«Tale» de Salif Keita : Une inspiration universelle pour quitter la scène ?

4

Sorti le 12 novembre 2012, «Talé» (Universal) de Salif Kéita ne cesse de grimper dans les hits les plus prestigieux du showbiz mondial. Ce qui ne surprend guère puisque cet opus de onze titres est conçu pour plaire, faire plaisir, surtout faire danser. Une œuvre qui sonne un véritable «métissage musical» avec une radieuse harmonie entre instruments modernes et une fascinante mélodie mandingue. Un condensé de rythme et de valeurs humaines essentielles. Est-ce la dernière délicieuse galette que le Rossignol offre aux mélomanes ? Salif en a révélé l’intention. Mais, la décision sera difficile à prendre.

 

Salif Keïta,  président Uapreem
Salif Keïta, président Uapreem

Combiner les rythmes africaines aux mélodies modernes (rock, soul, jazz, raga…) pour faire danser le monde ! C’est le défi relevé par le rossignol de la musique mandingue, Salif Kéita, dans son nouvel album, «Talé».

Un opus destiné à faire bouger les mélomanes comme le souhaite l’artiste dans le titre « C’est bon, C’est bon » ! Et ce talent incontesté prend du plaisir à faire danser son monde. Un plaisir qu’il préfère à toutes les fortunes du monde et à tous les pouvoirs.

Fidèle à sa tradition, «Talé» est un condensé de sagesse dans un monde en décadence morale et en quête de valeurs. «L’habit ne fait pas le moine», rappelle-t-il (C’est bon, C’est bon). Il poursuit, dans la même chanson, «il ne faut envier personne pour sa richesse ou pour son pouvoir qui ne sont pas forcément des signes de vertus». Le plus important, c’est de se fixer des ambitions et de se battre loyalement pour les atteindre.

A cheval sur les valeurs qui ont toujours fait la force de notre société, Salif attire à nouveau le regard sur la vieille institution qu’est le mariage «Chérie s’en va» ! Une fille a beau être adorée et choyée par ses parents, elle doit s’en aller un jour. Tout est illusion pour elle avant de découvrir les réalités de la vie conjugale. Le Rossignol de Badougou-Djoliba, célèbre le mariage comme le summum de l’épanouissement de la fille, de la femme. C’est pourquoi, chante-il, «que l’on soit présidente ou ministre, il faut toujours avoir l’humilité de respecter le mariage».

Tassi est sans doute notre coup de cœur sur ce somptueux album qui, hélas, est annoncé comme le dernier par l’une des plus talentueux de la musique. Très acoustique. Ce titre aurait été improvisé un jour pour consoler Tassi Diané de la perte de son unique fils. Au delà de l’émotion et de la mélancolie qui ressort de cette dédicace, cette chanson met en relief la beauté vocale de Salif.

Une voix que l’on découvre dans toute sa puissance, dans toute sa beauté et dans une dimension émotionnelle incommensurable. Ce qui nous conforte dans notre conviction qu’on ne mesure mieux le talent du promoteur de l’Espace culturel «Le Moffou» que dans ses œuvres acoustiques.

 

Le chemin du destin

Talé, c’est aussi l’histoire personnelle, un conte bien rythmé avec «A demain». Les parents et l’être aimée ne voulaient pas qu’il fasse la musique ! Et le gouvernement à fermé les portes de l’enseignement à l’albinos sous prétexte qu’il «faisait peur aux élèves». Impossible aussi de devenir paysans avec une peau aussi sensible et fragile comme la sienne.

Pour être utile à sa famille, il a pensé faire le commerce. Difficile quand on n’a pas les moyens. Que faire alors ? Suivre son destin ! C’est ce que Salif Kéita a fait et cela l’a mené plus loin qu’il ne l’espérait et que sa famille ne l’imaginait.

Comme sur toutes les œuvres, l’amour est aussi omniprésent sur cet opus avec notamment le très dansant «Natty» qui loue la noblesse de la femme. Mais pour les critiques, la chanson dédiée au regretté Kanté Manfila (guitariste guinéen décédé le 21 juillet 2011 à Paris) est l’un des titres les mieux élaborés de cet album.

Des Ambassadeurs, Manfila était sans doute celui qui est resté lié à Salif par une grande complicité. Selon certains témoignages, Salif Kéita ne pouvait être satisfait d’une œuvre tant que son complice n’y avait pas ajouté sa touche.

«C’est le meilleur hommage qu’on pouvait rendre à Manfila Kanté. C’est comme ABD, cet hommage de Salif à l’homme de culture, Aliou Badra Diakité. Il n’a jamais été égalé. Je pense que celui rendu à son ami et complice, Manfila, ne le sera pas non plus», pense un critique guinéen. Salif est nostalgique et mélancolique parce que «l’oiseau ne volera plus» ! Il a laissé sa guitare orpheline sevrant du coup les artistes de son immense talent d’arrangeur.

