Dans cet entretien exclusif que le grand maître de la kora Toumani Diabaté nous a accordé en début de semaine, il nous parle de sa nomination comme Ambassadeur de l”ONUSIDA dans le monde entier, de son prochain album et de ses relations avec Cheick Modibo Diarra, le Malien de la NASA.
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Bamako Hebdo : Pourquoi Symétric Orchestra?
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Toumani Diabaté : Je dis Dieu merci. Je remercie le Seigneur Tout-Puissant. Je remercie le Prophète (Paix et Salut sur Lui). Je remercie tous les Maliens et toutes les Maliennes, toute ma famille. Sans oublier notamment les autorités et la vaillante presse malienne. Depuis deux ans, il y a un grand projet dénommé Toumani Diabaté et "Symétric Orchestra" qui tourne dans le monde.
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Le premier album est sorti il y a deux ans. Symétric Orchestra est en fait un groupe panafricain, dans la mesure où l”esprit qui l”anime est une reconstitution de l”Empire Mandingue. Il est composé de musiciens maliens, guinéens, sénégalais, bissau guinéens, ivoiriens, burkinabé. C”est aussi une rencontre entre musique traditionnelle et moderne, disons, entre les instruments traditionnels comme la kora, le balafon, le n”goni, le djembé et les autres.
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Les meilleures voix actuelles de la sous-région comme Mangala Camara, Soumaïla Kanouté, Kassé Mady Diabaté, Mamadou Kouyaté … sont dans Symétric Orchestra.
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Il faut noter que c”est également une rencontre entre différentes générations. Comme je l”ai toujours dit, le Mali est le cœur de la culture en Afrique. Les musiciens, les artistes et les opérateurs culturels maliens sont très à la mode aujourd”hui, sur le continent africain et même en dehors du continent.
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Nous avons déjà fait 150 concerts dans le monde entier en une année seulement. Ce qui nous a conduits sur les cinq continents, aux Etats-Unis, au Canada, en Europe. Nous sommes rentrés à Bamako, il y a une semaine, avec beaucoup de fierté, de joie dans le cœur. Pour qui connaît ce groupe, qui a évolué, bien avant aujourd”hui, dans les espaces culturels, le voir tourner un peu partout dans le monde engendre un sentiment de fierté. Je remercie tous ceux qui ont œuvré et continuent à le faire pour le groupe Symétric Orchestra en particulier et la culture africaine en général.
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Comment se porte votre album "Boulevard de l”Indépendance"?
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Je suis très content, parce que cet album a été produit par l”une des plus grandes maisons de production aujourd”hui, à savoir "World Circuit" qui veut dire en français "le Circuit du Monde" et la Compagnie de feu Ali Farka Touré, "le Lion du Désert". Dieu merci, l”album marche très bien. La preuve en est que Symétric Orchestra a été classé meilleur projet africain pour l”année 2006-2007. D”ailleurs, le mot symétrie évoque une complémentarité en matière de mathématiques.
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Ce que je peux vous dire, c”est que l”album a connu un franc succès. Nous avons été nominés, l”année dernière, pour les BBC Awards, dans la catégorie meilleur CD/ Disque compact de musique africaine. Nous venons tout juste d”être nominés, cette année, à travers Vieux Farka Touré, Bassékou Kouyaté et le groupe Tinariwen du Nord.
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Nous avons rencontré de grands musiciens. Nous avons également joué dans les plus grands festivals à travers le monde (aux Etats-Unis, en Europe). Nous sommes en train de préparer une grande tournée en l”Asie. Vous pouvez déjà vous attendre à la sortie de mon prochain album. Et Symétric Orchestra se prépare aussi à entrer en studio.
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Pouvez-vous nous parler de ce prochain album?
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C”est un album solo. Il s”appellera "Mandé variations" et sera composé uniquement de mélodies interprétées à la kora. Vous savez, mon premier album solo date déjà de 20 ans. C”est en 1987 que je l”ai enregistré à Londres, en deux heures d”horloge.
