Auteur-compositeur et interprète, Sista Mam est la première femme à faire du reggae au Mali. En dehors du genre musical, elle a épousé la philosophie rastafarienne comme code de conduite dans sa vie de tous les jours. À quelques semaines de la sortie de son 3e album, «Trône de Jah», zoom sur une talentueuse artiste déterminée à révolutionner le reggae malien voire africain.
«La musique, c’est ma vie. Elle est en moi, elle coule dans mes veines. Heureuse ou malheureuse, joyeuse ou triste…il me faut chanter pour mieux me sentir dans ma peau» ! Ainsi se confesse Mariam Sangaré dite Sista Mam, première reggaewoman du Mali.
«Je chante depuis toute petite. Et j’adorais (j’adore toujours) Oumou Sangaré à qui j’ai avoué être fan d’elle chez elle et que je voudrais être aussi une star comme elle. Elle m’a encouragée d’abord à mieux me concentrer sur mes études et que, après, j’aurai tout le loisir de me consacrer à ma passion. Et c’est ce que j’ai fait», poursuit-elle.
On peut dire que Mariam est née avec le virus de la musique dans le sang. Au lycée (elle a fait lettres, puis langues et littérature), elle était passionnée d’écriture, surtout de poésie. Des textes qu’elle composait par la suite en Karaoké avec sa sœur et complice, Mamy, aussi passionnée de musique qu’elle. D’ailleurs la chanson «Africa», titre générique de son premier album, est l’un de ses poèmes écrits au lycée.
Et le choix du reggae s’est opéré naturellement. «À la maison, nous n’écoutions que le reggae parce que notre mère, Tenin Aoua Thiero, n’adore que ce genre musical. Et elle nous disait toujours que Peter Tosh est son frère spirituel», nous explique la reggaewoman à la voix d’or.
Et lors d’un concert d’Alpha Blondy à Bamako, la star ivoirienne, fait totalement basculer son cœur. «Ce jour, il a chanté 23 titres et des chansons engagées et utiles qu’il chantait presqu’en chœur avec le public. Ce jour, j’ai compris que je venais de trouver la voie pour faire passer mes messages, pour contribuer à l’éveil des peuples africains, notamment la jeunesse du continent. C’est à partir de ce jour que j’ai commencé à laisser pousser mes cheveux naturellement pour recevoir la couronne de Jah, les dreadlocks».
Bientôt «Trône de Jah» dans les bacs
À la fin de ses études, elle a donc naturellement enchaîné avec une carrière artistique très prometteuse. Ainsi son 3e album (après Africa et Haminanco) est fin prêt et attendu dans les bacs en octobre prochain. «Trône de Jah» ! C’est le nom de l’opus sur lequel les fans du reggae pourront savourer 15 titres, dont Kè-mayé et Yèrèdon, deux singles sortis respectivement en 2013 et 2015.
«C’est un album très spirituel dans lequel j’aborde beaucoup de thèmes. Cela va de l’éducation à la spiritualité en passant par l’unité, la dégradation de l’école malienne, la promotion de nos langues maternelles, le comportement des jeunes…» commente Sista Mam.
C’est une œuvre plus accomplie que les deux précédents albums. «Au moment où je produisais Africa par exemple, j’étais la seule femme à faire du reggae ici. Et le travail n’était pas évident par manque de professionnels. Ce qui fait que mes deux premiers albums ont des colorations mandingues plus poussées», dit-elle en comparant ses œuvres.
«Le reggae est une musique spéciale, notamment au niveau de la basse et de la batterie. Sur Trône de Jah, la qualité du travail fait une énorme différence parce que j’ai travaillé avec des musiciens qui ne font que du reggae», poursuit la jeune artiste engagée.
«Sinon mes sources d’inspiration n’ont pas changé. Depuis Hailé Sélassié, Modibo Kéita, nous véhiculons les mêmes messages en espérant que cela va contribuer à changer les choses un jour sur notre continent», dit-elle avec un brin d’humour.
