va, pour joindre les deux bouts, se trouver un boulot au Port autonome d’Abidjan.
En 1982, invité par la communauté malienne comme percussionniste lors de la visite de François Mitterrand alors Président français, Yoro va emporter avec lui son instrument phare, le Kamélén N’goni. A cette occasion, il va tenir en haleine, d’une manière majestueuse et époustouflante, le public. Ce fut le déclic d’un nouvel air pour l’aventurier qu’il était. Car il sera, dès lors, sollicité çà et là, pour animer des soirées, baptêmes et autres manifestations socio culturelles et sportives, à travers la ville d’Abidjan et environs. Dans la foulée, en 1991, le grand producteur Samassa, à travers Samassa Production, va lui ouvrir les portes du studio de James Scot pour l’enregistrement de sa toute première discographie (K7), " Benkan" (les hommes sont différents les uns des autres). Ce premier album de six titres, sorti en 1992, verra la participation des requins, tels Maïkano, Bahiny Koïta… Coup d’essai, coup de maître ! Car, ce fut pour lui le début d’une carrière musicale.
Ce sera donc l’occasion pour notre artiste aux multiples facettes de retourner au bercail après plusieurs années passées en Côte d’Ivoire. Fort du succès de cette première tentative, il va récidiver en 1994, avec l’album " Djandjo ", sous le label et la houlette du grand arrangeur, Mamane Tandina et du guitariste émérite Bahiny Koïta. Toujours à la même année, Yoro va, en duo avec son jeune frère Samba Diallo, mettre dans les bacs l’album " Badeya ", (fraternité). Cette fois-ci, chez Camara Production.
En 1996 sortira ”Wassolo Yiri”, un album qui a été enregistré avec la complicité de son ex-épouse, feue Tènin Sidibé. Une production qui restera mémorable pour Yoro car en plus du décès de son ex-épouse, vont décéder, l’une après l’autre, Ramata Diakité, Tènin Kadja Diakité, Tata Diakité qui toutes les trois avaient assuré les chœurs. Paix sur leur âme
Mais, c’est en 2004 que le maestro du Kamélén N’goni va connaître la consécration avec la sortie de l’album de huit titres, (CD, K7), intitulé ”Retour”, produit par Youssouf Bocoum. Cet album comporte un titre en hommage à Lamine Sissoko, célèbre animateur de la Chaîne 2 de la Radio Nationale, qui va connaître un succès fou auprès des mélomanes maliens.
Aussi, se suivront des tournées dans plusieurs pays européens et africains sur invitation des communautés maliennes. Nous voila en 2006. La solitude n’étant pas de son monde, Yoro, en duo avec Djaguawara Sali, son épouse, vont rentrer en studio pour produire l’album ”Dounya Kadi” (le monde est merveilleux). Cet album de huit titres (CD et K7), est le sixième du genre pour le ma^tre du kamélén n’gonni.
Après avoir effectué des sorties hors du Mali dans le cadre de la promotion de ce chef d’œuvre, Yoro Diallo va observer un silence de plus de cinq ans. Le génie de Wassada et maître incontesté du Kamélén N’goni que nous avons rencontré dans sa résidence privée à Kabala, un quartier chic et reposant, se dit en pleine répétition avec son élève chouchou, Issa Diarra, dans le cadre de son futur album en cours d’enregistrement.
A la question de savoir s’il reste toujours dans la même lancée musicale, notre interlocuteur, très décontracté et dégourdi, se dit plus que jamais déterminé à travailler dur pour être à la hauteur des attentes de ses nombreux fans à travers le Mali, l’Afrique et ailleurs dans le monde.
"Vous savez, à mon humble avis, la tradition est ce qui nous lie à notre passé. C’est notre repère. La culture, c’est l’ensemble de nos mœurs, coutumes et us caractérisant nos valeurs sociétales ; tandis que la modernité, c’est l’harmonisation de toutes ces valeurs dans le présent pour le futur. Il faut donc savoir se mirer dans son passé afin de mieux appréhender le futur. Pour moi, c’est très important de garder ses racines comme repère, quelque soit ce que l’on fait ", nous a-t-il dit en substance.
Ceci nous amène à prédire qu’il faudrait s’apprêter à savourer très bientôt des sons très originaux. Ce qui fait la particularité et l’originalité de Yoro, c’est son enracinement dans la tradition et son ouverture à la modernité. Comme pour dire les pieds à terre et la tête vers le ciel aux étoiles lumineuses.
Très ambitieux, l’artiste qui se définit comme un pont culturel entre les générations et les époques s’inspire des faits et problèmes de la société et aborde plusieurs thèmes dans ses chansons. Pour aller à la conquête du marché européen, américain et asiatique, il promet une musique langoureuse, des mélodies soft et limpides, sur des rythmes cadencés avec une tendance world, comme dirait l’autre.
Cinq années de silence, pour notre artiste aux influences multiples, est synonyme de prise de recul, pour mieux s’inspirer, afin de revenir avec force, casser la baraque et faire vibrer enfants, femmes, jeunes et vieux.
Rendez-vous est donc pris pour les semaines ou mois à venir pour le prochain album de Yoro Diallo qui, nous espérons, sera un opus et lui ouvrira les portes des majors (grandes maisons de disques), pour mener enfin une carrière internationale digne de ce nom. " Qui veut aller loin, ménage sa monture " dit-on.
Voila pourquoi l’artiste, pour ne pas rester en marge de la mondialisation, s’est créé un site www.yorodiallo.net.
Bandiougou DIABATE
bandjoul@hotmail.com