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Comme je l”ai toujours dit, mon souci n”est pas d”être le meilleur joueur de kora du monde, c”est tout simplement d”être un bon joueur de kora. Je viens d”une famille, tous joueurs de kora, de père en fils, qui compte 71 générations. La 72ème génération se prépare, avec mon fils, Sidiki Diabaté junior. Il joue avec Vieux Farka Touré, le fils d”Ali Farka. C”est un album dans lequel j”ai adopté un accord spécial, qui vient d”Egypte et qui tend un peu vers le "diaro" du Mali. C”est pour mieux faciliter la compréhension malienne. C”est aussi un album révolutionnaire et classique à la fois, qui est différent de tous mes autres albums, que les gens ont l”habitude d”écouter.
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Quelles relations entretenez-vous avec Cheick Modibo Diarra?
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J”ai connu le Grand Diarra de Ségou, Cheick Modibo, aux Etats-Unis avec sa famille, que je remercie infiniment et avec toute son équipe, qui fait la fierté du continent africain aujourd”hui. Nous avons eu à faire beaucoup de choses ensemble dans le domaine culturel. Cheick Modibo Diarra a toujours financé de sa poche les rencontres des étudiants venant d”Afrique. Toutes ces rencontres ont été agrémentées par ma musique. C”est pour cela que Cheick Modibo Diarra et toute son équipe ont décidé que Toumani Diabaté soit l”artiste de la Fondation Pathfinder. Cheick Modibo Diarra est la personne qui a fait jouer ma musique à la NASA. C”est un vrai Malien. Il adore la musique malienne.
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Quels regrets avez-vous aujourd”hui, après la disparition d”Ali Farka Touré?
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Vous savez, Ali comme musicien, était top. Il détient d”ailleurs le record de Grammy Awards en Afrique. C”est très important. Ali avait un très bon caractère. Quand vous rencontriez Ali pour la première fois, vous aviez l”impression qu”il vous connaissait depuis vingt ans. C”était un homme véridique, simple et patriote. Je suis sûr que tout le monde regrette la disparition de Ali Farka. Il m”a appris beaucoup de choses, musicalement et dans la vie courante. C”est un honneur pour moi qu”à la fin de sa vie Ali m”ait choisi comme son représentant. Il m”a confié son empire, devant Dieu et les hommes en me donnant, d”abord, son fils Vieux Farka. Qui est d”ailleurs le seul fils qui fasse de la musique dans la famille. Ali m”a dit, je le cite : "ce n”est pas pour rien que je t”ai choisi, Toumani. A chaque fois que vous penserez à moi, il faut dire Amen. Vous avez ma bénédiction".
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Depuis le décès d”Ali, à commencer par Dadié Sangaré et Ali Guindo de la Fondation Ali Farka, j”ai été toujours bien accueilli par les nombreuses familles de Ali. Je profite de l”occasion pour leur adresser mes sincères remerciements.
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Vous venez d”être nommé Ambassadeur de l”Onusida. Peut-on savoir pour quelles raisons?
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Effectivement depuis le 4 octobre, j”ai été nommé Ambassadeur de l”Onusida dans le monde entier, par le biais de notre compatriote Michel Sidibé, vice-président de l”Onusida. C”est lui qui m”a fait part de la nouvelle en me disant ceci : "Toumani, nous te suivons. Moi, particulièrement, je sais ce que tu fais et j”adore ce que tu fais".
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Il y a cinq ans, mon oncle Barou Dembélé m”a amené, un dimanche, passer toute la journée avec Michel Sangaré à Samaya, avec des personnalités de l”Onusida. Depuis ce jour-là, la décision a été prise que Toumani soit nommé un jour Ambassadeur de l”Onusida dans le monde. Je ne m”attendais pas du tout à cela.
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Lors de la dernière visite de Michel au Mali, il m”a envoyé quelqu”un me dire qu”il m”avait choisi pour devenir Ambassadeur, afin de véhiculer les messages de lutte contre le Sida. Vous savez, il y a encore des gens qui ne croient pas à l”existence de cette maladie. Il y a des personnes qui pensent que ce sont des mensonges. Je dis non.
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Le Sida existe en réalité. Dieu merci, de 2005 à 2007, je fus l”artiste malien qui a tourné plus que tous les autres groupes. C”est l”une des raisons fondamentales de ma nomination. Il faut reconnaître que j”ai une très bonne maison de management. Je continue donc à véhiculer les messages. Les projets vont commencer très bientôt, concernant la sensibilisation sur le Sida au Mali et en dehors du continent.
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Réalisé par Alou Badra HAIDARA
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9 nov 2007
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