Takamba, danse rythmée à pas cadencés. Où le corps se contracte et se lance, se recontacte et se relance. Dans la finesse d’un chat et la souplesse d’un serpent. Les mains, les doigts et le long du bras jouant au serpent. Le tout accompagné par le torse et la hanche au son des calebasses, d’une guitare à corde et les claquements de mains et doigts. La danse est rythmée et cadencée. Takamba fait danser les hommes et femmes songhays.
Quand une Songhay danse le Takamba, ses yeux s’écarquillent, ses lèvres sourient, ses mains partent et repartent. Elle suit le rythme. Ses pas avancent et s’annoncent par la relance de son corps. La belle musique au genre mixé. Où les femmes d’un côté et les hommes d’un autre, se joignent et dansent dans le corps, le regard et le sourire. Se rencontrent et se dépassent. Tout dans la communion et la cohésion. Takamba, la grande danse, danse de joie et de paix.
Takamba se danse dans le traditionnel et le moderne. Il se danse aux calebasses et à la guitare à corde traditionnelle. Il se danse aussi chez Baba Salah et Oumou Sangaré sous le moderne. Il se danse dans les boîtes et les discothèques. Takamba se modernise. Il disparaît dans le flot de la modernité. Le son des calebasses tapées par des doigts avec des grosses bagues, accompagné des battements de mains et claquements de doigts. Ce son est en train de s’effacer devant la modernité. La guitare à corde au profit de la guitare moderne. Mais Takamba, malgré tout, continue encore et encore à faire vibrer les cœurs. Takamba (prendre la main) et danser peut-être ? Takamba fait danser de partout dans le monde traditionnel aussi le moderne.
Fatima Dite Mata Maïga
(stagiaire)
HAMIDOU ELHADJI TOURE, COMMUNICATEUR
« L’avenir n’est pas sombre »
Hamidou Touré, journaliste promoteur d’une Agence de communication et vétéran de la culture Songhoy, a accordé une interview à Mali Tribune sur le Takamba. Selon lui, le Takamba probablement originaire d’un petit village du nom de Takamba, est une danse qui a vocation à se mondialiser. Le journaliste craint l’influence de la modernité sur le traditionnel sur Takamba.
Mali-Tribune : Pouvez-vous nous parler de l’origine du Takamba?
Mali-Tribune : Pouvez-vous nous décrire la danse Takamba et comment ça se passe ?
H E. T. : Elle se fait à l’occasion des manifestations cérémoniales. Ce n’est pas une danse funèbre cérémoniale liée particulièrement à une cérémonie, mais c’est une danse festive où les gens manifestent leurs joies. Ça se passe aux mariages, aux baptêmes et aux cérémonies de circoncision des enfants que les gens se rassemblent pour manifester leurs joies. Il se constitue le plus souvent de percussion en plus de la guitare targui qu’on appelle le monocorde. Ce sont ces deux instruments, mais nous sommes arrivés à trouver ces derniers temps une modernisation qui a pris de l’ampleur. Nous avons vu Oumou Sangaré, Baba Salah ainsi que Habib Koïté, qui ont chanté le Takamba. Nous nous rendons compte que cette danse prend de plus en plus une modernisation avec des instruments modernes.
Mali-Tribune : De nos jours, peut-on considérer le Takamba comme une célébrité mondiale
H E. T. : Dès lors qu’une musique dépasse les frontières de sa communauté, ça veut dire qu’elle devient célèbre. Aujourd’hui, on la danse même dans les boîtes de nuit et dans les festivals. Nous avons vu Oumou Sangaré qui a joué son morceau Takamba sur la scène internationale de même que Habib Koïté. Je dirai que la musique n’est même pas seulement internationale, mais elle est en train de se mondialiser.
Mali-Tribune : Quel regard portez-vous sur l’avenir du Takamba ?
H E. T. : Mon regard sur l’avenir du Takamba est optimiste. Dès lors que quelque chose se modernise et se mondialise donc susceptible d’être achetée et vendue par le monde, ça veut dire qu’elle sera rentable.
Maintenant avec la modernisation est-ce que nous ne sommes pas en train de quitter l’authenticité de cette musique ? Parce que c’est comme une femme dès qu’elle se dépigmente, elle n’a plus sa valeur authentique. Donc, c’est la même chose. Je pense que lorsque la musique se transforme perd un peu de sa valeur authentique. Aujourd’hui est-ce qu’on produit pour être consommé localement ou on produit pour être mondialement consommé ? Je pense que de toutes les réponses qu’on aura ce qu’on produit pour être mondialement consommé donc la musique se mondialise et se modernise. Je pense qu’il faut de toutes les manières garder ce côté authentique dans la musique pour faire la jonction entre l’authenticité et la modernisation.
Mali-Tribune : Le Takamba, au-delà de son caractère musical, est-il aussi une manière de transmettre des sentiments ?
H E. T. : L’interprétation des humains est controversée. Certains pensent que lorsqu’on danse le Takamba on s’exprime, d’autres pensent aussi que les hommes et les femmes qui font cette danse transmettent un message de compassion, d’amour et de cohésion. Le message contient des conseils. Sois sage. Sois humble en faisant les gestes c’est ce que ça traduit.
