Les Amazones d’Afrique, pour l’exemple : Réunion exceptionnelle de sept artistes maliennes

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madina-ndiaye-amazonesPour sensibiliser à la condition des femmes sur le continent africain et promouvoir leurs droits, sept musiciennes et chanteuses dont Oumou Sangaré, Mamani Keita et Mariam Doumbia ont décidé de former les Amazones d’Afrique. Leur premier concert avait lieu ce vendredi 16 octobre dans le cadre de la Fiesta des Suds à Marseille. Alors que les projecteurs ne se sont pas encore allumés et qu’un léger brouhaha enveloppe le public marseillais déjà présent, des voix se font tout à coup entendre. Féminines.

À n’en pas douter, Oumou, Mamani, Mariam et les autres membres du groupe sont en train de s’encourager collectivement par un de ces traditionnels rituels d’avant-scène. Mais le cri de guerre de ces Amazones d’Afrique n’est pas lié à un combat qu’elles s’apprêteraient à livrer les armes à la main, comme ces fameuses soldates auxquelles leur nom fait référence et qui ont défendu le royaume du Dahomey (ancien nom du Bénin) lors de la colonisation. Ce sont des micros, des instruments qu’elles tiennent pour défendre leur cause, à savoir celle des femmes sur leur continent. Si le concert qu’elles sont venues donner aux Docks des Suds, sur les bords de la Méditerranée, revêt un caractère particulier, c’est d’abord parce qu’il est rare de voir sept chanteuses et musiciennes d’Afrique ensemble. “Politiquement et symboliquement, c’était important de mettre en avant ces femmes du Mali qui revendiquent”, souligne Bernard Aubert, directeur artistique de la Fiesta des Suds dont la 24e édition accueillait la première prestation officielle de ce super groupe féminin.

Imaginé à l’origine par l’agence de production et de management 3D Family, le projet s’appuie sur quelques-unes des représentantes les plus emblématiques de la musique malienne, s’illustrant dans des registres différents et toutes convaincues de l’utilité de la démarche. “J’étais tout de suite séduite parce que c’était une idée qui me tenait à cœur de réunir un jour des femmes africaines, mais avec mon planning chargé, je n’ai pas pu le faire”, confie Oumou Sangaré, inlassable militante qui connaît la valeur de l’exemple et cherche à appliquer à sa vie cette émancipation féminine qu’elle appelle de ses vœux. Mamani Keita, arrivée en France à la fin des années 80, sait aussi à quel point il peut être dur de faire son chemin et incarne à sa façon une forme d’indépendance. Ses collaborations artistiques suffisent à le faire comprendre, elle qui a entre autres, enregistré le premier volume d’Electro Bamako puis travaillé avec Nicolas Repac, et chanté pour le pianiste belge Éric Legnini. Cette capacité à ouvrir son univers musical, que ce soit avec Manu Chao pour Dimanche à Bamako ou Damon Albarn pour Sabali, se retrouve également dans la carrière de Mariam Doumbia, autre tête affiche des Amazones –dont le mari Amadou Bagayoko participe à la renaissance des Ambassadeurs, autre all stars malien très en vue actuellement.

Batterie et kora au féminin 

Aux côtés de ces trois chanteuses, et des deux choristes Mariam Koné et Pamela Badjogo, d’autres femmes montrent qu’elles peuvent jouer un rôle moins habituel. Comme Mouneissa Tandina, à la batterie, entendue notamment avec Kasse Mady Diabaté et plus récemment avec le Kaladjula Band, un groupe féminin. “J’ai travaillé avec elle dans les années 2002-2003. On avait tourné aux États-Unis, à Londres, un peu partout et c’était un succès fou, raconte Oumou Sangaré, ravie de la présence dans l’équipe de cette musicienne méconnue hors du Mali, malgré sa longue expérience. C’est le cas également de Madina Ndiaye, à la kora, instrument qui se conjugue par tradition au masculin et n’est censé se pratiquer que dans certaines familles. Cela lui a valu de nombreuses critiques, bien qu’elle ait fait son apprentissage dans les années 90 auprès du maître Toumani Diabaté.

La koriste Madina Ndiaye, Fiesta des Suds 2015

Loin d’être revanchardes, ces Amazones d’Afrique savent faire une place aux hommes, à commencer par ceux qui les accompagnent en live, dont le Béninois Patrick Ruffino, à la basse. Et des invités, “qui n’ont parfois rien à voir avec l’Afrique”, indique Bernard Aubert, faisant le lien avec Africa Express, concept développé par Damon Albarn et programmé à deux reprises à la Fiesta des Suds. Un costume presque idéal pour Mouss et Hakim, les deux frères de Zebda, qui ont su trouver leur place et apporter une autre forme d’énergie en intervenant sur quelques morceaux durant le concert. Quant à la participation de Tiken Jah Fakoly, en début et en fin de show, elle s’avère encore plus logique et naturelle, car le reggaeman ivoirien a mis les locaux bamakois de sa structure Radio Libre à la disposition des Amazones pour qu’elles puissent donner corps à leur spectacle. Avant de quitter la scène, tandis que ses comparses en sont déjà descendues, Oumou Sangaré tient à le faire savoir : “Heureusement qu’il y a encore des hommes comme lui qui croient au talent des femmes.”

Par Bertrand LAVAINE   

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