Après avoir passé une vingtaine d’années à l’extérieur, le Maestro Boncana Issa Maïga est désormais installé au Mali. Son ambition, c’est de pouvoir donner un coup de pouce à la musique malienne et à l’art d’une manière générale. Dans cet entretien exclusif, l’enfant de Gao nous parle de son émission Stars Parade, sur TV5, dont le huitième anniversaire est prévu pour le 18 août prochain au Grand Hôtel, de ses relations Kamaldine et d’autres sujets. Selon Boncana, son rapport avec la chanteuse guinéenne est celui entre une artiste et son producteur. Il dément formellement la rumeur qui affirme qu’il aurait eu un enfant avec elle.
Bamako Hebdo : Qui est Boncana Maïga ?
Boncana Maïga : Je m”appelle Boncana Issa Maïga. Je suis né à Gao. Je suis un musicien professionnel. Il faut dire que j”ai bénéficié d”une bourse pour étudier la musique à Cuba, après quoi je suis retourné au Mali avant d”aller en Côte d”Ivoire puis en France. Maintenant, je suis de retour au Mali.
Pouvez-vous nous parler de votre carrière musicale ?
Ma carrière musicale est très riche. Elle a démarré, il y a très très longtemps. Je faisais la musique avant même d”aller à Cuba. Un jour, j”ai appris que j”étais sélectionné pour aller apprendre la musique dans cette île. Bien sûr, j”étais content, mais mes parents n”étaient pas du tout dans les mêmes dispositions, car je suis l”unique garçon de la famille.
Ma mère n”avait jamais souhaité que je fasse de la musique. Finalement, ça s”est arrangé. Je suis parti à Cuba pour dix ans. J”y ai appris la musique, au vrai sens du mot. Je suis donc licencié en musique. Je joue de la guitare, du piano et plusieurs autres instruments.
Avant de finir mes études, j”ai créé un orchestre à Cuba, "les Merveilles du Mali" avec les autres étudiants maliens en musique. Je jouais beaucoup de rôles dans cet orchestre, notamment comme compositeur et arrangeur.
Lorsque je suis retourné au Mali, les autorités maliennes de l”époque n”avaient pas compris ce que nous voulions faire. Je tenais à montrer, que ça soit au Mali ou ailleurs, ce que j”avais appris à Cuba. C”est ainsi que je me suis orienté vers la Côte d”Ivoire qui m”a ouvert les bras, qui m”a accueilli.
J”ai travaillé dans ce pays pendant une vingtaine d”années. J”étais professeur de musique au Conservatoire. Parallèlement, j”ai créé l”Orchestre de la télévision de la Côte d”Ivoire. J”ai également formé des musiciens, avant de commencer à faire des disques. A défaut de l”orchestre du Mali, j”ai créé un orchestre en Côte d”Ivoire, qui a eu connu un grand succès. Il faut reconnaître que cet orchestre a formé tous les grands artistes ivoiriens à commencer par Aïcha Koné, Nayanka Belle, Gadji Cely et j”en passe. Il faut dire aussi que je donnais beaucoup et que je ne recevais pas trop. C”est ainsi que j”ai décidé de partir en France, en 1988. C”était pour prendre contact avec d”autres formes de musique.
En me frottant à d”autres musiciens, j”avais compris que j”avais des dons pour les arrangements musicaux. J”ai finalement abandonné la scène pour m”occuper de cela. J”ai travaillé avec Alpha Blondy à partir de 1990, et nous n”avons eu que des albums à succès. Je suis resté très longtemps en France, près de 17 ans. Maintenant, je suis de retour au Mali.
Je fais de la musique vidéo et de la musique audio. Je fais beaucoup d”autres choses, comme l’organisation des événements, des spectacles. Disons que je suis un homme orchestre et que j”ai pu exploiter dans ma vie tout ce que j”ai appris à Cuba. Finalement, j”ai fini par la télévision. Ça fait huit ans que j”anime sur TV5 l”émission Stars Parade. Avant, c”était sur Canal France International (CFI-TV).
