Certains, dans les rencontres internationales, notamment celles de jeunes, ont souvent du mal à situer le Mali.
Mais, il suffit seulement de leur dire que c”est le pays d”Ali Farka Touré, Salif Kéita, Oumou Sangaré, Amadou et Mariam, Habib Koité , Rokia Traoré pour qu”ils comprennent d”où vous venez. C”est vous dire que la musique est aujourd”hui l”une des meilleures vitrines dans lesquelles le Mali se retrouve facilement. C”est un pays d”artistes, de musiques.
Cette vitalité internationale se traduit par des consécrations multiples et prestigieuses. Rien qu”en 2006, Amadou et Mariam ont raflé tous les trophées (Disques d”or ou de platine ) en Europe avec Un Dimanche à Bamako , leur dernier album. Déjà en mars 1995 et en 2006 Ali Farka a reçu la prestigieuse distinction du Grammy Award avec Talking Timbuktu et In the heart of the moon . Ce dernier album est un duo avec Toumani Diabaté, le virtuose de la kora.
Le défunt bluesman du désert a été le premier Africain, dans l”histoire de la musique moderne, à accéder à une telle consécration. En 2005, Bowboï de Rokia Traoré a été vendu de par le monde à plus de 100 000 exemplaires. Ce qui lui a valu un Disque d”or en France et un Kora Awards en Afrique du Sud. En 2002, Laban de la diva du Wassoulou , Oumou Sangaré, franchissait le cap des 120 000 disques écoulés au Mali. Au même moment Moffou de Salif Kéita s”arrachait comme de petits pains au prix record de 2500 F CFA l”unité.
C”est dire que nos artistes ne manquent pas d”inspiration, de talent. Malheureusement, ce talent profite à peu d”entre eux. Seuls ceux qui ont la chance d”être produits et distribués ainsi qu”invités à des festivals internationaux à travers le monde ( Oumou Sangaré, Afel Bocoum, Salif Kéita, Oumar Koïta , Rokia Traoré, Cheick Tidiane Seck , Abdoulaye Diabaté ) tirent leur épingle du jeu.
C”est aussi certainement le cas des griottes-artistes qui vivent plus des sumuw que de leurs oeuvres artistiques. La grande majorité vivote parce que privée des retombées de leurs talents par les pirates aux dents de plus en plus longues. Les artistes et les autres acteurs du secteur ne sont pas les seules victimes de ce fléau couvert par l”impunité. Il y a le Trésor public aussi. En effet, le rayonnement musical fait que le secteur n”est plus négligeable dans l”économie malienne.
Selon une étude réalisée en 1999 par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement ( Cnuced ), la musique malienne réalisait un chiffre d”affaires de 55 milliards de F CFA et avait créé des milliers d”emplois. Ses 2 millions et plus de cassettes vendus par an la plaçaient au troisième rang des services du Mali après l”émigration et le tourisme dans la participation au PNB (produit national brut). Le hic, c”est que 9 cassettes sur 10 sont piratées.
Si la production musicale malienne fleurit en apparence, elle demeure fortement handicapée par le piratage et la contrefaçon. L”étude réalisée en 1999 par le Cnuced avait établi les pertes occasionnées par la piraterie à 6,6 milliards de F CFA par an. Un chiffre très en deçà de la réalité aujourd”hui. La musique malienne pourrait constituer un des piliers de notre économie si un minimum d”attention lui était accordée .
Et c”est naturellement l”Etat qui doit traduire en actes concrets la volonté politique dans les discours. A commencer par faciliter l”importation de la matière première destinée à l”édition, faire respecter la réglementation en vigueur sur les droits d”auteur, assurer la formation de haut niveau et enfin inciter les banques maliennes à investir dans ce secteur dynamique et prometteur. Cela ne profitera pas aux seuls acteurs du secteur comme les artistes, mais c”est toute la nation qui y gagnerait.
Moussa Bolly
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