Siramory Diabaté : La Diva du Manden

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 Sa chanson, « Mali kassira ni kèra hère cura yé » plongea dans la bonne humeur le nouvel Etat indépendant.

Le destin de Siramory Diabaté fut indissociable de celui des griots traditionalistes de Kéla, détenteurs des secrets du Manden et versés aussi bien dans leur art que dans celui de se protéger de la malveillance des ennemis et des envieux. C’est sans doute la possession de ses pouvoirs occultes qui est, en partie, à la base du mythe de la soliste. Siramory perdit brutalement sa voix (au timbre cristallin) à la veille de célébrations dans une autre contrée du pays.

Les traditionalistes mirent alors leur savoir au service de leur griotte vedette avant qu’un d’entre eux ne prédise : « Désormais, quand tu ouvriras la bouche pour chanter, de saisissement, toutes les autres se tairont ». Une autre griotte naquit ce jour là avec un timbre vocal à véritablement faire frissonner les foules. Les « Mandenka » devinrent encore plus amoureux de cette voix ample, dont la profondeur ajoutait un charme particulier au répertoire déjà très riche de la diva naissante, une voix qui aurait tracté avec aisance une chorale afro-américaine de gospel. Déjà exceptionnelles par le timbre de l’interprète, les chansons de Siramory ont de surcroit été valorisées par le balafon de son époux, Namory Kouyaté.

Aucune cantatrice ne saura comme elle éveiller chez les « Mandenka » la fierté de leur origine. Son titre fétiche « Sara » dépeint sous la forme d’un conte ce qui fit la gloire des « Massaren » : le respect de la parole donnée. Elle refusa en plein concert de chanter le titre dans les années 70 parce qu’elle déplorait, déjà, que les valeurs qui faisaient la fierté du pays, avaient tendance à décliner. Comme Bazoumana, elle consentit à chanter les louanges du nouvel Etat du Mali, car dès l’indépendance acquise, le président Modibo Keïta la fit chercher à Kéla. Elle vint à Bamako accompagnée de ce qui constitua pendant des années « sa garde rapprochée » composée de Kéla Balla Diabaté, des fameux frères Yamoudou et Brémadjan Diabaté, du balafoniste émérite Namory Kouyaté sans oublier ses choristes, les porteuses de « karignan » (crécelle en métal que la main agite).

Quand on lui demanda de chanter une chanson à la gloire du Mali indépendant, elle improvisa aussitôt et entonna : « Mali kassira ni kèra hèrè cura yé ». Cet air enthousiasma le président Modibo Keïta en personne, tant Siramory sut captiver son public et l’emporter vers l’exaltation de la fierté des « Simbo ». Certes, elle tira de son riche répertoire, le titre « Wara » qu’elle dédia au secrétaire politique du parti, Idrissa Diarra, mais en fait, et elle l’avoua plus tard, c’était bien parce que le personnage était, de par son nom Diarra, le « cousin à plaisanterie » des Diabaté. Ce fut dans cette bonne humeur générale que le nouvel Etat entama sa marche culturelle vers l’avenir. Après cet intermède festif, Siramory se refusa à chanter des louanges. Dans sa compréhension, le label des « Jeli » impose d’avoir un seul « Jatigi ». Bazoumana Sissoko aussi disait la même chose.

Le « Jatigi » de Siramory avait ceci de particulier qu’il n’était autre que le Manden. Pour cette mère de famille nombreuse (elle eut dix enfants, cinq garçons et cinq filles), née vers 1922 et disparue le 18 octobre 1989, « la dignité est la mamelle à laquelle toutes les vertus tètent sans distinction de race et cela par la grâce de Dieu ». A Kéla, les maîtres du Coran ont toujours été les « Jatigi » de ces traditionalistes ancrés dans l’exaltation de la gloire du passé Manding dont Siramory a été la plus imposante des porte-voix.

Source: L’Essor du jeudi 30 septembre 2010, par M Diarra

 

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