Nous allons célébrer le 18 août prochain le huitième anniversaire de Stars Parade, au Grand Hôtel, avec des amis, des musiciens et d”autres invités. Pratiquement, ça fait deux ans que je suis revenu au Mali.
En tant qu”artiste-musicien, combien d’albums avez-vous mis sur le marché ?
J”ai sorti plusieurs albums. J”ai produit au moins six albums de salsa aux Etats-Unis. J”ai également réalisé plusieurs disques. J”ai fait de la musique traditionnelle, dont "Mariétou", qui est une composition du Niger que j”ai interprétée.
Comme je l”ai bien fait, les gens pensaient que j”étais Nigérien. Non, je ne suis pas Nigérien, je suis Malien. Je dirai tout simplement que je suis un Africain, puisque mon art a servi toute l”Afrique, tous les musiciens africains, tout comme certains de nos artistes maliens ont bénéficié de mes arrangements, à savoir Amy Koïta, Kassé Mady Diabaté, Nahawa Doumbia, Abdoulaye Diabaté … J”ai également arrangé beaucoup d”artistes africains, notamment de la Côte d”Ivoire, de la Guinée, du Sénégal … Je me sens musicien dans mon âme.
Etes-vous satisfait aujourd”hui ?
A partir du moment où on vit de son art, quel que soit le métier que l”on fait, on peut être satisfait. J”ai fait de la musique et la musique m”a fait. Nous marchons ensemble. La musique marche avec moi parce que je suis musicien. Et je fais de la musique parce que je suis musicien. Je vis de ce métier que j”ai appris. C”est vous dire que je suis heureux et que je ne suis pas malheureux.
Comment êtes-vous venu à l”émission Stars Parade de TV5 ?
A la création de CFI-TV, j”ai simplement dit aux dirigeants d”alors que c”était bien d”avoir une télévision, mais que la musique africaine n”était pas représentée sur la Chaîne. Je suis allé voir les dirigeants, pas en tant qu”animateur mais, en tant que musicien, présentateur de musique. Il s”agissait de donner l”opportunité aux musiciens africains de pouvoir s”exprimer sur une TV. Aujourd”hui, tous les musiciens en ont bénéficié. C”est le contrat qui me lie avec TV5 et Canal France International. Il y a environ 204 pays qui reçoivent TV5 et près de 60 millions de téléspectateurs qui la regardent par jour. Cela veut dire que celui qui passe sur TV5 dans Stars Parade est vu dans le monde entier. Je reçois, tous les lundis, des messages des quatre coins du globe.
En général, ce sont des messages de félicitations ou de suggestions. C”est vous dire que c”est du plaisir qu”on tire de cette émission. J”en suis très heureux parce que les responsables de TV5 et CFI sont eux aussi très contents que l”émission soit très suivie à travers le monde. On peut dire qu”elle est bien installée. Il y a près d”une cinquantaine de chaînes en Afrique qui reprennent cette émission, par exemple Africable, qui offre tous les dimanches à 13 heures Stars Parade à tous les Maliens et à la sous-région ouest-africaine. C”est comme ça je suis rentré dans cette maison. Je me sens utile en train de diriger des orchestres, de faire des arrangements ou de donner l”opportunité aux musiciens de s”exprimer sur une chaîne.
Un musicien qui travaille ici ne peut pas se lever comme ça et dire : je veux parler sur TV5. On lui dira toujours : il faut passer par Stars Parade. C”est un créneau que nous donnons aux musiciens africains. Aujourd”hui, cette émission est tellement installée que nous recevons des invitations de partout. Nous couvrons tous les festivals sur le Continent. Nous avons reçu récemment une invitation de la Namibie, pour y faire une spéciale.
Cela veut dire que l”émission est bien suivie dans le monde entier. C”est un plaisir. Je ne suis pas un animateur, je suis tout simplement un musicien qui s”adresse à un autre musicien. On parle de problèmes de musique et on se comprend parfaitement.
Comment préparez-vous cette émission en résidant au Mali ?
