Les humeurs de Facoh : La grosse bêtise

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C’est un secret de polichinelle que de souligner que la littérature reste le parent pauvre des arts au Mali en dépit de l’organisation annuelle d’une rentrée littéraire qui décerne des prix aux meilleurs auteurs.

En comparaison, la musique, le folklore et la danse soulèvent périodiquement les foules et attirent l’attention sur ces vedettes dont beaucoup d’ailleurs reprennent de vieux titres d’autres artistes. Cette remarque vaut surtout pour la musique dite moderne dont le reggae et le rap qui ne sont pas de chez nous, mais occupent désormais une place importante dans notre music-hall moderne d’aujourd’hui.

Pour ce qui est de la musique dite traditionnelle, elle est oubliée depuis longtemps et n’apparaît plus sur les antennes nationales et privées que lors des grands évènements politiques ou du décès d’un grand personnage à l’instar de Bazoumana Sissoko dont la voix matinale sur une radio fait peur à juste raison.

D’autres musiciens traditionnels comme Koni Koumaré de Saman Markala (région de Ségou), Hamari Diarra de Nonkon (Bèlèdougou) et Nonti Coulibaly de Fani (région de Koulikoro) ne sont maintenant connus que par leur voisinage et de quelques spécialistes de cet art en dépit de la renommée de certains d’entre eux qui animaient il n’y a pas si longtemps la journée dite du paysan (sénékélaw ka don) qui avait lieu chaque vendredi.

On ne peut pas dire que la musique est une création facile mais elle est moins laborieuse que l’écriture d’un texte de littérature de n’importe quel genre car quand un texte de musique peut s’écrire en une heure, celui d’un ouvrage de littérature, ressemblant à un accouchement traditionnel dans une case en raison de nos conditions de vie trop précaires, demande des mois, voire des années de concentration, de réflexion et de réclusion. En dépit de toute cette somme considérable de fatigue, les écrivains sont méconnus et passent inaperçus dans nos rues.

Ils ne sont d’ailleurs plus légion aujourd’hui nos compatriotes qui se souviennent encore de Fily Dabo Sissoko, de Mamadou Gologo et même de Seydou Badian Kouyaté décédé en février 2019. Quant à Ibrahima Ly et autres Gaoussou Diawara et Samba Ismaël Traoré, si les uns sont décédés quasiment dans l’anonymat, les autres portent dignement une renommée non reconnue par l’Etat et continuent à vivre de la passion de l’écriture.

En parcourant les rues de Bamako et même de certaines grandes artères de nos capitales régionales, on est étonné de constater que le nom de ces augustes personnages ne figure sur aucune route ni sur un quelconque monument alors que des édifices publics sont dressés au nom des artistes musiciens.

Les pouvoirs publics de ce pays commettent une grave discrimination en célébrant par des monuments et autres édifices certains artistes de la chanson et en marginalisant les écrivains dont les œuvres pourtant durent plus longtemps que celles des chanteurs, dont la durée de vie ne dépasse guère une saison, le temps pour les cigognes de venir en hivernage et de repartir à la fin de l’hivernage.

Dans aucun pays au monde on n’a vu un tel renversement des valeurs et si l’on prend le cas d’un pays comme la France par exemple, on constate qu’un artiste musicien est comme un écrivain et est reconnu comme tel. Il y a bien sûr une avenue Victor Hugo à Paris, une place Balzac à Tours et un boulevard Sthendal à Grenoble, tout comme il y a dans des villes de France une rue Chopin, une avenue Lamartine à Lyon ou à Marseille.

Mais comme le dit à juste titre l’adage bambara, on montre l’or à celui qui le connaît mais pas au bougre qui le confond avec le zinc ou le cuivre. Du reste, si chez nous, les écrivains ne sont pas pendus comme ce fut le cas de Ken Sarro Wiwa au Nigeria sous Sanni Abacha, lequel écrivait pour la seule gloire du peuple ogoni auquel il appartenait par la naissance, ils ne bénéficient de la part des autorités que d’un mépris souverain quand ils ne sont pas considérés comme de simples voyous de la plume.

 

Facoh Donki Diarra

(écrivain, Konibabougou)

 

 

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