Ce jour était attendu et il est arrivé: Salif Keïta a été récompensé dans son pays. C’était le vendredi 2 décembre 2006 au Centre international de conférences de Bamako (CICB) lors de la Nuit des Tamani, trophées de la musique au Mali. Cette quatrième édition était placée sous le signe des hommages à Ali Farka Touré et à Doug Saga. Plusieurs activités ont été organisées au Palais de la culture ou se trouvait le village Tamani, au CICB et stade Mamadou Konaté.
Les rideaux sont tombés sur les Tamani le dimanche 3 décembre dernier au stade Mamadou Konaté par le méga-concert animé par le général de la Génération consciente, Tiken Jah Fakoly. Ce grand concert a réuni plus de 50 000 inconditionnels de la musique reggae, fans de Tiken Jah. Avant ce concert de clôture, il y a eu la soirée d’hommage à Aly Farka Touré.
Cette nuit a enregistré les prestations de son fils Brahima Touré dit Vieux Farka qui a donné le ton. Il a été suivi de Baba Sala Cissé et Oumou Soumaré venue du Canada après une longue absence. Ce concert a vu aussi la participation de Afel Bocoum, compagnon de Aly Farka, Samba Touré, élève de l’illustre disparu, et de Haïra Arby.
Plusieurs sommités de la culture au Mali ont pris part au concert pour témoigner sur la vie de Aly. Par là même, le prix Koundé qui a été décerné à celui-ci à titre posthume au Burkina Faso et son Tamani d’hommage ont été remis par l’ambassadeur d’Allemagne au Mali, Reinhard Schwarzer, à Vieux Farka.
La soirée d’hommage a été précédée de la nuit des Tamani, trophées de la musique au Mali. Cette longue soirée a commencé par Oumou Jolie Touré qui a chanté l’hymne des Tamani 2006. Côté animation, il y avait plusieurs artistes maliens, ivoiriens, burkinabés, sénégalais, guinéens, guadeloupéens, américains. Sans oublier le grand San Fan Thomas du Cameroun.
L’animation était entrecoupée de remises de trophées, le premier Tamani de la soirée ayant été enlevé par Abel Bayo qui a été la révélation de l’année. Le trophée de la meilleure artiste féminine a été remporté par Ramata Diakité et celui du meilleur groupe de rap revenu au Tata Pound.
Les différents trophées étaient remis par les représentants des sponsors de la soirée. Il y avait aussi des Tamani d’honneur décernés à Zoumana Téréta, violoniste de Djénéba Seck, San Fan Thomas. Quand aux Tamani d’hommage, ils ont été donnés aux parents de Aly Farka Touré et à ceux de Doug Saga.
Le trophée du meilleur espoir guinéen est revenu à Fanta Djicoria de la Guinée Conakry. Pour ce qui est du Tamani de la meilleure musique d’inspiration traditionnelle, il a été remis à Soumba Togola et celui du meilleur clip de l’année, à "N’fa ka komon", de Doussou Bagayogo. Quand à Boubacar Konaté dit Mandé Massa, il a bénéficié du Tamani du meilleur animateur radio tandis que, pour la meilleure émission culturelle, c’est Magma Gabriel Konaté, avec "Rites et traditions d’Afrique", animée sur la chaîne Africable qui a gagné ce trophée. Le grand Salif Keïta, lui, a reçu le Tamani du meilleur artiste masculin. Après cette remise de trophées, Solo Dian Kabako, du Burkina Faso, a interprété deux morceaux. [ Bamako Hebdo, c’est sur maliweb . net tous les vendredi ] Dans le premier, il a rendu hommage aux femmes et dans le second intitulé "Immigration", il a dénoncé les pratiques de ce phénomène qui frappe aujourd’hui tous les pays africains.
Le dernier trophée de la soirée, Tamani du meilleur artiste malien de l’année, qui mettait aux prises Alou Sam, Ramata Diakité et Salif Keïta est revenu à ce dernier qui succède, du coup, à Djénéba Seck, lauréate de l’édition de 2005. Ainsi, Salif Keïta devient le roi du Mandé car, depuis le début des Tamani, aucun homme n’avait remporté ce trophée. En effet, en trois éditions, ce sont les femmes qui se sont succédé pour en bénéficier: Oumou Sangaré en 2003, Adja Soumano en 2004 et Djénéba Seck en 2005.
Le trophée de Salif lui a été remis par le ministre de la Culture, Cheick Oumar Sissoko, en présence du ministre burkinabé de la Justice, comme plusieurs autres personnalités de certains pays africains qui ont saisi l’occasion de la rencontre de l’OHADA pour participer à la soirée. Le nouveau roi du Mandé a dédié son trophée à Amadou Hampaté Bâ Sissoko, petit-fils de feu Amadou Hampaté Bâ par sa mère, Rouky Bâ, et fils du ministre de la Culture, Cheick Oumar Sissoko. Il a également dédié son trophée de meilleur artiste masculin de l’année à Alou Sam.