 

Un album universel pour faire danser le monde

«Talé» ! C’est l’histoire de rencontres. Rencontre de l’ambassadeur de la musique malienne, depuis plus de quarante ans, avec Philippe Cohen Solal. Un producteur qui a fait le tour de la planète avec Gotan Project depuis plus de dix ans. Pour sceller leur complicité, ces deux monstres sacrés se sont posés dans les nuits chaudes de Bamako, au studio Moffou, histoire d’accoucher des bases de cet album qui, aujourd’hui fait «bouger» le monde.

Aux côtés de Salif Kéita, de prestigieux invités lui donnent la réplique. Honneur au doyen, le Camerounais Manu Dibango. Une présence rassurante, «comme un papa qui nous protège», souligne le Domingo de la musique malienne. Le grand pair de l’afro-funk s’insère sur deux titres, dont un terrible chorus de sax qui rugit en réponse à un barrissant éléphant !

Quant à Bobby McFerrin, il improvise un dialogue avec Salif Keita transformé pour l’occasion en beat-boxer, autour d’une douce mélodie jouée au simbi, l’ancêtre à sept cordes de la kora. Il y a aussi Esperanza Spalding, la nouvelle princesse de la musique afro-américaine auréolée d’un Grammy, qui dialogue avec Salif sur «Chérie s’en va», une chanson dédiée aux futures jeunes mariées. Et enfin, le Londonien Roots Manuva, prodigieux poulain de l’écurie Big Dada, qui pose son flow sur «C’est bon c’est bon».

«Au détour d’un accent d’une calebasse, on croise le disco des seventies ; à un autre croisement, l’afro-beat poisseux se retrouve sur les rives polluées de Detroit, la pulsation historique de la techno ; ailleurs, les sons du guembri et des qraqebs gnaouas… Tout un symbole de ce disque qui vous met la tête à l’envers histoire de remettre au bon endroit papa Kéita», s’extasie un critique du showbiz international.

«A 70 %, j’ai voulu faire danser les gens, cette fois. C’est vrai le texte est moins important que d’habitude… Dans Da, je chante qu’aujourd’hui la parenté, la camaraderie n’est plus. Tout est basé sur l’intérêt personnel. Sur C’est bon, j’explique que je n’envie pas un roi, un diplomate ou un riche, ils peuvent être méchants. Nous, les musiciens, nous sommes là pour donner du bonheur aux gens. Sanfi c’est une satire politique », commente-t-il.

Le futur opérateur agricole ajoute, «Talé est personnel. C’est le moment où tout le monde pense à son intérêt  personnel. Ça veut dire que l’homme est devenu égoïste. La parenté, l’amitié, les liens sociaux sont basés sur l’argent. Et  c’est un problème».

Talé est un véritable «métissage musical» avec des instruments modernes et une mélodie mandingue assurée par la voix du Rossignol. Il confirme le talent de l’artiste, prolonge son engagement et donne l’espoir que le meilleur est à avenir. Sauf que le talent engagé n’a plus envie de continuer, de soûler de bonheur ses innombrables fans à travers le monde.

Oui, après plus de 40 ans de carrière musicale, Salif Kéita envisage de mettre fin à sa carrière pour respecter la tradition. «Après Talé mon dernier album, je voudrais mettre un terme à ma carrière musicale», avait déclaré Salif Kéita sur le plateau d’une télévision européenne.

Peut-être que les nostalgiques que nous sommes doivent régulièrement venir se consoler au Moffou. «Quand la population n’est pas à l’aise, les artistes ne le sont pas non plus. Nous sommes les reflets de notre société ! Je continue à faire des soirées dansantes dans mon club, le Moffou, pour que les gens ne restent pas dans la tristesse. Ils ont besoin de s’amuser. Les Maliens sont touchés dans leur orgueil…», disait-t-il dans un entretien qui lui avait permis d’aborder la crise qui secoue actuellement le Mali.

Espérons que le crooner du Mandé va revenir sur sa décision de prendre sa retraite musicale afin de continuer à nous régaler !

Moussa Bolly

Commentaires via Facebook :

4 COMMENTAIRES

  1. Courrage, la retraite c’est dans la tombe.
    Nous avons encore besoin d’entendre de nouvelles chansons.

  2. Salif merci beaucoup pour tout ce que t’a fait pour ton pays donner une tres grande valeur a la Musique Malienne tu es une fierte du Mali.

  3. Très bien vu Salif quitte pendant que tu plais au monde sinon c’est autre(ma tê y kilé kê ki dêyôkô kilé kê)dixit un proverbe bambara .Grand merci l’inimitable.Je pense toi.

    UN FAN

  4. Merci encore Monsieur Salif (Papa Salif),

    Nous suivons tous notre destin, nul ne peut en changer quelque chose. A travers vos chansons je me sens plus fier d`etre malien. Car c`est aussi cela chanter au Mali dans nos vraies valeurs. Le descendant de Maghan Soundiata comme Balafasseke n`aura pas ouvert sa bouche en public pour rien. Bonne retraite pour vous et que Dieu vous garde encore plus longtemps parmis nous.

Comments are closed.