XXX
SABANE BOUBACAR TOURE, ARTISTE MUSICIEN
« Le Takamba est un patrimoine culturel immatériel »
Sabane Boubacar Touré est un artiste, musicien, chorégraphe et promoteur culturel au Mali. Selon lui, le Takamba est un patrimoine culturel immatériel. Une musique et une danse propre à la culture Songhay, mais qui ne cesse de marquer le monde musical contemporain. Le musicologue relate ce qu’est le Takamba pour lui.
« Takamba » ou « Prends la main » en français est une musique et danse songhoy qui anime les cœurs des hommes et femmes songhoy lors des célébrations ou cérémonies », précise l’artiste Sabane B. Touré.
A ses dires, le Takamba tire ses origines dans l’empire Songhoy, précisément, dans la région de Gao, ex-capitale commerciale de cet empire.
Cette musique et danse culturelle, dit-il, tend du Nord du Mali jusqu’à l’Ouest du Niger. Le Takamba est une danse qui valorise la culture songhoy dans le monde entier et se joue avec des instruments traditionnels. Il s’agit de la calebasse jaune africaine, une guitare traditionnelle de trois cordes appelée ‘’Kurbou’’ ou ‘’Lindji hinza’’ en Songhoy.
« On peut danser le Takamba en deux positions. En étant soit dans une position debout ou la position assise. Danser le Takamba en étant assis, évoque la noblesse, la grandeur et la valeur de la danse. La position debout illustre l’harmonie et la cadence du rythme qui permet aux danseurs d’avoir un mouvement d’ensemble. Ces mouvements se font par tout le corps : les yeux, le cou, les mains et les pieds », a expliqué l’artiste musicien et promoteur culturel.
L’artiste musicien demande à la jeunesse malienne surtout de s’intéresser à la danse Takamba. « La musique Takamba est une fierté pour le Songhoy. La jeunesse doit s’y intéresser pour qu’on ne perde pas cette richesse culturelle ».
Propos recueillis par
Fatima Dite Mata Maïga
(stagiaire)
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TAKAMBA
Danse, séduction et amour…
Au-delà de la musique et de la danse, le Takamba est aussi une scène de séduction pour certains, de révélation et de démonstration de sentiment ou de conseil pour d’autres. Plusieurs admirateurs témoignent les révélations de sentiment qui peuvent passer dans la danse de Takamba.
Selon Zeïnabou Ator, la danse de Takamba en elle-même peut être un facteur de séduction et de démonstration ou de révélation d’amour. Pour elle, cette danse est très riche en gestuelle. Dans ces gestuelles, beaucoup de conversations peuvent se passer.
Sur la scène de la danse, explique un admirateur et connaisseur de Takamba, les hommes et les femmes qui se font face peuvent parler dans un langage ultra codé à travers les gestes des bras, des mains, des doigts et des yeux. Ils peuvent passer un message de sentiment et de révélation d’amour de toutes sortes.
A l’en croire, à travers cette danse, un homme peut demander une femme en mariage à elle-même. La femme à son tour peut accepter et les démarches du mariage peuvent être entamées. Dans cette ambiance festive et joviale, ce qui se passe peut souvent dépasser la simple musique dansante.
« Au-delà de l’amour d’un couple, une mère peut démontrer son affection à sa fille ou son fils en mettant ses seins en avant tout en allant vers son enfant », révèle Bintou Maïga, une grande admiratrice de Takamba. Le Takamba est en définitive, une musique pleine d’émotions, de désirs et d’amour.
Fatima Dite Mata Maïga
(stagiaire)
XXX
ZEINABOU ASTOR
Une danseuse hors du commun
Du haut de ses 44 ans, Zeïnabou Astor est une danseuse de Takamba, connue sur la scène nationale et internationale, grâce à son art de danser cette musique. Née en 1977 dans la région de Gao, Mme Kouyaté Zeïnabou Astor est une danseuse appréciée par bon nombre de spectateurs surtout à l’international.
Cette aptitude de danser, Zeïnabou l’a héritée de sa famille. D’un père artiste, meilleur danseur de Takamba à son époque. Ce qui fait que la danse occupe une place primordiale dans sa vie. Dès l’âge de 7 ans, elle s’y donne. Aujourd’hui, elle est mariée au petit frère de Mah Kouyaté N°2, Yacouba Kouyaté.
Son premier maître de danse fut Ibrahim Hamma Dicko avant d’être connue comme danseuse avec beaucoup d’artistes de la place tels que Tchalé Arby, Baba Salah et bien d’autres.
Sur la scène internationale, Zeïnabou Astor est devenue une célébrité sur invitation des étudiantes étrangères qui l’ont sollicitée pour des cours de danse. Zeïnabou a remporté différents prix en Afrique et dans le reste du monde. Elle a été élue meilleure danseuse de Takamba aux Etats-Unis, lors d’un festival. Cet amour du Takamba lui a permis d’effectuer beaucoup de voyages en Europe et en Amérique.
Mère de trois enfants, Mme Kouyaté Zeïnabou Astor envisage de créer son propre groupe musical de Takamba. Une école internationale de Danse peut-être, un projet futuriste pour lequel elle sollicite l’aide de toutes les bonnes volontés.
Fatima Dite Mata Maïga
(Stagiaire)