Salif est très fier d’avoir remporté ce trophée: "Les Tamani sont bons pour la musique africaine. C’est une bonne chose pour les artistes, c’est ma première fois d’avoir ce trophée et je remercie tout le monde: les organisateurs autant que notre ministre, Cheick Oumar Sissoko. Je dédie mon trophée au petit Amadou Hampaté Bâ qui vient de naître. La fête a été belle et je suis content". La soirée a pris fin par un feu d’artifice. Rendez-vous est pris pour décembre 2007 pour la cinquième édition. En attendant, la quatrième édition a été une vraie réussite.
Kassim TRAORE
LES POTINS DES TAMANI 2006
Tamani 2006
Comme le dit l’adage "Il faut reculer pour mieux sauter". C’est ce qu’on peut dire des Tamani 2006. Le festival s’est déroulé du 28 novembre au 3 décembre. La cérémonie d’ouverture a été faite dans l’après-midi au lieu du matin. Le programme a été allégé avec des soirées culturelles bien organisées et différentes de la Nuit des trophées. La participation était aussi de taille car il y avait plus dix-sept nationalités, certains musiciens étant venus de partout, même des Etats-Unis. En un mot, cette année, les organisateurs ont mieux fait que les autres éditions.
Village Tamani ou village d’alcool ?
Au village Tamani, tout a passé et s’est bien passé entre "villageois". Dans une vingtaine de kiosques en bois d’ébène peints en blanc et disposés en carré, il y a avait des vendeurs de boubous traditionnels, chaussures, sacs en cuir, produits alimentaires… De l’autre côté de ce "village", il y a avait les restaurants malien, ivoirien et sénégalais qui servaient la "population" du "village" Tamani. En plus de ceux-ci, il y avait des kiosques pour les vendeurs d’alcool. Ce sont surtout ceux-ci qui se sont frotté les mains car il y avait toujours du monde devant leurs kiosques, de jour comme de nuit. Le hic est qu’aucun Tamani, même symbolique, n’a été décerné à ce "village" Tamani. Pire, le chef de "village" était invisible et, à chaque fois, les villageois géraient eux-mêmes leurs problèmes.
Micro électrique pour les artistes
"Il faut voir ce micro puisque que je dois aller au Festival du désert et je vois qu’il veut brûler ma langue". Ces propos sont de Baba Sala Cissé qui a pris part à la soirée d’hommage à Aly Farka Touré. Malheureusement pour les artistes, le micro faisait des masses.
Cela a poussé Vieux Farka à faire des grimaces sur la scène car, quand il s’est approché du micro, il avait vraiment eu mal. C’est après lui que le même phénomène est arrivé à Baba Sala qui a été obligé de demander publiquement que des solutions soient trouvées. Lors de la Nuit des balafons, Modibo Diabaté, jeune frère de Abdoulaye Diabaté, a eu des problèmes avec le même micro.
Babani boycottée par les photographes
Lors de la Nuit des dames organisée dans le cadre des Tamani, les photographes ont décidé de ne plus faire des photos de Babani Koné lors des concerts jusqu’à nouvel ordre. Cela, parce que, lors de son concert au CICB, elle a donné des instructions pour interdire l’accès de la salle aux photographes. Et ses loubards avaient confisqué plus de 60 appareils photo la même soirée. C’est pour cela que Adama Coulibaly, patron des jeunes photographes, et ses amis ont décidé de ne plus faire de photos de cette star jusqu’à ce qu’elle restitue les appareils et leur présente des excuses. Les photographes ont donné le ton lors de la Nuit des dames: ils ont fait des photos de toutes les artistes sauf celles de Babani Koné.
ATT aux Tamani
Même s’il n’était pas physiquement présent, bon nombre d’artistes prononçaient régulièrement son nom. En effet, au Centre international de conférences de Bamako qui abritait la Nuit des Tamani, le chef de l’Etat, Amadou Toumani Tiouré, présidait l’ouverture de la rencontre de l’OHADA dans l’après-midi. Cette cérémonie a pris fin vers 19 heures et c’est aux environs de 20 heures qu’a eu lieu les installations du podium de la soirée des Tamani. C’est ensuite aux environs de 23 heures que la soirée a pu commencer, jouant, du coup, sur tout le programme. A chaque fois que les artistes posaient la question de savoir les raisons du retard, on avançait le nom d’ATT comme argument. "Il nous a empêché d’installer notre podium alors que notre événement était programmé il y a des mois", nous a confié un des organisateurs très en colère. Mais ce que les organisateurs oublient, c’est que le Chef de l’Etat est partout prioritaire.
L’entrée au CICB
Ç’a été un véritable désordre ! Les vigiles, de même que les organisateurs, n’ont pas fait la différence entre personnalités et autres invités ou sponsors de la soirée. Ils ont mis tout le monde au pas. Le plus grand bailleur des Tamani de cette année et sa femme ont tous eu des problèmes à la porte. Comme lui, certains sponsors voulaient retourner à la maison mais ils ont été retenus à la soirée par leur épouse. Ce désordre a tout de même été bénéfique pour certains mélomanes qui en ont profité pour entrer.
