Après avoir participé au meeting de soutien à la paix organisé le 12 août 2006 dans la salle de spectacles du stade Modibo Keïta, les jeunes rappeurs du groupe "Tata Pound", Dixon, Djodama et Ramsès, ont affirmé ne pas soutenir les accords d’Alger: "Notre position et notre ligne de conduite ne nous permettent pas de soutenir une telle chose. Quand nous avons été au stade omnisports, nous ne savions pas que c’était un meeting de soutien à l’accord. Mais nous avons joué pour ne pas gâter la fête car nos fans n’allaient pas comprendre. C’est pourquoi, avant de jouer, nous avons dit aux responsables des jeunes leaders d’opinion que nous ne soutenons pas les accords".
Pour les jeunes musiciens, ce n’est pas à des insurgés d’ordonner à un Etat souverain, dans l’une de ses localités, ce qu’il doit faire. L’Etat ne peut pas faire face aux préoccupations de chaque région du Mali sous forme de doléances. Il peut juste faire en sorte que les institutions de la République – l’Assemblée régionale et l’Assemblée nationale – puissent être des lieux de débats démocratiques. "A notre avis, l’Etat devait faire un referendum, donner la parole au peuple avant de signer quoi que ce soit, mais dans le cas actuel, un précédent a été créé".
Pour le trio magique de Badalabougou, les autorités maliennes, après avoir signé les accords d’Alger, ne doivent plus parler d’intégrité territoriale. Selon eux, si une telle pratique continue, le Mali risque d’être une Fédération, ce que personne ne souhaite. "ATT a signé les accords pour que les élections se passent dans la tranquillité. Pendant son deuxième mandat, il fera tout pour calmer les choses. Mais il n’a pas pensé à l’avenir, puisque c’est un document qui n’engage pas un seul homme, mais le Mali tout entier, notre pays à nous tous. Peut-être que lui, il peut aller ailleurs passer sa retraite ; mais nous, nous n’avons que le Mali, et que ça chauffe ou non, nous resterons ici. L’accord ne vise pas la paix, il cultive la haine et prépare une bombe atomique qu’ATT ne pourra pas empêcher d’exploser. Cela trouvera peut-être qu’il n’est même pas au pouvoir".
"Tata Pound" pense que l’Etat est une continuité et que nos dirigeants actuels doivent penser à l’avenir. Pour eux, ils ne devaient pas signer avec des "bandits armés", terme consacré jusqu’à ce jour, pour désigner les insurgés. "C’est un risque pour l’Etat".
Les Maliens, de l’avis de "Tata Pound", ont été privés d’une bonne occasion de s’exprimer. On les en a empêche en organisant des rencontres avec des gens qui sont dans l’attelage du pouvoir, qui ne peuvent rien dire contre le pouvoir. "Nous comprenons le statut des membres de la société civile au Mali, ce sont des gens qui ne sont pas concertés quand il y a des problèmes et la plupart d’entre eux sont des responsables d’ONG qui vivent grâce aux subventions extérieures dont l’Etat est en partie garant. Ils ne peuvent rien faire d’autre que de soutenir tout ce que le Gouvernement fait".
Le groupe musical demande aux artistes du Mali de faire beaucoup attention, de mesurer et d’analyser les choses avant de s’y jeter puisqu’un artiste doit défendre son pays et se pencher du côté de l’intérêt général. "Nous n’avons pas été sollicités pour les messages parce que tout le monde connaît notre position. Nous ne devions même pas parler, mais si nous ne parlons pas, les gens ne nous comprendront pas. C’est pourquoi, au stade Omnisports, nous avons jugé nécessaire de jouer le titre «Monsieur le maire et Complice». Si on nous avait demandé de changer, nous n’allions pas jouer, parce que nous avons des idées, nous ne savions même pas qu’il y avait des maires dans la salle. C’est après que nous en avons été informés. Nous le disons à qui veut l’entendre: nous sommes contre les accords d’Alger parce que ça ne cadre pas avec notre point de vue, d’une manière générale, et le texte contient des clauses floues pour nous". Il est à signaler que la principale préoccupation de "Tata Pound" aujourd’hui est son voyage aux Etats-Unis d’Amérique prévu pour le mois de septembre.
Kassim TRAORE“