Toma Sidibé entre France et Afrique : Expérience de l''exil

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Paris 01/03/2007 – Depuis l’album Mali Mélo, Toma Sidibé, le plus africain des jeunes musiciens français, a trimballé ses percussions au Brésil, en Egypte, ou sur des scènes de théâtre pour enfants. Dans Matin d’Exil, il raconte en français, bambara et peul, la vie d’Hammady, aîné d’une famille malienne, contraint à l’exil.

Qu’est-ce que tu as fait entre Mali Mélo sorti en 2003 et Matin d’Exil ?

Suite à Mali Mélo, on a pas mal tourné à l’étranger, notamment au Brésil pendant un mois et en Egypte en partenariat avec Cultures France (ex-Afaa, ndlr). Nous y sommes allés une première fois pour le festival de la Francophonie. Comme cela s’est très bien passé, on est revenu à deux reprises en résidence. Ensuite, je suis reparti seul au Caire et j”ai choisi des musiciens en fonction de leurs instruments (violon traditionnel, oud, derbouka…), ainsi qu’une chanteuse de zar, – une musique thérapeutique de transe et une autre grande voix du répertoire populaire du delta du Nil. On est parti ensemble jouer au Caire, à Alexandrie et Port Saïd des compositions et des morceaux réarrangés. Ce genre de projets allie tout ce que j’aime : musique, rencontres, voyage…

Et ensuite, tu as travaillé sur Matin d’Exil…

Oui, d’abord, on a fait des maquettes proposées à Sony puisque Mali Mélo était sorti sur le label Small (qui n’existe plus aujourd’hui). Ensuite, a commencé la longue période d’attente. Nicolas Bouchillou venait de monter son studio dans d’anciennes blanchisseries à Ivry. Donc on a décidé de l’inaugurer et de le produire par mon association A ni foly. Le tonton Cheikh Tidiane Seck joue du clavier, Mamani Keita chante aussi sur trois morceaux, Guizmo a composé le titre L’Aîné et mon papa malien Séga Sidibé est bien sûr là aussi. C’était il y a un an et demi. Pendant le studio, ma femme était enceinte de jumeaux, j’ai donc confié la réalisation à Nicolas l’ingénieur du son et à Jérome Drû, le flûtiste.

L’émigration était déjà très présente sur Mali Mélo. Sur Matin d’exil, tu racontes la vie d’un Peul émigré en France. Pourquoi cette thématique?

Initialement, ce n’était pas prévu. On a maquetté tous les morceaux et on s’est rendu compte qu’il y a avait un vrai dénominateur commun. Du coup, on a mis de côté certains titres et rajouté d’autres éléments pour faire sens. L’émigration est un sujet qui me touche, car avec le parcours que j’ai eu, la chance de vivre en Afrique et de parler une des langues majeures d’Afrique de l’ouest, j’ai le devoir de montrer l’Afrique différemment. En voyant la situation des immigrés en France et la méconnaissance des cultures africaines, j’ai pensé qu’il serait intéressant de raconter l’histoire d’un personnage vivant cela. C’est donc Hammady, l’aîné d’une famille peule. J’ai choisi un Peul, car on dit que ce sont des traditionnels "campants/ décampants". Aujourd’hui, les Peuls d’Afrique vont vers les villes ou vers l’Europe. Cheikh Tidiane Dia qui joue de la kora, chante en peul sur plusieurs morceaux et mon nom, Sidibé est un nom peul.

Dans Matin d’Exil, tu racontes les différents moments qui jalonnent la vie de l’émigré, à cheval entre deux continents. Est ce que cela ne reflète pas aussi ta position, toujours entre l’Afrique et la France ?

C’est exactement ça. Depuis des années, je connais des Maliens, des Sénégalais qui vivent à Amiens et dont je connais les familles à Bamako, dans les villages etc…Et donc à chaque fois que je pars c’est avec des paquets pour les sœurs, les parents, les oncles etc. A chaque fois, je passe du HLM de la famille pour qui soi disant tout va bien, à la cour de Bamako, où l’argent manque mais où tout le monde vit ensemble. L’album éclaire, j’espère, les réalités des deux côtés, et s’adresse autant aux Français qu’aux Maliens. Sur scène, on fera vivre l’histoire certainement plus intensément. Car sur scène, on peut introduire, raconter…
Dans cet album, on passe de la musique mandingue à l’afro-beat…

Ce sont toutes nos influences. Souvent, j’arrive en studio avec une base mélodique et des paroles mais on crée ensemble la rythmique. Personnellement, j’ai la culture de la musique du Mali, mais aussi la culture reggae ou hip hop. Ben Gbeuly (basse, guitare) maîtrise les rythmes de Côte d’Ivoire, Tidiane a appris la kora dans la pure tradition, Jérome Drû emmène sa flûte sur des terrains musicaux très différents, l’afro beat ou le jazz…Donc l’album est un condensé de tout cela. Mais on pourrait passer sa vie à faire des albums en s’inspirant des rythmes d’une région du Mali, c’est tellement énorme !

Prépares-tu un déjà un nouvel album ?

Je réfléchis à sortir un disque cinq titres avec les morceaux conçus en Egypte, mais c’est à l’état de projet. J’ai envie que mon prochain album parle de la famille. Il s’appellera Dembeya Song. "Dembeya", c’est la famille en bambara. Pour l’instant, j’ai des morceaux épars, des idées d’invités. Il me faut assembler le puzzle.

Toma Sidibé Matin d’exil (Productions spéciales) 2007
En concert à Paris le 20 avril 2007 à La Maroquinerie

Eglantine Chabasseur

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