Mamadou Diabaté est un très grand korafolá connu dans le monde entier. Il est le fils de l’illustre korafolá, Djélimory Diabaté, connu sous le nom de N’fa Diabaté qui joua dans le célèbre Ensemble National Instrumental du Mali aux côtés de Sidiki Diabate et Djeli Madi Sissoko et participa aux enregistrements historiques de la Radio Nationale du Mali. Présent à Bamako lors du festival des instruments à Cordes et de la kora, nous avons rencontré l’artiste avec qui nous avons échangé sur sa carrière, son absence sur les scènes du Mali et ses projets futurs.
Né au Mali en 1975 et descendant d’une lignée de griots comme l’indique son nom, Mamadou Diabaté est le fils de l’un des fondateurs de l’Ensemble instrumental du Mali. Il raconte que son père lui avait conseillé d’écouter tous les meilleurs joueurs de kora et d’apprendre de chacun d’eux. La kora est originaire de la région de Gabou, aux confins de la Gambie, du Sénégal et de la Guinée Bissau.
La tradition malienne de l’instrument a toujours privilégié la transmission de l’héritage tout en continuant à innover et à évoluer. Ce natif de Kita, la ville des éminents griots du Mali et cousin de Toumani Diabaté, rivalise de virtuosité à la kora et se surpasse dans de fulgurants solos empreints d’un lyrisme et d’une fluidité impressionnants. Chacune de ses prestations est une performance fascinante. Fort de son expérience et de sa réputation internationale acquise aux Etats-Unis, il nous offre des enregistrements d’une très grande qualité. Au début de l’année 2005, Mamadou Diabaté revient avec un album uniquement solo, en virtuosité pure, mélange subtil de tradition et de modernité, d’invention et de retenue classique : bref, Behmanka est un chef-d’œuvre à l’état pur, justement récompensé par un Grammy Award.
En 2008, Mamadou Diabaté réédite l’exploit avec ”Douga Mansa”, album couronné par un Grammy Award, et devient le seul artiste Malien à avoir remporté deux Grammies dans la catégorie "musiques du monde" !
En 2011, Mamadou est de retour avec un album d’un nouveau style. Des titres entièrement originaux, rares voire inédits à la kora caractérisent «Courage», son 5ème album, où la couleur traditionnelle, soulignée par son ensemble instrumental malien, est rehaussée par des pièces plus audacieuses, jouées en solo par ce "Maître dans l’art de la kora à vingt et une cordes ".
Enregistré à Bamako, ”Courage” réunit Diabaté, Abou Sissoko (ngoni), Noah Jarrett (basse acoustique), Lansana Fode Diabaté (balafon), et Adama Diarra (calebasse/djembé) tous Maliens, sauf Jarrett. Chaque titre envoie un message positif et cible un aspect essentiel de la vie selon Mamadou Diabaté : la famille, l’esprit, la paix, les rapports humains et l’attitude face aux aléas de la vie. Du bel ouvrage, à l’instar de la superbe solo qui conclut ce recueil de la plus noble manière possible.
Entre message optimiste et virtuosité, Mamadou Diabaté rappelle que la kora est dans tout (la paix par la famille, la compréhension de l’autre, la nécessité de revenir à l’essentiel vis-à-vis des péripéties de l’existence) et que tout est dans la kora. Une lumineuse leçon d’existence. "Il y a beaucoup d’excellents joueurs de kora, mais si Mamadou continue à progresser de la sorte, il atteindra bientôt le sommet" comme l’a indiqué un grand homme de la musique. Avec ce 5ème album, Mamadou Diabaté a atteint ce sommet. Aujourd’hui, il est considéré comme l’un des maîtres incontestés de la Kora au monde.
S’exprimant sur son absence sur les scènes de Bamako, Mamadou explique : "Mon souhait est de venir me produire, mais au Mali c’est dommage que les promoteurs de spectacle ne font rien pour nous encourager. Sinon, c’est toujours un plaisir pour moi de venir jouer chez moi et partager mon expérience avec les autres jeunes. Bien vrai que mes activités sont dans le Word music des USA et de l’Europe. Il est temps que les promoteurs d’événements donnent la chance aux artistes et surtout à ceux de la diaspora afin qu’ils soient très bien connus chez eux".
Pour ce qui est du duo entre lui et Toumani Diabaté, l’artiste d’indiquer qu’au moment opportun, ce duo se réalisera. "Je ne suis pas pressé de réaliser un album avec mon grand frère Toumani Diabaté. C’est un maître pour qui j’ai beaucoup de respect et de considération. Je sais bien que c’est le souhait de nombreux mélomanes mais je ne suis pas encore prêt de réaliser un album avec le maître des maîtres. J’ai encore besoin du temps pour exprimer mes talents. Inchallah, quand je serai prêt cet album verra le jour".
Au cours de cette rencontre, le maître de la Kora a lancé un appel à la nouvelle génération de joueurs de Kora d’aimer leur instrument et leur métier. Car, selon lui, seul le courage et l’amour du métier sont gage de la réussite. Enfin, Mamadou Diabaté ambitionne, dans le futur, de créer un centre d’échanges culturelles entre les artistes nationaux et internationaux qui veulent se produire au Mali. Un rêve qui lui tient à cœur.
Par ailleurs, il a soutenu que son trophée Grammy Award a été saboté par le ministre de la Culture et par l’ORTM. "Après la présentation de mon trophée au président de la République, l’ORTM a refusé de diffuser l’événement en intégralité. Mais je ne garde pas de rancune contre eux, je suis fier d’être Malien et je défendrai toujours les couleurs de ce pays" a-t-il conclu.
Bandiougou DIABATE