Je voyage pratiquement toutes les semaines. Pour une émission de 26 minutes il faut faire le tour de l”Afrique. Quand je dis le tour de l”Afrique, c”est que lorsque je passe un artiste malien, il faut aussi passer un artiste camerounais, un artiste congolais, un artiste mauritanien. C”est pourquoi tous les Africains se sentent concernés. Je prépare cette émission en voyageant tous les dix jours. Je fais certains des plateaux sur place à Bamako.
Avez-vous des collaborateurs dans d”autres pays ?
Justement, j”ai des collaborateurs dans beaucoup de pays. J”en ai douze. Je ne peux pas être à Bamako et savoir tout ce qui se passe au Cameroun, au Congo ou dans d”autres pays. C”est ce qui fait la force de cette émission.
Quand il y a un événement au Cameroun, j”ai la cassette au moment où je fais le montage et je l”envoie à TV5 pour qu”elle puisse passer dans l”émission. J”ai des correspondantes au Cameroun, au Congo, au Gabon, au Sénégal, au Burkina. Avant, c”était N”Dèye Sissoko pour le Mali, mais maintenant elle est présentatrice du Journal télévisé de l”ORTM. Nous sommes en train de former une dame qui va bientôt travailler avec nous ici. Je ne veux pas dévoiler son nom. Mais, vous la verrez bientôt sur TV5. Je crois qu”elle pourra faire l”affaire puisqu”elle s”exprime fort bien.
Revenons sur le huitième anniversaire de Stars Parade. Quels sont les artistes invités ?
Disons que ce sera un spectacle télévisé. Toutes les correspondantes qui représentent Stars Parade pour TV5 en Afrique seront là, à Bamako. Elles vont parler de leur pays touristique, culturel et musical. Plus de deux cent personnes sont invitées.
Nous allons concocté un petit spectacle, juste pour le filmer et faire ainsi plaisir aux spectateurs qui seront présents dans la salle. Il y aura également des artistes maliens, que je ne veux pas citer maintenant.
Pourquoi ?
Je fais toujours comme ça. Je veux faire la surprise à mes invités.
Peut-on savoir le nombre d”artistes maliens que vous avez produits ?
Je ne peux pas le savoir parce que j”ai fait des productions et des arrangements pratiquement pour tous les artistes maliens.
Je pense que les meilleurs titres ont marché. Quand je prends le cas de Amy Koïta, je me rappelle toujours de cette chanson, "Diarabi", que nous avons faite ensemble en Côte d”Ivoire.
J”ai fait l”album "Laban" d”Oumou Sangaré et travaillé avec Nahawa Doumbia sur son premier disque "Djinè faso" et Kandia Kouyaté pour "Amary Daou", pour ne citer que ceux-là.
Etes-vous satisfait du dernier album d”Adja Soumano, "Kokabéré", que vous avez produit ?
Justement, le plaisir qu”on tire d”un album, c”est lorsque l”on fait un disque et que l”artiste arrive à vivre de ce produit pendant cinq ans. Alors que, dans le même laps de temps, il y a des artistes qui font deux ou trois disques. Quand vous écoutez l”album d”Adja Soumano, c”est comme si c”est une cassette qui est sortie il y a juste trois à quatre jours. C”est normal parce que nous avons mis du temps pour peaufiner cet album.
Un bon disque doit permettre de faire vivre son artiste pendant quatre à cinq ans. A mon avis, là, l”objectif est atteint. Adja m”appelé en début de semaine pour me dire qu”elle était invitée aux Etats-Unis, toujours dans le cadre de l”album "Kokabéré". Avec lui, elle a eu tous les prix. Elle a reçu le Tamani d”Or, un double Kora, le Djembé d”Or. C”est cette satisfaction que j”ai aujourd”hui.
Je sais que tout le monde attend le prochain album de Adja Soumano. C”est la même chose pour la guinéenne Kamaldine qui a également reçu beaucoup de trophées parce que son disque est bien fait. C”est comme ça que je travaille.
