Touma Diabaté, artiste musicienne : ‘’Certaines artistes convoitent le mari des autres’’

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‘’Nous devons nous entendre entre nous. Que chacune arrête de chercher le mari de sa camarade…Si ton mari décide de prendre une seconde épouse, il n’y a pas de mal à ça. Mais si une autre femme le drague, c’est ce qui peut déstabiliser les foyers et ce n’est pas bien…tu es peinarde dans ton foyer et ton mari est en train de passer du bon temps dehors avec une voleuse de mari ! Ce n’est pas acceptable. ‘’

Touma Diabaté est la nouvelle coqueluche de la musique malienne. Elle vient de faire la dédicace de son nouvel album intitulé «Jatigui» un des succès actuels du petit écran. Nous l’avons rencontrée pour vous.

Qui est Touma Diabaté ?

C’est mon nom. Je suis originaire de Ségou, je réside à Bamako. Je suis issue d’une famille de griots, mon père c’est feu Tidiane Diabaté (Paix à son âme !) et ma mère s’appelle Dioncounda Kouyaté.

Vos parents étaient-ils des artistes ?

Je peux dire : ‘’oui’’. Mon père était griot mais parlait plutôt. Il se chargeait de véhiculer les messages. Il faisait le «Tarqui».

C’est quoi le «tarqui » ?

C’est parler des gens qu’on connaît bien, raconter l’histoire de leur famille, leurs origines, leurs descendances etc.

Et votre mère ?

Ma mère est une grande chanteuse. C’est elle même qui a initié «Fanta Demba Tchini» à la chanson. En tout cas, j’ai trouvé le griotisme dans ma famille. Tous mes aînés chantent. C’est dommage que je sois la seule connue.

Quand avez-vous donc commencé à chanter ?

Depuis à peu près l’âge de cinq ans, parce que j’ai trouvé mes parents sur ce chemin. La chanson c’est mon destin, mon boulot.

Vous avez réalisé combien de cassettes à ce jour ?

J’ai deux cassettes à mon actif. La première, je l’ai faite en 2004. Elle est intitulée « Débi » ; la seconde, en 2006. Son titre est : « Jatigui »

‘’Jatigui’’ marche beaucoup sur le marché. Pourquoi avez-vous choisi ce titre ?

C’est pour remercier les « Jatigui ». Ils nous supportent, font tout pour nous. Ce sont eux qui nous donnent de l’argent, nous habillent. Même la nourriture que nous mangeons, c’est eux. Bref sans eux, nous n’existons pas.

C’est quel genre musical ?

Je chante le « Badiourou ». Les jeunes griots de nos jours ont changé carrément de rythme. Ils modernisent trop leur chanson. Je leur dis de ne pas arrêter de chanter les anciennes chansons, parce que les gens aiment ça. Souvent dans les « soumou », les «horon » nous demandent de chanter les anciennes chansons. Moi-même, je chante ces chansons et les gens m’appellent à longueur de journée pour me dire de continuer sur cette lancée.

Rencontrez-vous des difficultés, si vous en avez bien sûr…

C’est vrai qu’on rencontre des difficultés. Dans tous les métiers du monde, des difficultés existent.

Et les vôtres ?

D’abord au niveau des cérémonies sociales que nous couvrons. Nous sortons de chez nous, arrêtés sur nos pieds du matin au soir.

Ensuite les producteurs qui nous aident à sortir nos cassettes. Les cassettes sortent, on n’y gagne rien.

Les stickers n’ont donc pas résolu ce problème ?

Je ne le pense pas, parce que même la veille de ma dédicace, en me rendant à l’Ortm, j’ai croisé non loin de là un vendeur ambulant avec mes cassettes piratées. Vous voyez un peu les difficultés. Vous passez votre temps à travailler et c’est une autre personne qui en profite.

Est-ce que ce n’est pas un peu de votre faute, n’étant pas organisé comme les artistes le sont dans d’autres pays.

C’est peut être vrai.

Comment remédier à la piraterie ?

Ce problème, on en parle trop souvent. Nous faisons toujours des messages de sensibilisation, on a brûlé les œuvres piratées, les artistes ont marché. Si Dieu le veut, ça prendra fin un jour sinon, nous, on n’y peut rien.

Et les difficultés entre artistes ?

Avant et maintenant, c’est différent. Avant les griots s’aimaient.

Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Quand on se rencontre lors des cérémonies, on se dit à peine bonjour. Il faut que ces animosités cessent. Nous avons pour mission de concilier les hommes, nous devons donc nous entendre en premier lieu.

Cette mésentente est due à quoi, selon vous ?

La jalousie, l’hypocrisie. Certains sont jaloux de ce que gagnent d’autres, parce qu’ils veulent avoir la même chose, sinon plus. Il y a aussi les problèmes de rivalités entre femmes. Certaines sont là rien que pour convoiter le mari des autres. Il faudra que nous regardions un peu en arrière, savoir d’où on vient pour refuser certains comportements qui n’honorent pas. Il faut mesurer les conséquences des actes que nous posons. ‘’Que si je me comporte de cette manière, les gens vont penser quoi de moi?’’ C’est très important. Si tu considères ces choses-là, tu ne tomberas pas dans certains pièges du milieu. Moi, Touma, j’ai trop peur de poser des actes répréhensibles. Personne ne connaît de mal de moi. Je me maîtrise, je fais de mon mieux pour être bien.

Parlant de mari, en avez-vous?

Oui je suis mariée, c’est dans mon foyer que vous êtes en train de m’interviewer.

Qui est votre mari ?

Mon mari, c’est Karim Tounkara

Il est griot comme vous ?

Oui, mais il joue les instruments.

Vous avez des enfants ?

Oui, j’ai deux enfants, toutes des filles

Quels conseils avez- vous à donner à vos sœurs griottes ?

Nous devons nous entendre entre nous. Que chacune arrête de chercher le mari de sa camarade

Mais puisque la polygamie est permise par notre pays…

Oui, c’est vrai. Si ton mari décide de prendre une seconde épouse, il n’y a pas de mal à ça. Mais si une autre femme le drague, c’est ce qui peut déstabiliser les foyers et ce n’est pas bien. En d’autres termes, si nos hommes nous épousent et nous mettent ensemble, c’est ça même qui est bien. ‘’Mais, tu es peinarde dans ton foyer et ton mari est en train de passer du bon temps dehors avec une voleuse de mari, ce n’est pas acceptable. Qu’il la fasse venir à la maison, c’est encore mieux.

Que désirez vous le plus ?

C’est d’être connue partout. Je désire me produire à l’extérieur, parce que je n’y suis jamais allée. Je veux avancer dans la vie, parce qu’on travaille pour avancer, non pour reculer.

Quel est votre dernier mot, s’adressant au public ?

Je remercie infiniment mes «Jatigui». Lors de la dédicace de ma dernière cassette, ils ont fait de leur mieux. Ils sont sortis massivement pour me soutenir. Ils nous donnent tout, jusqu’à la nourriture que nous mangeons. Je leur dis toute ma reconnaissance.

Entretien réalisé par Binta Gadiaga

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