L’ORTM fait défection à la dernière minute
Pour la première fois, les téléspectateurs de l’ORTM n’ont pas vu les Tamani en direct. Cela était prévisible car, depuis l’année dernière, la télévision nationale avait commencé à être très exigeante.
Cette année, l’équipe est arrivée dans un premier temps pour prendre connaissance du programme de la soirée. Mais après, les journalistes ont clairement déclaré qu’ils ne pouvaient pas faire le travail à cause du retard accusé alors que cette retransmission était programmée depuis le début de l’année. Et, à la dernière minute, les envoyés de Bozola ont fait défection. Sans dire que l’ORTM avait tort, l’on n’a vu aucune disposition de la télévision nationale. Il faut ajouter à cela que la même équipe avait un autre enregistrement au Parc des expositions dans le cadre de la Journée mondiale du sida et il y avait aussi une équipe à Manantali pour "Top étoiles". Par conséquent, on peut tout simplement dire que c’est un manque de moyens.
Adama Koité, Tamani d’or de la pagaille
"Je dois animer la soirée, donc ma voiture ne reste pas dehors". C’est en ces mots que Adama Koité s’est exprimé face aux jeunes gendarmes qui faisaient correctement leur travail. Il a ainsi été le premier à leur tordre le cou. Et c’est à partir de son arrivée que les gens n’ont plus garé leur voiture dehors. Mais pendant la soirée, ses gaffes ont été multiples. Devant animer la soirée avec Big Ben du Burkina Faso, il l’a effacé dès le début en occupant le devant de la scène. Frustré de ce comportement, l’animateur vedette de la radio nationale du Burkina Faso l’a laissé faire.
Et puisque la soirée n’était pas en direct, Adama en a profité pour changer le conducteur. C’est ainsi qu’alors que Miss Mame n’était même pas au programme, il l’a fait monter sur le podium pour la présenter au public en disant ceci: "Je m’occuperai de ta promotion". Cela a suscité un dégoût total chez l’assistance que ne voulait plus l’écouter. A cause de ce désordre qu’il a semé, nous lui décernons le Tamani d’or de la pagaille.
Paye Camara déteste et adore les Tamani !
C’est à la veille de la remise des trophées de la musique que Paye Camara disait qu’elle déteste les Tamani. C’est pourquoi nous avons été surpris de la voir faire une prestation. Elle a ainsi démontré qu’il n y a pas mieux que ces trophées: "Je suis contente d’être là ce soir parmi les autres artistes et très fière de cette manifestation". Ces mots de Paye Camara ont surpris plus d’un. Mais, selon l’un des organisateurs, c’est Oumou Sangaré qui a négocié sa participation à la soirée car, depuis un certain temps, elle est avec cette vedette de la musique malienne. La diva du Wassoulou aurait demandé à Seydoni d’aider Paye. "En sa qualité de première lauréate de notre festival, nous avons exaucé son vœu", nous a confié notre interlocuteur.
Un jury sans femme
C’est devenu une tradition chez les organisateurs des Tamani: chaque année, les cinq membres du jury sont tous des hommes. Cette année, Boubacar Belco Diallo qui était le président a aussi travaillé sans une femme. Le jury a le mérite d’avoir plusieurs professionnels de la culture nationale et sous-régionale: il n y avait pas que des Maliens. Mais, pour les cantatrices, peu importe qu’il y ait des femmes ou non: c’est la même chose "car les femmes sont plus sévères que les hommes envers les autres femmes". Cette année, le choix du jury n’a pas été beaucoup critiqué: en effet, le public avait les mêmes résultats que le jury.
Gadjigo était présent
Décidemment, la Nuit des Tamani devient un lieu de retrouvailles entre artistes et opérateurs culturels. Il y a comme des abonnés qui viennent chaque année. A côté de ceux-ci, il y a ceux qui viennent parfois. C’est pourquoi cette année beaucoup de gens ont été surpris d’y rencontrer Chérif Gadjigo. Il était aux etats-Unis.
Et dire qu’il n’y avait que 50 m entre Chérif et Babani ! Mais Gadjigo a quitté bien avant la fin de la soirée. Ce qui, seulement, est clair, c’est qu’ils se sont approchés au CICB. L’autre revenant de cette soirée est notre confrère Bradox qui avait un problème de visa avec l’ambassade de France. Il était de la fête, histoire de nous dire qu’il est libre comme le vent.
Feu d’artifice ou crépitement d’armes ?
Les organisateurs des Tamani, pour terminer la soirée en beauté et accompagner Salif Keïta, roi du Mandé avec son trophée, ont organisé un feu d’artifice. Pendant plus d’une quinzaine de minutes, c’était le grand bruit des pétards et les jeux de lumières.
Le bruit des crépitements était si fort qu’il a été "transformé" en crépitement d’armes par les populations de la base A et B et une partie de Djicoroni Para. Certains avaient même alerté les radios privées et les chefs de quartier à cause du bruit qui, selon eux, provenait du Génie militaire. Mais, après vérification, ils se sont rendu compte que ce sont les bruits du feu d’artifice de la victoire du roi Soundiata Keïta qui vient de gagner la bataille des Tamani.
Réalisée par Kassim TRAORE
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