Il nous est revenu que Adja Soumano et son distributeur avaient un problème. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
Je n”aime pas entrer dans les polémiques. J”ai été informé de la chose alors que j”étais à Paris. Je sais qu”il y a eu un problème entre Adja Soumano et la maison de distribution que vous connaissez très bien (NDRL : Seydoni-Mali). Bon, on n”en parle plus, ça veut dire que l”affaire est réglée.
Peut-on connaître le nom de l’artiste que vous êtes en train de produire actuellement ?
Je suis en train de produire un artiste que tout le monde connaît et que les gens n”estiment pas à sa juste valeur. Personne ne fait attention à lui. Je ne vais pas dévoiler son nom parce que j”aime les surprises.
Quand je préparais l”album d”Adja Soumano, personne ne le savait. Je prépare un disque avec une chanteuse malienne qui est sous-estimée par tout le monde. Moi, je sais que cette personne a de la valeur musicale.
C”est Babani Koné ?
Non. Babani a sa maison de production et ses arrangeurs. Je parle de quelqu”un qui n”a pas encore atteint le niveau de Babani Koné ou celui de Adja Soumano.
Quel est votre artiste préféré au Mali ?
Je n”ai pas d”artiste préféré au Mali. J”apprécie les artistes qui chantent bien, comme Salif Kéïta ou Oumou Sangaré… Et quand ce n”est pas bon, je le dis, je suis un musicien.
Quels rapports entretenez-vous avec la chanteuse guinéenne Kamaldine ?
C”est un rapport entre un producteur et son artiste. J”ai fait un album avec Kamaldine, qui a très bien marché. Je suis son homme d”affaires, son manager. Je programme tous ses concerts de l”année. Elle a ainsi fait plusieurs concerts en Allemagne, en Hollande et en Angleterre l”année dernière. Elle revient des Etats-Unis et actuellement elle se trouve en Guinée.
Il paraît que vous avez eu un enfant avec elle? Est-ce vrai ou faux ?
On a aussi dit que j”avais eu un enfant avec Aïcha Koné et un avec Nayanka Belle. Que voulez-vous que je dise ? Je ne réponds jamais. Aujourd”hui, Aïcha Koné vit sa vie, Kamaldine vit sa vie. Chacun peut dire ce qu”il veut.
Moi, j”ai l”habitude de ne jamais répondre aux rumeurs. C”est donner dans la polémique.
C”est dire que vous n”avez pas eu d”enfant avec Kamaldine ?
Bon, l”information n”est pas vérifiée. C”est vous dire que ce n”est pas vrai.
Que pensez-vous de la musique malienne actuelle ?
Je pense que la musique malienne a beaucoup évolué. Je regrette qu”il y ait beaucoup d”imitations de musiques qui viennent d”ailleurs. Il n”y a pas de recherche. La nouvelle génération ne se soucie guère de l”avenir. Je ne sais pas si la relève est bien assurée ou pas.
J”entends beaucoup de musique qui passent, éphémères. Je crois que la jeune génération a besoin de s”exprimer autrement. Je suis d”avis que les gens apprennent bien la musique en premier lieu pour pouvoir mieux s”exprimer ensuite.
Que pensez-vous de la nouvelle émission d”Africable "Case Sanga" ?
Je pense que c”est une bonne initiative. Je crois que c’est une émission prometteuse.
Quelles sont vos ambitions pour le Mali ?
Je reviens au Mali avec beaucoup d”expérience dans le domaine musical, de l”enseignement, de l”audio-visuel, du spectacle. Je suis ouvert à toutes sortes de propositions. Je suis là pour apporter à tous l”expérience que j”ai accumulée pendant des années, que ce soit dans le domaine discographique, audiovisuel, de l’arrangement, etc.
Mon ambition, c”est de pouvoir donner un coup de pouce à la musique malienne et à l”art d’une manière générale.
Envisagez-vous un jour de vous lancer dans la politique ?
Pourquoi pas?
Réalisé par Alou Badra HAIDARA
“