Une foi inébranlable
En en vrai rasta, Jah (Dieu) est très présent dans la vie et l’œuvre de Mariam Sangaré dite Sista Mam. «Chrétien ou musulman, le plus important c’est de prier et reconnaître le Dieu unique. Nous avons surtout un ennemi commun : Satan».
Et pour elle, le rastafarisme offre aujourd’hui une porte de sortie aux Maliens pour changer de comportement et tourner la page de la crise liée en partie à la perte des repères et des valeurs.
«La foi est très importante dans notre philosophie qui repose sur des principes et des préceptes. Le respect et la tolérance sont les deux piliers essentiels de notre mouvement basé sur les Dix Commandements de Dieu à Moïse», rappelle le fan de Bob Marley, Peter Tosh, Burning Spear…
Elle chante en bambara, en français et en anglais. Et elle contribue à la promotion du reggae et de la philosophie rasta à travers son festival, le «Mali-Festi Reggae».
Et sur son second album, «Haminanko», la chanson «Solution» préconisait l’organisation d’une concertation nationale pour résoudre la crise malienne. La talentueuse artiste engagée exhortait le président Ibrahim Boubacar Kéita à faire appel aux anciens compagnons du regretté Modibo Kéita ainsi qu’à Moussa Traoré, Alpha Oumar Konaré, Amadou Toumani Touré et Dioncounda Traoré (qui ont eu tous à gérer des rébellions et à signer des accords de paix) pour bénéficier de leur soutien et de leur expertise pour la résolution de la crise.
Des années de militantisme au sein du parti SADI
Le reggae est une musique très engagée véhiculant des messages politiques forts. Entre les scènes musicale et politique, on peut vite glisser sans s’en rendre compte. Surtout pour une Secrétaire parlementaire.
C’est ainsi que Sista Mam est descendue dans l’arène politique entre 2007 et 2013 pour militer au sein de la Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (SADI), auprès du Dr. Oumar Mariko dont elle a été l’assistante parlementaire. «C’est le lieu de le remercier car j’ai beaucoup appris à ses côtés, j’ai suivi beaucoup de formations. Ce fut donc une expérience très enrichissante», reconnaît Mariam.
L’auteur-compositeur et interprète a été Secrétaire exécutive du forum du Réseau de la Gauche Africaine. Mais, depuis 2013, elle s’est retirée de l’arène politique pour des raisons qui lui sont personnelles.
Et à propos de l’émancipation de la Femme, Mariam pense qu’il revient aux Maliennes de se «mettre davantage en valeur». Loin d’être une féministe, elle ne croit pas à l’égalité homme-femme. Mais plutôt à l’égalité des chances. «Dieu a créé Adam au bout de quarante ans. Et Eve est ensuite sortie d’une de ses côtes. La femme ne peut pas être égale à l’homme», précise-t-elle.
À ses sœurs, elle conseille de ne jamais opter pour la facilité ou les sentiers détournés. Mais elle leur conseille plutôt «d’accepter d’étudier, de travailler pour se mettre en valeur, mettre leur talent et leur compétence en évidence afin de prétendre à l’égalité des chances».
«À ma manière je contribue à la valorisation de la femme à travers mes chansons. Je parle de l’éducation parce que, aujourd’hui, tout passe par l’éducation et elle est le soubassement, le fondement d’un être humain…» rappelle-t-elle pour démontrer comment elle essaye de jouer sa partition dans l’émancipation de la Malienne voire de l’Africaine.
Et, ensuite d’ajouter, «dans la société, l’éducation de l’enfant passe par la maman et cet enfant va s’approprier et appliquer toutes les valeurs inculquées en lui par sa maman». Elle est en tout cas une bonne mère que nous avons découverte dans son univers familial.
Sista Mam a en tout cas toutes les raisons d’être fière des hommes qui sont dans sa vie. À commencer par son époux, Dr. Souleymane Traoré. «Un bon mari et un bon père qui s’occupe de sa famille et soutient son épouse dans sa carrière et dans ses autres projets», confie Sista Mam.
Elle fait notamment allusion à l’émission sur les contes «Ziiri-naamu» qui passe sur Cherifila TV les week-ends et l’émission reggae qu’elle anime sur la Chaîne 2 de l’Office de radiodiffusion télévision du Mali (ORTM) tous les mardis. «À mon absence, lors de mes voyages, mon époux est très patient avec les enfants et s’en occupe très bien», se réjouit Sista Mam.
Quant à son père, confie-t-elle, «il est mon petit cœur, mon amoureux parce que je suis l’homonyme de sa belle-sœur préférée mais qui est décédée 5 mois avant ma naissance. Ainsi, il m’a transféré tout l’amour qu’il avait pour Mam Traoré, mon homonyme, en plus d’être sa fille. Du coup, je deviens l’intouchable, celle qui peut faire tout ce qu’elle veut sans être blâmée».
De son nom Ichaka Sangaré, le papa est un comptable à la retraite qui a élevé avec beaucoup d’amour ses enfants liés par une grande complicité. «Avec la maman, ils m’ont beaucoup aidée financièrement à travers mes multiples projets avortés et réussis. En réalité, je déborde d’idées et j’ai tout le temps de nouveaux projets. Que ça passe ou pas, j’essaie et je fais contribuer mes parents», reconnaît Mariam. Et d’ajouter, entre des éclats de rire contagieux, «je suis souvent une fille insupportable». Et, malgré tout, «ils sont là et me soutiennent», rappelle l’artiste consciente de sa chance d’avoir de parents si compréhensifs et si attentionnés.
Le rêve de conquérir le showbiz international
Née le 13 septembre 1983 à Bamako et issue d’une famille pluriculturelle (Malinké, Peul, Soninké, Somono), Mariam Sangaré dite Sista Mam est titulaire d’une maîtrise en droit public international et était assistante parlementaire à l’Assemblée nationale du Mali.
Animatrice d’une émission reggae, «Kingston Road», sur la radio Kayira de Bamako de 2004 à 2007, Mariam Sangaré a intégré la chorale chrétienne Ba Antoine en 2005 pour parfaire sa technique vocale. En 2006, elle enregistre son premier single Mama, dédiée à sa mère.
Plus tard, Mariam Sangaré fonde son propre groupe de reggae, «Hakillima Roots band». Mais il faudra attendre février 2010 pour savourer «Afrique», son premier opus. Une œuvre portée sur les us et traditions africaines, de tolérance, ou dénonçant le sous-développement du continent et l’injustice.
Mariée et mère de trois enfants, dont un garçon, elle rêve «d’avoir une vraie équipe de foot à la maison», plaisante-t-elle avec sa contagieuse bonne humeur.
Classée en 2016 parmi les «Vingt femmes exceptionnelles du Mali» par l’Association des jeunes pour la citoyenneté active et la démocratie (AJCAD), Mam Sangaré n’a pas renoncé à son projet de restaurant malgré l’échec d’une première expérience (Pili Pili Hakilima à l’Hippodrome) à cause des questions de proximité et aussi des préjugés. La rastawoman souhaite avoir un espace à elle pour se produire et permettre à ses fans et mélomanes de savourer sa gastronomie et sa musique.
Mariam espère que son 3e album, «Trône de Jah», sera une large ouverture sur le showbiz international sur lequel elle compte enfin partager ses messages et convictions avec le monde entier tout en hissant très haut les couleurs du Mali, de l’Afrique et du… reggae.
«C’est difficile voire impossible pour un artiste de vivre de sa musique au Mali avec la piraterie qui se manifeste de nos jours par des téléchargements gratuits. Donc une ouverture sur le showbiz international serait une vraie aubaine», explique Sista avec foi et espoir !
Moussa BOLLY
Rasta for right. One love
Nous aimons sista mam pr son engagement, sa droiture et sa determination. Peace & love.
Les occidentaux manigancent (made in France) et changent les règles en cour de route quand ça n’est pas à leur avantage !
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